La situation militaire de l'Ukraine est pour le moins inconfortable. Lundi, l'administration américaine a annoncé qu'elle ne livrerait plus d'armes à Kiev. De son côté, la Suisse refuse toujours d'autoriser des pays tiers à transmettre la moindre de ses armes guerre à l'Ukraine.
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Pour justifier cette décision, le Conseil fédéral se réfère au droit de la neutralité et à la loi sur le matériel de guerre, renforcée il y a quelques années. Depuis deux ans, le Parlement s'efforce d'assouplir cette loi afin d'aider l'Ukraine, sans résultat tangible jusqu'à présent. Ce mercredi, l'ancien président des Verts, Balthasar Glättli, a présenté une nouvelle idée.
La Suisse ne doit pas «acheter les armes dont l'Ukraine a urgemment besoin», peut-on lire dans le projet de motion que le conseiller national zurichois veut déposer cette semaine. Concrètement, Glättli veut charger le Conseil fédéral d'échanger des dates de livraison de matériel militaire avec d'autres pays, dans le but de «donner la priorité» aux livraisons pour l'Ukraine.
Le conseiller national se réfère au fait que «la demande en biens d'armement a considérablement augmenté dans le monde entier», comme l'a écrit le Conseil fédéral l'année dernière. Cela entraîne des hausses de prix parfois massives. Et face à la menace de retrait des Etats-Unis, l'Europe veut s'armer à grande échelle. La situation n'est donc pas près de s'améliorer et l'Ukraine risque d'en faire les frais.
Balthasar Glättli, qui fait partie de la commission de la politique de sécurité depuis janvier, propose donc que la Suisse reporte ses achats en faveur des pays qui «mettent des biens d'armement à la disposition de l'Ukraine». Dans sa motion, il fait référence à un «précédent» datant d'octobre dernier.
Le Département de la défense (DDPS) avait alors approuvé une demande de l'Allemagne visant à échanger les dates de livraison d'une partie du missile antichar RGW90. La dernière tranche ne sera livrée qu'en 2026, soit un an plus tard que ce qui avait été convenu. Cet échange est compatible avec la neutralité», avait souligné le DDPS dans un communiqué.
Les systèmes d'armement «ne se trouvent à aucun moment en Suisse». Pour cette raison, une telle démarche ne tombait pas sous le coup de la loi sur le matériel de guerre», précisait le DDPS. En juin 2022, la Suisse avait répondu positivement à autre une demande similaire du Royaume-Uni, pour échanger l'acquisition d'armes polyvalentes suédoises.
La démarche étonne, les Verts s'étant jusqu'à présent affichés comme des «pacifistes purs et durs». Mais l'ancien président du parti n'y voit aucune contradiction. Sa motion est «compatible à 150% avec la neutralité», a souligné Balthasar Glättli dans un entretien avec watson. Et selon lui, la guerre urgente a lieu «en Ukraine, pas dans les centres logistiques de l'armée suisse».
Récemment encore, dans une lettre ouverte, les Verts s'étaient déclarés «choqués» par la réaction de la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter à la suite du discours du vice-président américain JD Vance, lors de la Conférence sur la sécurité de Munich. Mais s'indigner ne suffit pas, estime Balthasar Glättli.
Reste à savoir comment le Conseil fédéral va réagir. Balthasar Glättli pense que le gouvernement pourrait vouloir se décider au cas par cas. Cela pourrait se cantonner à des pays qui craignant une attaque directe de la Russie, comme la Pologne ou les Pays baltes. L'élu Vert espère toutefois que le Conseil fédéral finisse par généraliser ces cas individuels.
Comme l'a souligné le DDPS à plusieurs reprises, la Suisse n'est de toute manière pas prioritaire sur le marché saturé de l'armement, en raison du faible nombre de pièces dont elle a besoin, ou parce qu'elle n'est pas membre de l'Otan. L'année dernière, le gouvernement américain lui a fait savoir qu'elle devrait attendre plus longtemps pour recevoir les systèmes de défense antiaérienne Patriot commandés, car c'était d'abord au tour de l'Ukraine de les recevoir.
On ignore comment la Suisse sera considérée sous l'administration Trump, mais Berne ne doit pas forcément penser s'en tirer mieux que les autres. C'est ce que montre notamment la controverse autour du F-35, en se demandant si les Etats-Unis s'en tiendront au prix fixé par le contrat.
Mais l'intervention de Balthasar Glättli pourrait être un signal important pour l'Ukraine, au vu des turbulences actuelles et de la façon dont Kiev est malmenée sur le terrain. Car le Conseil fédéral se tient à l'écart de tout commentaire, du moins en apparence. Donald Trump va peut-être imposer une sorte de «paix» ou de trêve, mais même dans ce cas, des questions se poseraient concernant la place de la Suisse.
Thomas Süssli a déclaré dans le Sonntagsblick qu'il était prêt à mettre à disposition environ 200 soldats pour une force de paix en Ukraine. A l'exception de l'UDC, les réactions aux propos du chef de l'armée ont été globalement positives. Des demandes émanant du Parlement réclament par ailleurs que l'aide humanitaire pour l'Ukraine soit adaptée au niveau des pays comparables.
Le conseiller national Fabian Molina (PS) et les conseillères aux Etats Tiana Moser (PVL) et Marianne Binder (Centre) ont déposé des interventions en ce sens. Selon elles, l'augmentation doit se faire «par le biais d'une dépense extraordinaire», en contournant le frein à l'endettement. Sans surprise, le Conseil fédéral recommande de rejeter ces interventions.
Traduit de l'allemand par Joel Espi