«En tant que gay, j’en ai assez de ces campagnes dites inclusives»
Une annonce parue sur le site de Cinéforom, le nom de la Fondation romande pour le cinéma, fait vivement réagir les Jeunes libéraux-radicaux genevois (JLR GE). L’annonce en question est un formulaire de candidature pour la constitution du «pool d'expert·x·e·s de la commission d'attribution sélective de Cinéforom», soit la structure chargée de sélectionner les projets de films qui recevront un soutien financier.
Un passage consacré à la diversité scandalise les JLR GE. Le voici:
«Violation de la sphère privée»»
Dans un communiqué daté du 4 juillet dont watson a pris connaissance, les JLR GE expriment leur «profonde indignation». Ils dénoncent une «violation de la sphère privée» et une «atteinte aux droits fondamentaux». Pour eux, «encourager la divulgation de l’orientation sexuelle, de l’origine ethnique ou du genre relève d’une intrusion injustifiée dans la vie privée». «En tant que défenseurs résolus des libertés individuelles, les Jeunes PLR dénoncent fermement cette pratique attentatoire aux droits constitutionnels et à la dignité», martèlent-ils.
Ils ajoutent: «Remplacer l’expertise, le talent et la compétence par des critères identitaires revient à instaurer une forme d’inégalité dans l’emploi. Les Jeunes PLR rappellent que l’efficacité économique et la qualité culturelle ne peuvent reposer sur des quotas ou un tri sur des attributs personnels.»
Ce qu'ils exigent
Présidés par Estelle Grossmann-Tanari, les JLR genevois en appellent au législateur cantonal, les députés du Grand Conseil. Leur demande tient en trois points:
- Interdire toute question relative à l’orientation sexuelle, l’origine, le genre ou la religion dans les offres d’emploi.
- Renforcer la protection de la sphère privée des candidats, tant public que privé.
- Assurer la neutralité des processus de sélection, fondés exclusivement sur les compétences professionnelles.
«Vision communautariste de la société»
Ancien membre de Dialogai, le nom de l’association LGBT genevoise, Bryan Lo Giudice, 32 ans, membre du PLR et lui-même gay, estime que l’annonce de Cinéforom «participe d’une vision communautariste de la société» et qu’elle est «contraire à la véritable égalité, qui suppose qu’un individu ne vaut pas plus ou moins qu’un autre au motif de son genre, de son identité sexuelle, de son origine ou de sa religion». Bryan Le Giudice demande son «retrait immédiat».
Pour le jeune trentenaire, «l’offre de Cinéforom, avec sa figure imposée sur l’inclusion, n’est rien d’autre qu’une façon de légitimer le discours dominant à gauche, dans lequel je suis à peu près certain qu’une majorité de gays ne se retrouve pas, ne pas se faire casser la gueule dans la rue étant tout ce qu’ils demandent».
Enfin, Bryan Lo Giudice pose une question et y répond tout à la fois:
Ce producteur de films «en a marre»
Souhaitant garder l’anonymat, ce producteur romand de films dit «en avoir marre», lui aussi, de cette «politique identitaire».
«En soi, reprend le producteur de films, Cinéforom est une très belle fondation. Mais cet accent mis sur les identités contraint notre liberté de création. En effet, à chaque étape d’un scénario, on se demande si ce qu’on propose a des chances ou non de passer la rampe du comité de sélection.»
Notre interlocuteur aimerait bien se porter candidat au pool d’experts de Cinéforom, mais il craint que son profil, «homme, blanc, hétéro», ne soit recalé.
«Nous n’obligeons personne à dévoiler sa vie privée»
Stéphane Morey, secrétaire général de Cinéforom, défend son annonce contestée par les Jeunes libéraux-radicaux genevois.
Le secrétaire général de Cinéforom cite le cas de personnes d’origine kosovare présentes dans le pool de sélection:
La commission d'experts de Cinéforom comprend 120 personnes. Il y a quatre sessions de sélection par an, auxquelles prennent part à chaque fois sept personnes issues du pool.
Stéphane Morey:
Matthias Erhardt est le président de Dialogai à Genève. Contrairement à Bryan Lo Giudice, il «approuve» l’annonce de Cinéforom avec son accent mis sur la diversité. Lorsqu’on lui demande si dévoiler son orientation sexuelle, pour maximiser ses chances d’être pris dans le pool, ne revient pas à légitimer une atteinte à la vie privée, il répond «non». Pourquoi? Il s'explique:
Au sujet de l’annonce proprement dite, Matthias Erhardt juge important d'élargir le plus possible, au sein du groupe d’experts de Cinéforom, la représentation des personnes sur un plan sociétal.
Cette bataille entre «gauche identitaire» et «droite universaliste» trouvera-t-elle un prolongement politique à la rentrée, après l'été?