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Medicaments en Suisse: le prix des génériques crée la pénurie

Pourquoi baisser le prix des médicaments en Suisse est une mauvaise idée

La Confédération baisse régulièrement le prix des médicaments. Ce mécanisme touche particulièrement les médicaments déjà bon marché et aggrave les difficultés d'approvisionnement actuelles, critique Intergenerika, l'association des médicaments génériques.
11.02.2024, 11:5511.02.2024, 18:16
Pascal Michel / ch media
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Le médicament Marcoumar est un anticoagulant que 50 000 patients prennent chaque jour en Suisse. Les personnes qui ont été victimes d'un infarctus du myocarde ou qui souffrent de fibrillation auriculaire ont besoin de ce médicament pour éviter la formation de caillots sanguins.

Une boîte de 100 comprimés de ce médicament coûte 19,25 francs en pharmacie. Le fabricant en perçoit 9,60 francs, ce que l'on appelle le prix de fabrication.

Ce remède bon marché a fait baisser les coûts de la santé et ménagé le porte-monnaie des patients. Néanmoins, pour Lucas Schalch, d'Intergenerika, cette préparation est un exemple frappant de ce qui ne va pas sur le front des prix des médicaments déjà bon marché.

«Au cours des dix dernières années, l'Office fédéral de la santé publique a baissé le prix du Marcoumar de plus de 50%. A ce prix, pratiquement plus aucun fabricant n'est prêt à fournir le produit»
Lucas Schalch, le directeur de l'association Intergenerika.

En effet, le Marcoumar est en rupture de stock depuis août dernier. Selon l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays, sa disponibilité est actuellement «limitée».

En cas de pénurie, le médecin doit se rabattre sur des médicaments plus chers

Pour Lucas Schalch, il existe un lien direct entre la baisse des prix et les lacunes actuelles dans l'approvisionnement:

«Avec sa politique de prix, la Confédération veut, en fait, faire baisser les coûts de la santé. En réalité, elle pousse les coûts à la hausse. Elle baisse constamment le prix de médicaments déjà très bon marché et provoque ainsi des pénuries d'approvisionnement.»

On le voit bien avec le Marcoumar: tant qu'il n'est pas disponible en quantité suffisante, les médecins n'ont souvent pas d'autre choix que de prescrire des produits alternatifs plus chers.

Mercoumar
Image: dr

L'augmentation des coûts et la baisse de la qualité des soins ne sont pas les seuls problèmes. A plus long terme, une crise d'approvisionnement persistante pourrait avoir des conséquences importantes. Ainsi, la liste des antibiotiques non disponibles ne cesse de s'allonger. Comme les médecins doivent donc se rabattre sur des antibiotiques à large spectre, le risque de résistance augmente. Ici aussi, le prix joue un rôle. Daniel Roth, chef de l'entreprise pharmaceutique A. Menarini, l'a récemment formulé ainsi:

«Nous sommes face à une bombe à retardement. En fait, nous avons besoin de toute urgence de nouveaux antibiotiques efficaces contre les germes résistants. Mais personne ne veut payer pour cela.»

Le mécanisme critiqué par Schalch fonctionne ainsi: l'OFSP vérifie chaque année pour un médicament sur trois figurant sur la liste dite des spécialités si le prix actuel est encore justifié. Toutes les préparations figurant sur cette liste sont remboursées par les caisses maladie dans le cadre de l'assurance de base obligatoire.

Dans un cycle de trois ans, les fonctionnaires examinent donc chaque médicament sous l'angle de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité. L'année dernière, la Confédération a revu à la baisse de 10% le prix d'environ 60% des préparations analysées. Cela devait permettre d'économiser environ 120 millions de francs.

Des prix minimums plutôt que des contrôles tous les trois ans

L'association Intergenerika réclame désormais un abandon de ce mécanisme rigide. Elle met en discussion des prix minimums pour les médicaments à bas prix. Car chaque année, dans son examen, la Confédération baisse également les tarifs des médicaments déjà plutôt bon marché.

«Il faut aussi en finir une fois avec la spirale des prix vers le bas. Nous mettons ainsi en danger notre approvisionnement»
Lucas Schalch

Un tel plafonnement des prix pourrait bientôt être possible. Le Parlement discute actuellement d'un examen différencié des trois catégories, efficacité, adéquation et économicité. Si ce devait être adopté, la Confédération disposerait d'une plus grande marge de manœuvre. Interrogé à ce sujet, l'OFSP indique:

«Il y aurait alors l'option de renoncer à un examen du caractère économique ou à une baisse de prix des médicaments qui remplissent certains critères et qui sont pertinents pour un approvisionnement suffisant de la population suisse.»
La porte-parole Gabriela Giacometti

Dès que la base légale sera disponible, les critères pourraient être définis.

La Confédération accorde des dérogations

L'Office fédéral de la santé signale une certaine volonté de négociation. Il reconnaît «qu'avec des médicaments déjà proposés à des prix de vente d'usine très bas, des baisses de prix peuvent rendre la distribution non rentable pour le titulaire de l'autorisation». Dans de tels cas, il est judicieux de renoncer à une nouvelle baisse de prix:

«Actuellement, les titulaires d'autorisation peuvent demander une exemption de la baisse de prix à l'OFSP dans de tels cas. La demande peut être soumise rapidement et sans formalités par courrier ou par e-mail.»
OFSP

Pour l'office nouvellement dirigé par la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider (PS), le débat sur les prix reste un exercice d'équilibriste. Il a pour mission de freiner l'explosion des coûts de la santé. Et pour cela, il impose des baisses de prix aux fabricants de médicaments. Comme les comparaisons de prix montrent régulièrement que les génériques coûtent deux fois plus cher en Suisse qu'à l'étranger, l'OFSP fait également pression pour que les coûts baissent dans ce domaine.

Parallèlement, la Confédération souhaite encourager la vente des génériques. Depuis le début de l'année, les gens qui insistent pour prendre le médicament original doivent en payer eux-mêmes 40% du prix. L'Association des génériques, qui représente des fabricants comme Sandoz ou Mepha, estime que les économies annuelles réalisées grâce à leurs médicaments génériques s'élèvent à 700 millions de francs suisses. Le potentiel supplémentaire se situe à 300 millions de francs suisses.

La ministre de la Santé est confrontée à un dilemme: si elle accepte des prix minimums pour les génériques, les assurés continueront à les payer nettement plus cher qu'à l'étranger. En contrepartie, du moins c'est ce que promettent les fabricants, la pénurie de certains médicaments pourrait être atténuée. En revanche, si Baume-Schneider refuse les prix minimums, elle réduit les coûts en théorie, mais favorise la hausse. En attendant, la spirale de la baisse des prix continuerait et la liste des médicaments non disponibles pourrait s'allonger de plus en plus.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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