«Tu peux me twinter?» Posez cette question à l'étranger, et vous recevrez certainement des regards perplexes. En Suisse, en revanche, tout le monde comprend ce que vous voulez dire. Depuis la pandémie, l'application de paiement Twint a connu un succès remarquable.
Elle n'est pas seulement devenue la référence pour les transferts d'argent simples entre amis. Twint s'est également établi chez les grands distributeurs, dans les magasins de ferme et sur les marchés aux puces. Mais son influence croissante suscite de plus en plus de critiques.
L'association Swiss Retail Federation, qui représente des entreprises comme Manor, Ikea ou Aldi, a déposé une plainte contre Twint auprès de la Commission de la concurrence (Comco). Il lui est reproché que les frais prélevés sont «régulièrement aussi élevés, voire plus élevés, que ceux des cartes de crédit».
Selon l'association, ils devraient pourtant s'aligner sur ceux des paiements par carte de débit. En effet, la plupart des clients de Twint auraient, comme pour une carte de débit, associé l'application à un compte bancaire.
L'association ne donne pas de chiffres précis sur ces frais prétendument excessifs. Les calculs effectués par la Schweiz am Wochenende montrent toutefois que les reproches ne s'appliquent pas dans tous les cas. Il est important de distinguer le mode de paiement et le fournisseur.
Cela dépend de différents facteurs. Concrètement, il faut regarder l'appareil utilisé, c'est-à-dire le terminal, son fournisseur, appelé acquéreur, et le modèle d'abonnement.
Si, en tant que commerçant, vous utilisez un terminal de Postfinance, vous devez verser 1,3% du montant demandé, et au moins douze centimes, lorsqu'un client paie avec Twint. A titre de comparaison, l'utilisation d'une carte de débit est facturée à 1,2% et celle d'une carte de crédit à 1,5%. Dans les deux cas, le montant minimum est également de douze centimes. Pour un achat de quinze francs, le magasin doit donc céder 19,5 centimes si le client utilise Twint. Si le client paie avec une carte de débit, le commerçant ne paiera «que» 18 centimes, alors qu'avec une carte de crédit, il paiera 22,5 centimes.
Chez le fournisseur de terminaux Wallee, Twint est moins cher que la plupart des cartes. Les commerçants qui choisissent l'abonnement Business à 70 francs par mois paient douze centimes par transaction Twint, plus 1,3%. Pour un café à cinq francs, cela fait 18,50 centimes. Les mêmes conditions s'appliquent chez Wallee pour les cartes de débit et de crédit de Postfinance.
Les cartes de débit et de crédit de Mastercard et Visa sont en revanche plus chères (douze centimes plus 1,55%), et pour une transaction avec une carte American Express, il faut même compter douze centimes plus 1,95%.
Les personnes qui achètent un terminal auprès du fournisseur Worldline paient 1,7% par transaction plus 10 centimes, qu'elles soient effectuées avec Twint, une carte de crédit ou de débit ou Apple ou Google Pay.
Les commerçants peuvent également utiliser un code QR pour Twint, qui doit être scanné par les clients. Ces autocollants QR peuvent être obtenus directement auprès de Twint. Dans ce cas, les paiements Twint ne sont pas intégrés dans les systèmes de décompte des terminaux. Avec cette solution, les frais ne s'élèvent qu'à 1,3% du montant de chaque transaction.
L'affirmation selon laquelle Twint génère des coûts plus élevés que les cartes de débit ou de crédit n'est donc pas vraie pour la plupart des produits standard des acquéreurs. Toutefois, les commerçants ayant un volume de transactions très élevé obtiennent souvent de meilleures conditions, qui ne sont pas divulguées. Il est tout à fait possible qu'ils paient moins pour l'utilisation de cartes de crédit ou de débit que pour Twint.
Il est impossible de répondre à cette question de manière générale. Elle dépend du logiciel et du fournisseur de paiement que les commerçants utilisent pour leur boutique e-commerce.
Chez Payrexx, l'un des plus grands fournisseurs de paiements en ligne, un commerçant avec l'abonnement Premium paie 1,25% plus 18 centimes par transaction dans sa boutique digitale. C'est moins que pour les cartes de crédit et de débit de Mastercard et Visa (1,35% plus 18 centimes) et moins que pour l'acceptation des cartes de Postfinance (1,5% plus 20 centimes).
Le prestataire américain Stripe, particulièrement apprécié des petits commerçants, prélève 1,9% plus 30 centimes pour les paiements par Twint. Ce montant est inférieur à celui des paiements par carte de crédit et de débit depuis la Suisse (2,9% plus 30 centimes). Par exemple, celui qui vend un produit pour 50 francs doit verser 1,25 franc à Stripe si le client paie avec Twint, et 1,75 franc en cas de paiement par carte de débit.
L'utilisation du système américain Paypal est nettement plus chère. Celui qui possède un compte marchand chez Paypal doit verser 3,4% plus 55 centimes par transaction. Selon le type d'intégration, des frais supplémentaires peuvent s'appliquer.
La fédération du commerce de détail reproche à l'application d'abuser de son pouvoir relatif sur le marché. Twint sait que les commerçants ne peuvent pas se passer de sa fonction de paiement très appréciée, explique-t-on à la Swiss Retail Federation. L'entreprise profiterait de cette dépendance et maximiserait les frais.
En effet, avec cinq millions d'utilisateurs, Twint est devenu un poids lourd du marché des paiements. Même au marché et dans les magasins à la ferme, les clients peuvent payer par code QR. Le succès de Twint met les commerçants sous pression, estime la Swiss Retail Federation, car «la clientèle s'attend à pouvoir utiliser Twint» en tout temps.
La Comco va maintenant examiner la plainte. C'est la première fois que les autorités de la concurrence vont se pencher en détail sur les frais opérés par Twint.
Twint a été lancée à l'automne 2016, suite à une lutte acharnée pour la domination du marché. Postfinance avait déjà lancé le précurseur de Twint. UBS, la Banque cantonale de Zurich (ZKB), Six et Swisscom ont rivalisé pour la clientèle avec leur offre Paymit. Finalement, les deux concurrents ont fusionné et se présentent depuis lors sous le nom de Twint. Aujourd'hui, l'entreprise appartient à la Banque Cantonale Vaudoise, Postfinance, Raiffeisen, UBS, ZKB ainsi qu'à Six et Worldline.
Depuis la pandémie de Covid, l’application s’est imposée dans la vie quotidienne. La Swiss Retail Federation parle même de «chouchou de tout le monde». Cela s’explique aussi par la gratuité pour les particuliers. Ce qu’on oublie souvent: les commerçants, eux, paient des frais pour chaque transaction.
Depuis août 2024, la plupart des banques en Suisse proposent également ce que l'on appelle les paiements instantanés. Ceux-ci permettent de transférer de l'argent entre des comptes bancaires en quelques secondes via l'application e-banking.
La réception de paiements instantanés est gratuite dans la plupart des établissements, mais, pour l'envoi d'argent, beaucoup facturent entre deux et cinq francs par paiement. C'est pourquoi cette méthode n'a pas (encore) réussi à s'imposer comme alternative à Twint.
Les groupes financiers Visa et Mastercard sont également dans la ligne de mire des commerçants. Récemment, plus de 36 commerçants suisses, dont Coop, Dertour, Edelweiss, Selecta ou Swiss, ont déposé une plainte contre les deux sociétés auprès du tribunal de commerce du canton de Zurich.
Les commerçants reprochent aux deux entreprises d'avoir fixé une commission d'interchange «illégale et excessive» au cours des dernières années. Ils exigent maintenant le remboursement rétroactif pour les trois dernières années. La valeur du litige s'élève à 142 millions de francs.
La commission d'interchange est prélevée à chaque paiement par carte et est reversée aux banques qui émettent ces dernières. Visa et Mastercard n'en profitent pas directement elles-mêmes. Toutefois, ce sont elles qui fixent le montant de cette commission dans le système complexe de transactions. Du point de vue des commerçants, Visa et Mastercard sont donc responsables du préjudice économique.
Visa estime que la plainte est «sans fond» et déclare qu'elle se défendra:
La Comco a déjà réussi à obtenir une nouvelle baisse des frais chez Mastercard. Les négociations avec Visa sont toujours en cours.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci