Il y a presque trois ans, la Suisse a décidé d'acheter 36 avions de chasse auprès de l'entreprise américaine Lockheed Martin. La Suisse déboursera six milliards de francs pour ces avions modernes, et le premier appareil devrait être opérationnel en 2030, comme prévu par le contrat. Cependant, les critiques sur cette acquisition ne cessent de croître. Et avec le retour de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, les doutes se sont intensifiés.
Aujourd'hui, les préoccupations concernent surtout l'imprévisibilité de la politique extérieure américaine. «Nous ne savons plus si nous pouvons compter sur les Etats-Unis», a récemment déclaré Thierry Burkart, président du PLR, au journal alémanique Tages-Anzeiger. Il plaide pour un renforcement de l'industrie de défense européenne, pour un «Europe First».
Cédric Wermuth, co-président du PS, n'a pas mâché ses mots. Il a exigé l'arrêt des achats d'armement auprès des Etats-Unis, citant non seulement les F-35, mais aussi le système de défense Patriot.
Peter Merz n'a pas laissé passer ces déclarations. Dans un message acerbe publié sur Facebook, le chef des forces aériennes suisses revient sur les déclarations de Cédric Wermuth:
Peter Merz appelle le monde politique à garder son calme. Selon lui, comme la Suisse ne peut pas fabriquer ses propres avions de chasse, elle est obligée de «se fournir auprès d'un pays ami». Mais sur le marché, il n'y a «qu'un seul avion de chasse occidental qui surpasse tous les autres, de loin». Et cet avion, c'est le F-35. L'Europe a 20 à 30 ans de retard dans le développement d'avions de chasse, estime-t-il.
Le chef de l'armée de l'air est donc convaincu que l'achat du F-35 est dans l'intérêt de la Suisse.
Tous les autres avions de chasse sont non seulement inférieurs d'un point de vue technologique, mais aussi plus chers à l'achat et à l'entretien.
Mais la question de l'achat d'avions de chasse américains soulève des préoccupations sur le plan moral et sécuritaire, notamment en ce qui concerne la dépendance de la Suisse aux technologies et aux logiciels américains: dans quelle mesure les militaires suisses peuvent-ils utiliser ces systèmes sans dépendre des Etats-Unis?
Là encore, Peter Merz se montre clair. «Tous les avions de chasse occidentaux utilisent des technologies américaines». Selon lui, l’Europe et la Suisse sont «de toute façon» dépendantes des Etats-Unis, quel que soit l’avion de chasse choisi.
Pour Peter Merz, la demande du PS de sortir du contrat est donc un «non-sens total». Comme les avions de chasse F/A-18 actuels seront bientôt hors service, la Suisse ne pourra plus assurer seule la défense de son espace aérien à partir des années 2030 – «et ce, dans la période la plus dangereuse en Europe depuis des décennies».
De plus, un retrait serait également peu judicieux d'un point de vue financier. Peter Merz rappelle que la Suisse a déjà versé près d'un milliard de francs dans l'achat et que ce contrat est en cours.
Le chef de l'armée de l'air a le soutien du Département de la défense (DDPS). En réponse à plusieurs questions du Parlement, le département rassure, affirmant qu'il suppose que les Etats-Unis respecteront les contrats. Il déconseille également un retrait de l'accord. Bien qu'il n'y ait pas de pénalité contractuelle en cas de rupture, la Suisse a déjà payé 700 millions de francs. De plus, les avions de chasse sont essentiels pour la sécurité.
Peter Merz, qui quittera son poste fin septembre, tient à mettre en garde quant à la possible escalade de la guerre en Europe et l'incapacité de la Suisse à se défendre. Le personnel militaire manque d'équipement adéquat, les stocks de pièces de rechange et les dépôts de munitions ne sont pas prêts.
Selon lui, au lieu de tirer «les bonnes conclusions», la Suisse débat des «détails techniques» d’un avion de chasse déjà acquis.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder