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Culture: des PLR dénoncent une «violation de la sphère privée»

«En tant que gay, j’en ai assez de ces campagnes dites inclusives»

Les Jeunes PLR genevois sont «indignés» par un formulaire de candidature axé sur la diversité, publié par la Fondation romande pour le cinéma. Le secrétaire général de cette dernière se défend des attaques.
04.07.2025, 18:4704.07.2025, 23:14
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Une annonce parue sur le site de Cinéforom, le nom de la Fondation romande pour le cinéma, fait vivement réagir les Jeunes libéraux-radicaux genevois (JLR GE). L’annonce en question est un formulaire de candidature pour la constitution du «pool d'expert·x·e·s de la commission d'attribution sélective de Cinéforom», soit la structure chargée de sélectionner les projets de films qui recevront un soutien financier.

Un passage consacré à la diversité scandalise les JLR GE. Le voici:

«Afin que le pool soit pleinement représentatif de toute la diversité de la société, nous encourageons particulièrement les candidatures de femmes, de personnes de minorités de genre, de personnes LGBTIQ, de personnes racisées, de personnes issues de la migration, de personnes à mobilité réduite, et toute autre personne issue d’une minorité ou d’un groupe social discriminé.»
Annonce de Cinéforom

«Violation de la sphère privée»»

Dans un communiqué daté du 4 juillet dont watson a pris connaissance, les JLR GE expriment leur «profonde indignation». Ils dénoncent une «violation de la sphère privée» et une «atteinte aux droits fondamentaux». Pour eux, «encourager la divulgation de l’orientation sexuelle, de l’origine ethnique ou du genre relève d’une intrusion injustifiée dans la vie privée». «En tant que défenseurs résolus des libertés individuelles, les Jeunes PLR dénoncent fermement cette pratique attentatoire aux droits constitutionnels et à la dignité», martèlent-ils.

Ils ajoutent: «Remplacer l’expertise, le talent et la compétence par des critères identitaires revient à instaurer une forme d’inégalité dans l’emploi. Les Jeunes PLR rappellent que l’efficacité économique et la qualité culturelle ne peuvent reposer sur des quotas ou un tri sur des attributs personnels.»

Ce qu'ils exigent

Présidés par Estelle Grossmann-Tanari, les JLR genevois en appellent au législateur cantonal, les députés du Grand Conseil. Leur demande tient en trois points:

  • Interdire toute question relative à l’orientation sexuelle, l’origine, le genre ou la religion dans les offres d’emploi.
  • Renforcer la protection de la sphère privée des candidats, tant public que privé.
  • Assurer la neutralité des processus de sélection, fondés exclusivement sur les compétences professionnelles.

«Vision communautariste de la société»

Ancien membre de Dialogai, le nom de l’association LGBT genevoise, Bryan Lo Giudice, 32 ans, membre du PLR et lui-même gay, estime que l’annonce de Cinéforom «participe d’une vision communautariste de la société» et qu’elle est «contraire à la véritable égalité, qui suppose qu’un individu ne vaut pas plus ou moins qu’un autre au motif de son genre, de son identité sexuelle, de son origine ou de sa religion». Bryan Le Giudice demande son «retrait immédiat».

«En tant que gay, je veux qu’on m’accorde le droit à ma vie privée, j’en ai assez de toutes ces campagnes dites inclusives qui poussent les individus à dévoiler leur intimité»
Bryan Lo Giudice

Pour le jeune trentenaire, «l’offre de Cinéforom, avec sa figure imposée sur l’inclusion, n’est rien d’autre qu’une façon de légitimer le discours dominant à gauche, dans lequel je suis à peu près certain qu’une majorité de gays ne se retrouve pas, ne pas se faire casser la gueule dans la rue étant tout ce qu’ils demandent».

Enfin, Bryan Lo Giudice pose une question et y répond tout à la fois:

«Est-ce qu’on accepterait une annonce émanant d’une fondation comme Cinéforom, dans laquelle on encouragerait les hommes blancs hétérosexuels à candidater, sous-entendu de préférence à d’autres types d’individus? Non, bien sûr, et on aurait raison de ne pas l’accepter.»
Bryan Lo Giudice

Ce producteur de films «en a marre»

Souhaitant garder l’anonymat, ce producteur romand de films dit «en avoir marre», lui aussi, de cette «politique identitaire».

«Nous sommes nombreux à le penser dans la profession, mais tout le monde a peur de prendre la parole publiquement, car on dépend tous des aides à la production»
Un producteur romand de films

«En soi, reprend le producteur de films, Cinéforom est une très belle fondation. Mais cet accent mis sur les identités contraint notre liberté de création. En effet, à chaque étape d’un scénario, on se demande si ce qu’on propose a des chances ou non de passer la rampe du comité de sélection.»

Notre interlocuteur aimerait bien se porter candidat au pool d’experts de Cinéforom, mais il craint que son profil, «homme, blanc, hétéro», ne soit recalé.

«Nous n’obligeons personne à dévoiler sa vie privée»

Stéphane Morey, secrétaire général de Cinéforom, défend son annonce contestée par les Jeunes libéraux-radicaux genevois.

«A aucun moment, nous n’incitons les postulants à dire ce qu’ils ne voudraient pas dire de leur intimité. Nous n’obligeons personne à dévoiler sa vie privée. Nous ne forçons pas les homosexuels à dire qu'ils ou elles sont gays ou lesbiennes. Ce que nous cherchons avec une telle offre, c’est à élargir la diversité des vécus et des regards des personnes appelées à sélectionner des projets. C’est pourquoi nous parlons d’un encouragement.»
Stéphane Morey

Le secrétaire général de Cinéforom cite le cas de personnes d’origine kosovare présentes dans le pool de sélection:

«Pour nous, c’est important. Pas seulement parce qu’il s’agirait d’avoir un regard sur un scénario mettant en scène la communauté kosovare, mais parce que ces personnes participent de la diversité de la société suisse, et c’est donc important d’inclure également leur regard sur un scénario ancré dans une situation contemporaine.»
Stéphane Morey

La commission d'experts de Cinéforom comprend 120 personnes. Il y a quatre sessions de sélection par an, auxquelles prennent part à chaque fois sept personnes issues du pool.

Stéphane Morey:

«On veut s’assurer que les gens présents dans notre commission et qui sont appelés à faire des choix de sélection de films, représentent toute la société. Nous le devons aux collectivités publiques qui nous financent»
Stéphane Morey

Matthias Erhardt est le président de Dialogai à Genève. Contrairement à Bryan Lo Giudice, il «approuve» l’annonce de Cinéforom avec son accent mis sur la diversité. Lorsqu’on lui demande si dévoiler son orientation sexuelle, pour maximiser ses chances d’être pris dans le pool, ne revient pas à légitimer une atteinte à la vie privée, il répond «non». Pourquoi? Il s'explique:

«Tout le monde n'a pas le même rapport à son orientation sexuelle: pour certains, l'homosexualité n’est qu’un élément secondaire de leur personnalité, ils s’en fichent un peu. Ceux-ci ne se sentiront pas tenus de répondre à l’annonce en témoignant de leur orientation sexuelle. Pour d’autres, l'homosexualité est plutôt centrale et souvent revendiquée. Pour eux, ou pour elles, renseigner Cinéforom sur leur orientation sexuelle ne posera aucun problème, au contraire.»
Matthias Erhardt

Au sujet de l’annonce proprement dite, Matthias Erhardt juge important d'élargir le plus possible, au sein du groupe d’experts de Cinéforom, la représentation des personnes sur un plan sociétal.

«On trouverait bizarre que ce groupe soit uniquement constitué de femmes noires transgenres, parce qu’il manquerait de diversité, non? Eh bien, il est bon qu’on n’y trouve pas seulement des personnes blanches hétérosexuelles, par exemple»
Matthias Erhardt

Cette bataille entre «gauche identitaire» et «droite universaliste» trouvera-t-elle un prolongement politique à la rentrée, après l'été?

On a testé le tennis sur gazon.mp4
Video: watson
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