Les cantons suisses divergent sur les cartes pour requérants d’asile
Plusieurs cantons instaurent ou testent des cartes à prépaiement pour requérants d’asile afin de limiter l’envoi d’espèces à l’étranger. L'utilité de la méthode reste contestée. En Suisse romande, le Valais s’y intéresse alors que le canton de Neuchâtel verse déjà son aide sur des cartes PostFinance remises aux requérants. Le Jura et Fribourg ont refusé un tel système alors que la question ne s'est pas posée dans les cantons de Vaud et Genève.
Remplacer l’argent liquide versé aux requérants d’asile par des avoirs chargés sur des cartes de débit permet de prévenir des transferts de fonds à l'étranger. Les requérants d'asile sont souvent contraints de verser de l’argent à des organisations politiques ou religieuses de leur pays, ou encore à des réseaux de passeurs, selon les partisans de la mesure.
Mais les opposants au projet mettent en garde: selon eux, les personnes concernées, déjà en situation de vulnérabilité, risqueraient d’être encore davantage stigmatisées et discriminées. Ils soulignent en outre qu’une utilisation abusive des fonds resterait possible même avec des cartes à prépaiement.
Peu d'interventions politiques en Suisse romande
Les démarches en faveur de l’introduction d’une carte à prépaiement restent limitées. La question n’a pas encore été abordée dans les cantons de Vaud et Genève, tandis que le Jura a rejeté une motion UDC en ce sens. Le Grand Conseil fribourgeois a également refusé une motion similaire, à une large majorité, estimant que la mise en place d’un système de cartes à prépaiement générerait des coûts importants pour des bénéfices limités.
A Neuchâtel, les personnes relevant de l’asile utilisent déjà depuis plusieurs années une carte PostFinance pour percevoir leur assistance. Un changement de système n’est pas envisagé. En Valais, un postulat demandant d’examiner l’introduction d’une telle carte a été transmis à l'été 2024 au Conseil d’Etat pour traitement.
La Suisse centrale en pionnière
La situation est aussi partagée en Suisse alémanique. Ainsi le Grand Conseil bernois a posé à la mi-septembre la base légale nécessaire à l’introduction de telles cartes de paiement pour les requérants d’asile. Les modifications de la loi doivent encore être examinées en deuxième lecture lors de la prochaine session de printemps.
Argovie a fait de même peu avant: le Grand Conseil s’est prononcé, par 74 voix contre 59, en faveur d’une motion de l’UDC et du PLR prévoyant l’introduction d’une carte de paiement personnalisée.
Dans le canton de Zoug, une intervention allant dans ce sens a déjà été acceptée en février. Entre 200 et 400 requérants d’asile devraient y recevoir une telle carte prépayée dès le début de l’année 2026. Le canton y chargera l’aide sous forme de crédit. Les retraits d’argent liquide seront limités et les virements vers l’étranger bloqués. Il en va de même dans le canton de Schwyz.
A Nidwald et St-Gall, le parlement s'est prononcé en faveur d'un tel système. Le Conseil d'Etat de Nidwald doit remettre un rapport d'ici la fin de l'année, tandis que, dans le même temps, celui de St-Gall doit adapter la loi en conséquence.
Opposition dans plusieurs cantons alémaniques
A l'image de Bâle-Ville, Obwald et Soleure, Zurich a au contraire rejeté un projet similaire. Mais le Grand Conseil zurichois devra à nouveau s'y pencher.
Le Tessin, quant à lui, utilise déjà une carte à prépaiement, mais limitée aux personnes ayant demandé le statut de protection S. Son parlement a cependant rejeté en septembre une proposition visant à l’étendre à tous les requérants d’asile.
En Suisse alémanique, la question de la carte à prépaiement n’a pas (encore) été abordée dans des cantons comme Glaris, Uri, les Grisons, Appenzell Rhodes-Intérieures et Appenzell Rhodes-Extérieures.
Des dépenses importantes attendues
Les cantons sont donc divisés. Le comité directeur de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) s’est déjà prononcé, à l’unanimité, contre l’introduction de la carte à prépaiement en septembre 2024.
Et la CDAS en reste pour l'heure à sa décision, malgré de nombreuses nouvelles interventions dans plusieurs cantons, a précisé un porte-parole à l’agence de presse Keystone-ATS.
L’organisation estime qu’un abus de l’aide d’urgence demeure possible même avec des cartes à prépaiement. Elle rappelle également que l’aide sociale dans le domaine de l’asile est déjà très limitée, couvrant uniquement les besoins essentiels et ne laissant qu’un modeste argent de poche aux bénéficiaires.
Enfin, la CDAS s’attend à une charge financière et administrative importante, tant pour l’introduction que pour l’exploitation courante du système. (tib/ats)
