Voici le canton qui taxe le plus les gains immobiliers
Les propriétaires ont de la chance, surtout s'ils ont acheté il y a un petit moment déjà. En vendant leur bien, la grande majorité d'entre eux réalisent un bénéfice considérable. Après plus de vingt ans de hausse des prix de l'immobilier, les gains fonciers peuvent rapidement atteindre plusieurs centaines de milliers de francs. Un pactole sur lequel l'Etat prélève également sa part, ce qui représente des sommes colossales. A ce sujet, la banque Raiffeisen titre ainsi une ces études:
Combien exactement? Quels types d'impôts faut-il payer? Le fédéralisme suisse a-t-il poussé chaque canton à adopter une approche différente? Les économistes de Raiffeisen se sont penchés sur ces questions dans une analyse publiée récemment. Pour simplifier les choses, la banque a pris l'exemple d'une famille - disons les Favre - et raconte son chemin de croix dans le dédale des impôts et des taxes.
Les Favre ont décroché le jackpot
Les Favre ont acheté une maison individuelle il y a 30 ans, pour la modique somme de 600 000 francs, ce qui semble aujourd'hui être une bonne affaire. Ils n'ont pas agrandi ni augmenté la valeur d'une quelconque manière. Mais la famille l'a régulièrement rénovée et entretenue, de sorte qu'elle a quasiment conservé son état neuf.
En fait, les Favre ont décroché le jackpot. Car, depuis leur passage chez le notaire, les prix de l'immobilier n'ont cessé d'augmenter. Ils ont pu réaliser leur rêve d'accéder à la propriété, contrairement aux générations suivantes. En Suisse, les prix ont plus que doublé en moyenne.
Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen Suisse, le constate:
Dans notre exemple, cela se traduit par une hausse de la valeur de la villa. Pas pendant les dix premières années après l'achat, la grave crise des années 1990 pesant alors encore sur le marché. Mais dans les années 2000, les choses ont commencé à bouger.
En 2010, les Favre pouvaient déjà espérer revendre leur bien 760 000 francs, soit 27% de plus que ce qu'ils l'avaient payé. Et puis, la machine s'est emballée, surtout pendant le Covid. Fin 2024, le prix aura plus que doublé pour atteindre 1,3 million. Si les Favre vendaient à ce moment précis, des conséquences fiscales importantes s'en seraient toutefois suivies.
Principal morceau: l'impôt prélevé sur les gains immobiliers. Théoriquement, il se calcule de manière identique dans toute la Suisse. Les Favre sont donc soumis au même principe, qu'ils vivent à Genève, Zurich, Moudon ou à Saint-Gall. Mais selon les cantons, on observe une interprétation très différente.
Impôts sur les gains immobiliers dus lors de la vente d'une maison individuelle pour 1,3 million après 30 ans (660 000 francs de gains)
Mais reprenons depuis le début: à la base, le gain immobilier devrait correspondre à la différence entre toutes les recettes et toutes les dépenses engagées par la famille pour l'achat et la vente de sa maison. Les recettes se calculent aisément, elles équivalent en général au prix de vente. Le reste constitue les dépenses. L'achat reste le poste le plus important, mais ce n'est pas le seul. Il faut aussi payer l'agent immobilier et le transfert de propriété. Lors de la vente, ajoutez le notaire, l'inscription au registre foncier, d'autres frais liés au transfert de propriété, et éventuellement des petites annonces.
Autre dépense que l'on peut déduire du prix de vente: les «investissements créant des plus-values». L'installation d'un sauna ou d'une véranda. On cherche ainsi à ne taxer que la plus-value qui s'ajoute au prix de base, et non celle générée par les investissements des Favre. Cela reviendrait sinon à leur faire payer l'impôt sur les gains immobiliers sur le sauna ou la véranda.
Certains cantons suisses gagnent plus avec l'immobilier
Voici pour l'idée de base. Elle est identique dans les 26 cantons, mais elle s'appliquerait différemment dans chacun d'entre eux. Les taux d'imposition, notamment, varient. Et ils varieraient encore en fonction de l'importance de leur bénéfice. Ou de la durée pendant laquelle ils ont vécu dans la maison. Selon le canton, ce que l'on considère comme un «investissement créant des plus-values» et ce qui ne l'est pas varie. Idem pour la constitution du «prix d'achat». Raiffeisen parle d'une «prolifération fiscale cantonale».
Part de l'impôt sur les gains en capital et de l'impôt sur les transactions patrimoniales dans le revenu fiscal des cantons et des communes en 2023
On l'observe en s'intéressant à l'impôt sur les gains immobiliers. Si les Favre vendent après 30 ans avec un bénéfice de 660 000 francs, ils ne paient que 13 000 francs à Genève, soit 2% du gain. A Saint-Gall, en revanche, ce montant atteint 170 000 francs, soit 25,7% du gain. Moyenne de tous les cantons: 83 000 francs, soit 12,6%.
Et cette plus-value incontrôlée devient flagrante lorsqu'on prend en compte toutes les taxes, droits et frais. Si les Favre vivaient en Thurgovie, avaient acheté en 2004, et revendu 20 ans plus tard pour 1,3 million, ils auraient réalisé un gain immobilier de 625 000 francs. La transaction finale leur reviendrait alors assez cher.
Un boom lucratif pour les cantons suisses
Il y aurait en effet l'impôt sur les gains immobiliers à 16% et un droit de mutation à 1%. Le registre foncier exige 0,4% du prix d'achat et le notariat public 0,1%. La Confédération prélève en outre sa taxe sur la valeur ajoutée habituelle sur les prestations fournies par le notariat et le registre foncier. Au total, les pouvoirs publics empochent environ 120 100 francs, soit 19,2% du gain immobilier.
Voici ce qui arriverait aux Favre en Thurgovie. S'ils habitaient dans le canton de Zoug ou en Argovie, ils débourseraient nettement moins: respectivement 10,2% et 11,6% de la plus-value foncière. En revanche, à Bâle-Campagne, cela reviendrait presque trois fois plus cher, avec un peu moins de 30%. Et c'est à Saint-Gall qu'ils devraient payer le plus, avec 33,1%.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres: les propriétaires paient, mais les cantons encaissent. Selon la Raiffeisen, leurs recettes provenant des impôts sur les gains en capital ont «considérablement augmenté», principalement en raison des impôts sur les gains immobiliers. Raiffeisen écrit:
Dans des cantons comme celui de Thurgovie, les recettes ont plus que doublé. Ils ont environ quadruplé en Argovie, à Saint-Gall et à Zurich, et ont plus que quintuplé à Berne, dans le canton de Vaud et dans les Grisons.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker
