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PLR, multimillionnaire, dividendes: la saga Serafe n'en finit pas

Redevance TV: un multimillionnaire, une grosse dividende et un réseau libéral: la saga Serafe se poursuit.
Critiqué pour ses gains, le copropriétaire de Serafe Cédric Moret menace de faire recours à un avocat. Retour sur «l'affaire» de la redevance radio-TV.Image: Imago / Keystone, montage watson

Riche romand, gros dividendes et réseau PLR: la saga Serafe en 5 points

Serafe encaisse la redevance radio-TV pour l’État. Derrière cette mission publique: un groupe privé, un multimillionnaire romand et des liens politiques.
19.06.2025, 05:4219.06.2025, 05:42
Christoph Bernet / CH-Media
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Les bénéfices de Serafe ont récemment fait parler d'eux. Et, selon certains médias alémaniques, la redevance audiovisuelle profiterait grandement à des privés. Cédric Moret, copropriétaire de Serafe qui peut compter sur le soutien de poids lourds du PLR, a menacé de recourir à un avocat.

Billag et Serafe, toutes deux mal-aimées

La redevance «radio et télévision» pour les particuliers n'existe plus depuis 2019. On la payait à l'époque sur la base d'un nombre d'appareils. La part du lion de cette manne sert à financer l'offre de la SSR. Avec le nouveau système, chaque ménage doit s'acquitter d'une redevance forfaitaire de 335 francs par an.

En mars 2018, la Confédération confiait à l'entreprise Serafe le mandat de la percevoir pour la période 2019-2025. Serafe succédait ainsi à la controversée Billag, mais tout a plutôt mal commencé: elle a envoyé de nombreuses factures erronées à cause d'une base de données lacunaire.

Reprise par un homme d'affaires vaudois fortuné

En mai 2022, le groupe Elca de l'entrepreneur informatique vaudois et multimillionnaire Cédric Moret a indirectement repris 63,5% des actions de Serafe, soit une part majoritaire. Concrètement, Secon SA, qui possédait Serafe à 100%, a été racheté majoritairement via la filiale Sumex SA par le groupe Elca.

Entrepreneur informatique et multimillionnaire Cédric Moret: son entreprise Serafe encaisse les redevances TV et radio.
Cédric Moret est entrepreneur dans l'informatique et multimillionnaire.Image: Keystone

Moret, 55 ans, n'est autre que l'ex-mari de la conseillère d'Etat PLR vaudoise Isabelle Moret. Il dirige et possède la majorité du groupe Elca, qui figure parmi les plus grandes entreprises informatiques du pays.

Elca dispose de nombreuses filiales et de plus de 2200 collaborateurs dans le monde. En 2023, il a réalisé un chiffre d'affaires de 328 millions de francs.

Des dividendes élevés qui font jaser

Fin mai, la NZZ am Sonntag révélait que Serafe avait versé six millions de dividendes à sa société mère Secon l'année passée. Titrant Qui sera millionnaire?, le journal avait décrit la hausse ininterrompue du bénéfice de l'entreprise depuis le début de son mandat de recouvrement. 5,9 millions durant le dernier exercice comptable. Pour la NZZ am Sonntag:

«La perception et l'encaissement de la redevance radio et télévision imposée par l'Etat génèrent des bénéfices considérables, dont profitent des investisseurs privés»

Une analyse que Cédric Moret a contestée une semaine plus tard dans deux interviews. «Personne n'en touche un seul centime», a cherché à rassurer le patron dans les colonnes du Temps et du SonntagsBlick.

Les excellents résultats de 2024 s'expliquerait en grande partie par la dissolution d'une provision. On l'aurait constituée pour pallier une perte éventuelle du mandat de la Confédération. L'année dernière, Berne a toutefois à nouveau fait appel à Serafe pour la période 2025-2034.

Une plainte pour diffamation envisagée

Le dividende versé à Secon SA sera entièrement réinvesti dans l'entreprise, a souligné Cédric Moret. Celle-ci pourra ainsi continuer à développer ses plateformes techniques. Cela profitera à tous les clients, et indirectement aussi à l'Etat. Car, toujours selon Moret, cela permet de réduire les coûts de perception de la taxe sur les médias.

Il a reproché à la NZZ am Sonntag de porter atteinte à sa personnalité et à sa réputation, et dit envisager des démarches juridiques. Entre-temps, un avocat des médias connu est intervenu. «De notre point de vue, les reproches formulés étaient infondés», écrit une porte-parole de la NZZ. Le groupe Elca ne commente pas les suites qu'il souhaite donner à l'affaire.

Des poids lourds du PLR au conseil d'administration

Il n'y a pas que son ex-épouse qui relie le patron d'Elca au PLR. Deux poids lourds du parti siègent au conseil d'administration du groupe: Thierry Burkart, encore président national du parti et conseiller aux Etats, ainsi que Pascal Broulis, directeur des finances vaudoises pendant de nombreuses années et actuel conseiller aux Etats.

Ce dernier a été élu au conseil d'administration en septembre 2022, quelques mois après que Elca a repris la majorité de Serafe. En marge de la session en cours à Berne, Pascal Broulis n'a pas souhaité s'exprimer sur son mandat.

Le conseiller aux Etats Pascal Broulis (PLR) ne souhaite pas s'exprimer sur le sujet.
Le conseiller aux Etats Pascal Broulis (PLR) ne souhaite pas s'exprimer sur le sujet.Image: Keystone

Thierry Burkart a, quant à lui, rejoint Elca au printemps 2020 déjà. Interrogé, l'Argovien répond assumer au sein du conseil un rôle de conseiller stratégique et sociopolitique:

«J'apporte mon expertise en tant qu'avocat d'affaires et mon expérience en tant que membre d'un organe dirigeant»

A ses yeux, la combinaison est précieuse pour l'entreprise, qui dispose avant tout de compétences techniques.

Le président du parti libéral-radical Thierry Burkart siège au conseil d'administration d'Elca.
Le président du parti libéral-radical Thierry Burkart siège au conseil d'administration d'Elca. Il a annoncé sa démission du PLR début juin.Image: Keystone

Même son de cloche chez Elca. Le conseil d'administration poursuit l'objectif de réunir un éventail de compétences aussi large que possible:

«C'est pourquoi, outre six économistes, le conseil compte aussi deux experts issus du milieu politique»
Porte-parole d'Elca

Ni Burkart ni le groupe n'articulent de chiffres à propos des indemnités que touchent les deux PLR pour cette fonction. Comme il s'agit d'une entité privée, ces informations n'ont pas à être publiées.

Le mandat de perception de la redevance a été attribué de manière transparente et conforme à la loi dans le cadre d'un appel d'offres public, rappelle Elca. Burkart ajoute:

«Il va de soi que je ne tenterais jamais d'influencer un tel processus. Cela va à l'encontre de toute bonne gouvernance»

De nouveaux contrats à sept chiffres en vue

Le groupe et ses filiales ne se contentent pas de collecter la redevance radio et télévision. Ils proposent également des services informatiques aux assureurs maladie, aux caisses de pension et aux assurances sociales. La Centrale de compensation de la Confédération pour le 1er pilier (CdC) a, à elle seule, passé pour 7,6 millions de francs de commandes au prestataire depuis 2016.

Un autre gros contrat se profile à l'horizon: le Conseil fédéral veut créer les bases d'une plateforme électronique d'assurances sociales par le biais d'une nouvelle loi. Lors de la consultation, on a certes critiqué un manque de recul quant aux conséquences pour les services cantonaux de l'AVS. Cela n'a pas empêché de saluer l'orientation générale du projet. Le gouvernement devrait adopter le message relatif à la nouvelle loi à l'attention du Parlement à la fin de l'été.

Le mandat d'implantation de la plateforme devrait faire l'objet d'un appel d'offres public. Elca sera probablement dans les starting-blocks, et elle pourra compter sur l'expertise des poids lourds du PLR dans son conseil d'administration.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

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