Elle est restée silencieuse pendant longtemps. Jusqu’à samedi dernier. Lors d’une interview accordée à la Schweiz am Wochenende, Sanija Ameti s’est exprimée pour la première fois en détail sur un incident survenu il y a trois mois et qui a bouleversé sa vie.
«J’ai honte», a déclaré la Verte'libérale et co-présidente d’Operation Libero. Elle a qualifié l’affaire de «publication incroyablement stupide». Pourquoi? Il y a trois mois, un soir, elle avait transformé une image issue d’un catalogue d’art, représentant l’Enfant Jésus et la Vierge Marie, en cible.
La passionnée de tir sportif avait ensuite publié la photo de l’image perforée sur Instagram. Elle a supprimé le post par la suite, présenté des excuses et demandé pardon.
Mais sur les réseaux sociaux, les tribunaux n’ont pas de règles de procédure. Une vague de critiques virulentes s’est abattue sur la politicienne de 32 ans. «Je n’osais plus sortir de chez moi», a-t-elle confié à la Schweiz am Wochenende. Sanija Ameti siège au parlement municipal de Zurich pour le Vert’Libéraux (PVL).
Cet acte pourrait maintenant avoir des répercussions juridiques pour la jeune femme. Le ministère public de Zurich a ouvert une procédure pénale contre elle, fin octobre, pour trouble à la liberté de croyance et de culte, comme l’a confirmé le porte-parole Erich Wenzinger sur demande. Jusqu’à ce que la procédure soit définitivement conclue, la présomption d’innocence s’applique. Les infractions à l’article dit de «blasphème» sont punies d’une amende. Plusieurs plaintes ont été déposées contre Sanija Ameti, notamment par la Jeunesse UDC et l’organisation Mass-Voll.
L’avenir politique de la jeune femme reste flou. Jürg Grossen, président des Vert’Libéraux, souhaite son exclusion du parti. Cependant, Ameti affirme ressentir beaucoup de solidarité au sein du PVL. Elle a clairement indiqué qu’elle ne comptait ni quitter la politique ni abandonner son engagement au sein du parti.
L’article sur le blasphème est rarement appliqué. Au cours des quinze dernières années, seules 62 personnes ont été condamnées pour trouble à la liberté de croyance et de culte.
Un cas marquant remonte à 1959. Sur la Barfüsserplatz à Bâle, l’artiste Kurt Fahrner avait exposé son «Tableau d’une femme crucifiée». Le Tribunal fédéral l’avait décrit dans une décision comme une «figure féminine nue sur une croix, exhibant de manière ostensible et provocante ses parties génitales, comme si elle se tenait prête pour un acte sexuel». Fahrner avait été condamné pour trouble à la liberté de croyance et de culte à trois jours de prison avec sursis et une amende de 100 francs. Selon la NZZ, cette affaire avait eu des répercussions bien au-delà des frontières suisses.
Le conseiller national argovien Beat Flach (PVL) avait proposé d’abroger l’article sur le blasphème, qu’il jugeait obsolète. Cependant, il y a quatre ans, le Conseil national avait rejeté cette motion à une large majorité (115 voix contre 48).
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)