Ça n’arriverait pas en Suisse. Parce que la Suisse n’est pas la France. Parce que la Suisse ne doit pas être comme la France. Depuis mercredi 8 septembre et la décision du Conseil fédéral d'introduire le pass sanitaire, en l'appliquant aux cafés et restaurants, la ligne de démarcation a sauté. La «zone libre» qu’était la Suisse face à la «dictature sanitaire» en vigueur en France est devenue «zone occupée», dans l'esprit des antivax.
Tout au long de la pandémie, nous n’aurons cessé en Suisse de nous comparer à la France. Pour nous rassurer. Pour réaffirmer notre maturité citoyenne et toute notre modestie de cor des Alpes face à cet insupportable coq claironnant matin, midi et soir.
Marchant sur des œufs, ceux de la démocratie directe et du fédéralisme, le Conseil fédéral aura toujours cherché à se démarquer, avec subtilité, du gouvernement français. Au «confinement» répondit un «semi-confinement». Que disaient nos responsables fédéraux et cantonaux? En Suisse, nous ne faisons pas comme en France. Ce que beaucoup ont traduit par: en Suisse, nous ne ferons jamais comme en France.
Cette communication officielle, en particulier celle destinée aux Romands, s’est en permanence déployée en miroir des décisions prises en France, jugées abruptes et dont il fallait se démarquer par un côté plus «bonhomme», plus «suisse», en somme.
Dans un dialogue mis en scène par notre confrère Heidi.news, deux journalistes de cette rédaction s’opposaient après que le président Macron eut annoncé, le 12 juillet, deux mesures fortes resserrant les contraintes: l'introduction du pass sanitaire et l'obligation vaccinale pour les soignants.
Dans une période de crise inédite, avec une frange de la population viscéralement attachée à l’esprit d’indépendance propre à l’histoire suisse, la gouvernance du Conseil fédéral a suivi une ligne de crête. On peut la résumer par cette formule tout en rondeurs consensuelles du ministre de la santé Alain Berset: «Aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire» (avril 2020).
Mais, chez les vax comme chez les antivax, une petite voix susurrait que cette exception suisse, par beaucoup brandie face à l’épouvantail français, ne durerait pas. Qu’on y viendrait un jour ou l’autre, au pass sanitaire, au détriment du bon vieux certificat Covid, cet abo demi-tarif de la lutte contre la maladie. A watson, ce jour, nous le pressentions. Place à l'abonnement général, aux grands moyens! En plus, c'est gratuit.
Le «tout sauf comme la France» n’a donc pas résisté. La Suisse s’est «couchée». Sur les réseaux, c’est l’abattement chez ceux qui espéraient que la Confédération tiendrait bon.
Au resto ou au fitness sans pass? Ce sera 100 francs d’amende ! C’est fait la Suisse devient autant taré que la France ! https://t.co/hYMg9Mha2T
— 🇨🇭🇨🇭Mike & Marjo🇨🇭🇨🇭 (@mikemarjo) September 8, 2021
La suisse aucune personnalité, c’est obligé elle copie la France 🤔 pass sanitaire de m*
— Tam🖤 (@TammEsparon) September 8, 2021
La suisse imite la France à la perfection jusque dans les moindres détails 😗👌🏻
— 🎺 (@KenTorrens) September 9, 2021
Pass sanitaire imposé manu militari par un ministre (romand et socialiste, ça va de soi)
Police exemptée https://t.co/Y8fi7WT7it
L'affaire prend un tour international, avec ces soutiens de France ou de Belgique aux antipass helvétiques. Pour eux, la Suisse faisait jusqu'ici figure d’exemple. Elle était ce village gaulois résistant, encore et encore, à l'impérialisme sanitaire incarné par la Rome élyséenne.
Lorsque le pass est arrivé en France, ils nous ont dit « ça n’arrivera pas », la suisse a été citée en exemple bien des fois à ce sujet. Je savais déjà que ce n’était qu’une question de temps… on y est, il est grand temps de se réunir tous hors frontière
— Mylo (@Lafillereve) September 9, 2021
Moi qui gardait la Suisse en plan B si ça tournait encore plus mal ici 🙄
— Stefnot 🇨🇵 (@Stefnot1) September 8, 2021
Courage à vous les amis !
Le Covid-19, comme le dernier Euro de foot, ont fait resurgir ce rapport un brin obsessionnel d'une partie des Romands au voisin français. Longtemps vu comme supérieur, à présent comme inférieur, tant il semble englué dans les difficultés de tous ordres. Alors, le fait que le Conseil fédéral paraisse désormais s'aligner sur cette France de la «lose», passe mal auprès d'un public qui place la Suisse bien au-dessus.
Les réactions négatives à la décision du Conseil fédéral d'imposer le pass sanitaire, font apparaître une «internationale antipass», dont les arguments dépassent largement le périmètre franco-suisse. Chacun se rend bien compte que le France n'est pas le seul pays où prévaut une intransigeance toujours plus grande vis-à-vis des antivax et des antipass. En Europe, tous les Etats affichant des taux d'immunité insuffisants face au virus, accélèrent le mouvement vaccinal.
Déjà, ainsi qu'en témoigne le commentaire ci-après de l'intellectuel romand antisystème Slobodan Despot, il n'est plus question seulement de la France, mais de «Davos», rapport au forum du même nom, vu comme le repaire des «élites déconnectées».
La problématique est universelle, doit-on comprendre. Vax et antivax, là-dessus, se retrouvent. Notre «y en a point comme nous» n'est plus ce qu'il était.