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Liens avec Israël: un rapport secoue l'Uni de Lausanne

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Liens avec Israël: un rapport secoue l'Uni de Lausanne

Sans que le nom d'Israël soit mentionné, un rapport très attendu de l'Université de Lausanne recommande de couper les liens avec l'Etat hébreu. Un député vaudois s'insurge contre «cette indignation sélective».
07.02.2025, 05:3907.02.2025, 09:41
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La chronologie interroge. Le 28 janvier, à 11h21, l’Université de Lausanne (Unil) transmettait par e-mail à l’ensemble de ses collaborateurs le rapport d’un «groupe de travail indépendant». Celui-ci avait été constitué au printemps dernier suite aux polémiques portant sur les collaborations de l’Unil avec des universités israéliennes.

Deux jours plus tard, le 30 janvier, à 11h50, le syndicat SSP Hautes Ecoles, l’une des organisations syndicales reconnues par l’Unil, adressait un e-mail à cette même communauté universitaire. S’appuyant sur le rapport du groupe de travail, joignant à son courrier un communiqué de trois pages, il appelait la direction de l’Université de Lausanne à «passer aux actes» en suspendant «immédiatement les accords institutionnels avec des universités israéliennes», au nombre de trois.

En cette fin janvier, la concomitance entre le rapport du groupe de travail indépendant et le communiqué du SSP Hautes Ecoles est parfaite. La prise de position syndicale envoyée le 30 aux collaborateurs de l’Unil date en réalité du 28, le jour même de la publication du rapport du groupe de travail, comme l’indique un document PDF publié sur le site du SSP Hautes Ecoles. Ce dernier a-t-il eu connaissance du contenu du rapport avant sa parution officielle?

La réponse de Raphaël Ramuz, secrétaire SSP-Vaud:

«Non. Nous avons pu réagir très rapidement car nous avions rédigé une interpellation à l’attention de la direction de l’Unil pour lui demander où en était le rapport du groupe de travail. Nous avons simplement adapté cette communication en intégrant certaines des recommandations du rapport.»
Raphaël Ramuz, secrétaire SSP-Vaud

Le paragraphe qui «mouille» Israël

Pour le SSP Hautes Ecoles, le rapport élaboré par le groupe de travail indépendant, intitulé «Enjeux éthiques des collaborations externes», rendu public avec l'approbation de la direction de l'Unil, vaut condamnation d’Israël, bien que ni ce pays ni un autre ne soient nommés à aucune ligne. Dans son communiqué, le syndicat cite ce paragraphe, page 25 du rapport, qui laisse peu de doute sur le fait qu’Israël est ici visé.

«(…) de l’avis du Groupe de travail, les conditions rendant nécessaires des mesures provisionnelles (red: de la part du rectorat de l’Unil) sont réunies de fait quand il existe, par exemple dans le cadre d’un conflit armé en cours, des ordonnances de la Cour internationale de justice avec des mesures conservatoires, ou des mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre des dirigeants étatiques en exercice», ceci, notamment, «en cas d’accusations de crimes contre l’humanité».
Extrait du rapport du groupe de travail indépendant

Jointe par watson, la présidente du groupe de travail indépendant à l’origine du rapport, Nadja Eggert, directrice du Centre interdisciplinaire de recherche en éthique (CIRE) de l’Unil, réfute toute interprétation voyant dans le rapport une charge contre Israël. La preuve, selon Nadja Eggert:

«Benyamin Netanyahou n’est pas le seul dirigeant poursuivi par la CPI pour crimes contre l’humanité, Vladimir Poutine l’est aussi»
Nadja Eggert

«L’Unil, comme toutes les universités suisses, a suspendu ses liens institutionnels avec ses homologues russes en mars 2022», indique à ce propos la porte-parole de l’Université de Lausanne, Géraldine Falbriard.

Forte tension

Remontons au mois de mai dernier. A cette époque, une partie du campus de l’Unil est occupée par des militants propalestiniens constitués en collectif. Pour faire baisser la tension et mettre fin à l’occupation, la direction de l’Unil s’engage à créer «un groupe de travail dont l’objectif est de réfléchir à un cadre permettant d’évaluer les collaborations externes sous l’angle de l’éthique, de l’intégrité scientifique, du droit international et de la liberté académique», soulignent les auteurs du rapport.

La création d’un groupe de travail indépendant répondait aussi à une action malveillante ayant pris la forme d’un rapport anonyme dirigé contre des chercheurs de l’Unil pour leurs collaborations avec des universités israéliennes. Une plainte contre inconnus fut déposée par la direction de l’université.

Des militants propalestiniens impatients

Les militants propalestiniens emmenés par un collectif, ne relâchant pas leur pression sur le rectorat, attendaient avec grande impatience la remise du rapport du groupe de travail indépendant, formés de dix membres choisis par les décanats de l’Unil.

Toujours sans nommer le moindre pays, le rapport invite la direction de l’Unil à prendre des «mesures provisionnelles» pour suspendre les accords institutionnels avec des partenaires étrangers suspectés d’atteinte aux droits humains. Il contient d’autres dispositions:

  • En accord avec le rectorat, le rapport crée sans attendre un «point de contact», auprès duquel chercheurs et chercheuses pourront demander conseil avant de se lancer dans un projet avec un partenaire externe à l’Unil, public ou privé, suisse ou étranger.
  • Le rapport propose à la Commission d’éthique de la recherche (CER-Unil) d’étendre aux collaborations externes son mécanisme de validation des projets de recherche. Cette extension devra toutefois recevoir l’aval du Conseil de l’Unil (le «parlement» de l’Université de Lausanne) pour entrer en vigueur.

Que restera-t-il de la liberté académique des chercheurs si ce «dispositif de contrôle orwellien» devait être adopté?, s’inquiètent certains au sein de l’institution universitaire vaudoise.

Le postulat de la colère

Le rapport du groupe de travail indépendant rebondira mardi prochain au Grand Conseil vaudois à la faveur d’un postulat déposé par le député vert’libéral David Vogel. En mai dernier, au plus fort de la mobilisation étudiante propalestinienne, il avait fustigé des méthodes «délatrices» et critiqué la «complaisance» du rectorat avec les propalestiniens occupant le bâtiment Geopolis du campus. Cette fois-ci, David Vogel attaque le rapport, comme il le dit à watson:

«Je dépose un postulat parce que je n’ai pas l’indignation sélective et que j’aime la cohérence»

Rédigée sur un ton mordant, son intervention entend démontrer par l’absurde le «parti-pris» du rapport du groupe de travail. David Vogel écrit dans son postulat:

«Depuis quelques mois, la question du boycott d'universités ou institutions soutenant idéologiquement ou pratiquement des guerres en cours se pose. Par manque de vision d'ensemble, ou quelque oubli malheureux, seul Israël semble être concerné par ces demandes de boycott.»
David Vogel

Le vert’libéral demande au Conseil d’Etat de «se positionner face à cette question».

Et le député d’énumérer une liste sans cesse plus élargie de pays ayant directement ou indirectement du sang sur les mains. Il commence par la République démocratique du Congo, l’Angola, la Namibie, le Zimbabwe. Continue avec les démocraties occidentales, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la France et d’autres, qui se sont rendues coupables ou complices de crimes de guerre dans leur guerre contre les talibans en Afghanistan, dit-il.

David Vogel interroge, mi-caustique, mi-sérieux:

«Même si nous ne pouvons pas nous tenir pour juge, n'y a-t-il pas lieu, par mesure de précaution et par cohérence avec nos principes, de cesser immédiatement toute collaboration avec de tels pays?»
David Vogel

La Chine, l’Iran et le Yémen n’échappent pas à son questionnement.

David Vogel, dont le postulat a reçu le soutien de 9 vert’libéraux, 9 PLR et 8 UDC, «d’aucun élu socialiste», dit-il à regret, demande en quelque sorte au Conseil d’Etat de se comporter en police politique pour mieux dénoncer un travers qu’il impute aux auteurs du rapport de l’Unil comme à ceux qui y souscrivent.

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