Pendant dix ans, le corps médical, les hôpitaux et les caisses d’assurance maladie ont négocié de nouveaux tarifs pour des prestations telles qu'une consultation chez le médecin de famille, une opération ambulatoire du genou ou une ablation de la cataracte. En tout, cela représente environ 2600 prestations. Le projet a frôlé l'échec à plusieurs reprises. Aujourd'hui, une issue favorable semble cependant possible: mardi soir, l'OAAT, l'organisation tarifaire compétente, a approuvé la réforme. La date limite de dépôt est fixée au 1ᵉʳ novembre.
Malgré un accord trouvé au plus haut niveau, il est probable que ce délai ne sera pas respecté. Un dernier obstacle persiste: une opposition s’est formée au sein du corps médical. Sept sociétés de disciplines médicales ont lancé un référendum contre cette décision. Cependant, cela semble moins grave qu’il n’y paraît, car les opposants n’arriveront probablement qu’à retarder sa mise en œuvre. En effet, une majorité de médecins soutient le nouveau tarif Tardoc et accepte également les forfaits ambulatoires développés en parallèle dans le cadre d’une convention transitoire.
Le succès presque certain de cette réforme tient au cadre temporel et matériel strict imposé par la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider aux partenaires tarifaires. En juin, elle a fixé la date limite au début novembre et a prévenu que si aucun accord n’était trouvé d’ici là, elle imposerait elle-même le tarif.
Cette pression a porté ses fruits, car tous s'accordaient sur un point: un tarif imposé par l’Etat était à éviter à tout prix. Pourtant, en juin, les divergences semblaient encore insurmontables. D'un côté, il y avait le tarif ambulatoire Tardoc, finalisé et en attente de mise en œuvre depuis cinq ans. De l'autre, les forfaits ambulatoires, critiqués par le corps médical pour leur manque de maturité.
En fixant un ultimatum pour le dépôt, Baume-Schneider a pris un grand risque. Peu de gens croyaient encore à la réussite de cette démarche. La branche était en proie à de vifs désaccords, et les visions d’une solution idéale divergeaient considérablement. Comment l’administration pourrait-elle trouver une solution viable?
Malgré tout, cette réforme est jugée nécessaire: des tarifs trop élevés entraînent un surtraitement, tandis que des tarifs trop bas dans les soins de base aggravent encore les problèmes. L’ampleur de la réforme constitue un défi: les 4500 prestations du tarif médical Tarmed permettent aux médecins de famille, aux spécialistes et aux hôpitaux ambulatoires de facturer environ treize milliards de francs par an. Toute modification implique donc une redistribution entre les médecins. Le Conseil fédéral exige que le nouveau tarif soit introduit sans générer de coûts supplémentaires.
Cela a engendré des tensions dès le début: l'association des caisses d'assurance maladie, Santésuisse, refusait de négocier avec la Fédération des médecins suisses (FMH), car celle-ci mettait en garde contre un risque d'augmentation des dépenses. Il y a sept ans, les chirurgiens (FMCH) se sont retirés des discussions. Ils ont déclaré vouloir élaborer un nouveau système de forfaits en collaboration avec Santésuisse.
Deux projets ont ainsi vu le jour: l’association des caisses d’assurance maladie Curafutura a travaillé avec le corps médical pour remplacer le tarif Tarmed, devenu obsolète, tandis que Santésuisse a essayé de développer des forfaits ambulatoires avec les chirurgiens. Les hôpitaux ont d'abord soutenu le premier projet avant de se rallier au second.
En 2019, la FMH et Curafutura ont déposé le Tardoc. Le conseiller fédéral Alain Berset l’a ensuite rejeté à plusieurs reprises. Les forfaits ambulatoires n’ont jamais vraiment été mis en place, mais ils ont suscité l’espoir au sein du monde politique de pouvoir réaliser des économies. L’introduction conjointe des deux projets a alors été envisagée.
Le fait que l'association des chirurgiens s’oppose maintenant aux forfaits qu’elle a elle-même initiés est l’un des paradoxes de cette histoire: ils mettent en garde contre une couverture insuffisante des coûts, une baisse de la qualité, et la suppression possible de certaines prestations. Ils semblent incapables de se défaire des inquiétudes qu’ils ont eux-mêmes soulevées. Le Tardoc et les forfaits ambulatoires devraient entrer en vigueur d’ici 2026.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci