Comment la cocaïne sud-américaine arrive en Suisse par l'autoroute
L’opération avait été soigneusement planifiée, mais elle a tourné court un jour de janvier 2022. Le cerveau du trafic, un ressortissant irakien domicilié dans le canton d’Argovie, circulait aux Pays-Bas à bord d’une Toyota immatriculée en Suisse. Sur l’autoroute, il est entré en Allemagne par le poste-frontière d’Elten.
Derrière lui suivait un second véhicule, également immatriculé en Suisse. Au volant de ce VW Touran se trouvait un homme qui, «sur ordre» de l’Irakien, transportait un kilo de cocaïne. La marchandise était «dissimulée dans un compartiment de rangement situé dans le plancher, à l’arrière du véhicule». C’est ce qu’indique une décision du Tribunal pénal fédéral suisse, se référant à un mandat d’arrêt émis par le tribunal allemand de Kleve.
L'homme au volant du VW a été intercepté et arrêté lorsqu'il tentait d'entrer en Allemagne par le «poste frontière d'Elten/autoroute fédérale 3», indique le mandat d'arrêt visant l'Irakien. «Il a pu être interpellé et arrêté avec la drogue en sa possession».
Mais le cerveau présumé, l’Irakien, a pris la fuite. Les recherches menées par la suite sont restées infructueuses. Il aurait traversé l’Allemagne pour regagner la Suisse, dans le canton d’Argovie, où il semblait résider. C’est là qu’il a finalement été arrêté par la police cantonale en février 2025.
Depuis août 2024, l'Irakien était inscrit dans le Système d'information Schengen (SIS) pour être arrêté. Les dossiers judiciaires ne précisent pas pourquoi il a fallu près de trois ans après l'incident à la frontière néerlando-allemande pour qu'il soit localisé et appréhendé dans le canton d'Argovie.
Le chef de chantier se sent bien intégré en Suisse
Devant le Tribunal pénal fédéral, à Bellinzone, l’Irakien a tenté en vain d’empêcher son extradition vers l’Allemagne. Il a déclaré travailler comme chef de chantier et être «un membre à part entière de la société suisse». Son transfert outre-Rhin représenterait, selon lui, «un risque sérieux de traitement inhumain et dégradant». Il a également invoqué la dépendance de sa compagne à la drogue et le besoin de son fils de deux ans d’avoir son père à ses côtés.
Tous ces arguments ont été jugés irrecevables ou non étayés par le tribunal. L'intégration sociale alléguée en Suisse ne constitue pas un motif pour s'opposer à l'extradition. L'aide judiciaire gratuite a été refusée, le tribunal estimant l'affaire sans chance de succès. Le requérant a été condamné à payer 3000 francs de frais de justice. Il peut encore saisir le Tribunal fédéral.
Une route prisée du trafic de cocaïne
La route empruntée par l'Irakien et son coursier est une voie de transit prisée pour la cocaïne. L'autoroute fédérale allemande 3, sur laquelle les trafiquants voulaient s'engager, commence à la frontière néerlandaise et traverse le sud de l'Allemagne jusqu'à la frontière autrichienne. Cette autoroute est considérée comme un axe de transit majeur. La police signale régulièrement des saisies de cocaïne dans des véhicules venant des Pays-Bas et entrant en Allemagne par Emmerich-Elten. En général, comme dans le cas de l'Irakien d'Argovie, il s'agit de quelques kilos.
Cette affaire illustre les méthodes et le trajet employés pour faire passer de la cocaïne sud-américaine, via les Pays-Bas et l’Allemagne, jusqu’en Suisse. La drogue produite outre-Atlantique et est généralement livrée dans des conteneurs maritimes dans des ports comme Amsterdam ou Anvers. Elle est ensuite redistribuée en détail et arrive par différentes voies, dont l'autoroute, en Suisse.
Traduit et adapté par Noëline Flippe