Les 185 Etats réunis à Genève pour tenter d'arracher un accord international contre la pollution plastique n'ont pas encore abdiqué. Les discussions se poursuivaient vendredi.
Le président des négociations Luis Vayas Valdivieso a dévoilé peu avant 02h00 un nouveau projet de texte. Aucun scénario d'un objectif mondial de réduction de la pollution n'y figure mais des efforts nationaux. La portée d'un éventuel accord se jouera aussi autour des termes «doit» ou «devrait» qui restent à clarifier.
Les Etats ambitieux, dont la plupart veulent encore une obligation d'une réduction de la production, et les pays pétroliers se déchirent depuis trois ans sur cette question cruciale pour aboutir à un accord. De même, la formulation qui sera choisie s'appliquera également à la question des produits chimiques dangereux pour la santé et l'environnement, une thématique chère à la Suisse. Prévue dès 02h00, une réunion des chefs de délégation dira si un compromis est possible et la portée de celui-ci.
Les critiques s'accumulent sur le mode opératoire de Valdivieso. Vers 23h30 jeudi, il avait annoncé que les pourparlers se poursuivraient au-delà du délai de minuit, après dix jours de discussion, avant de quitter précipitamment la salle de la plénière.
Cette scène a provoqué une énorme confusion parmi les délégations. Certaines ignoraient si les pourparlers se poursuivraient dans la nuit en petits groupes ou non. La plupart ont fini par quitter le Palais des Nations, mais un bon quart est resté longuement dans la salle.
Des ONG parlent d'«insulte» à la société civile. Certains délégués sud-américains ne cachent plus leur agacement contre cet ambassadeur équatorien qui avait provoqué une énorme colère chez la plupart des pays en présentant un précédent projet de texte révisé peu ambitieux mercredi. Du conseiller fédéral Albert Rösti au président français Emmanuel Macron en passant par de nombreux pays en développement, celui-ci a été considéré comme «inacceptable».
Selon des sources convergentes, les discussions devraient s'arrêter au plus tard vendredi en fin d'après-midi. La Suisse, qui souhaiterait à l'avenir accueillir le secrétariat en cas de traité, estime qu'il ne serait «pas acceptable» de repartir de Genève sans résultat.
Elle veut désormais un accord resserré sur une amélioration de la production, sans objectif de réduction, et un contrôle ou au moins une surveillance des produits problématiques. De même qu'un mécanisme de financement du soutien aux pays en développement.
«A la fin, ce sont les grands pays, les grands producteurs qui seront décisifs», admet Rösti. Il n'exclut pas le scénario d'un vote s'il permet de «régler le problème». Mais il préférerait un consensus.
Les acteurs du sud et les représentants des collecteurs de déchets, qui ramassent environ 60% du plastique après son utilisation dans le monde, souhaitent de leur côté être entendus. Les premiers veulent aussi un accord contraignant sur la production, alors que les seconds souhaitent être accompagnés dans les changements qu'ils devront mener.
Jeudi soir, des dizaines de représentants de la société civile s'étaient rassemblés devant la salle plénière. «Un traité faible est un échec pour le monde», ont-ils scandé, alors qu'un délégué panaméen a rappelé que «ce pourrait être notre dernière chance d'un cadre mondial» contre la pollution plastique.
Plusieurs ONG environnementales ont relayé leur déception face au nouveau projet de texte, parlant de «mauvais traité» potentiel ou d’un «traité de gestion des déchets» qui ne répond pas à l’urgence des défis. Elles ont jugé le texte «insuffisant» pour «protéger la santé humaine et l'environnement».
En près de 25 ans, la consommation de ce matériau a plus que doublé et s'établissait, selon les estimations pour 2024, à 500 millions de tonnes, dont près de 400 millions finissent en déchets. Si la situation n'est pas stabilisée, elle sera multipliée encore par trois d'ici 2060, au-delà de 1,2 milliard de tonnes. Tout comme les déchets, à plus d'un milliard de tonnes.
Selon Greenpeace, la Suisse arrive en deuxième position dans le classement des pays avec la proportion de population à risque la plus élevée. Plus de 10% des habitants, soit 973 000 personnes, se trouvent à moins de 10 km d'un site de production lié au plastique. Et des experts estiment les coûts annuels de santé liés à la pollution plastique dans le monde à au moins 1500 milliards de dollars. (jzs/ats)