Suisse
Meurtre

Un Suisse voulait engager un tueur sur le darknet

Pour «enseigner le respect» à son ex, ce Suisse engage un tueur en ligne

En Suisse, on ne connaît que peu de cas de ce genre: le ministère public de Zurich accuse un homme d'avoir engagé un tueur à gages sur le darknet. Le motif présumé? Une dispute au sujet de la garde de leurs enfants et de la pension alimentaire. Et ce n'est pas le seul.
27.01.2024, 11:51
Kari Kälin / ch media
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Le 13 décembre 2022, le tribunal de district d'Affoltern a rendu son jugement: l'homme doit verser plus de 4000 francs par mois à son ex-compagne pour son entretien et s'acquitter des pensions alimentaires impayées de 150 000 francs. Il perd alors son sang-froid. Seulement treize jours plus tard, peut-on lire dans une décision de la Cour suprême de Zurich, il prend une grave décision: celle d'engager un tueur à gages sur le darknet.

Le darknet est la face cachée d'Internet. La communication y est cryptée, se fait par des voies détournées, et les sites ne sont consultables qu'à l'aide de réseaux d'anonymisation comme Tor. Et les grands criminels en profitent – par exemple pour le trafic de drogue et d'êtres humains, voire pour des meurtres commandités.

Le Ministère public de Zurich accuse l'homme d'avoir commandé le meurtre de son ex-compagne sur le darknet le 3 janvier 2023. A cette fin, il aurait payé à un tueur potentiel des bitcoins pour un montant d'environ 20 000 dollars. Un mois et demi plus tard, il a été arrêté par la police. L'homme bénéficie de la présomption d'innocence, mais le Tribunal fédéral a rejeté un recours contre une nouvelle prolongation de la détention provisoire, comme il ressort d'un arrêt publié il y a quelques jours.

Les juges de Lausanne ont ainsi confirmé une décision de la Cour suprême de Zurich. La Cour craint que l'homme ne récidive et qu'il ne considère sa situation comme désespérée, notamment au vu des pensions alimentaires impayées.

Des antécédents de séquestration et de voies de fait aggravent la situation. Le 2 juillet 2016, il a enfermé les enfants et son ex-compagne dans une pièce pendant au moins 20 minutes. Le 18 mars 2021, il l'a frappée à trois reprises du plat de la main sur la tête. Selon le dossier d'instruction, dès juillet 2021, il voulait engager une tierce personne sur le darknet pour «enseigner le respect» à son ex-compagne, de sorte qu'un séjour à l'hôpital serait nécessaire.

L'homme a fait valoir en vain qu'une experte n'avait constaté chez lui qu'un risque faible à moyen de récidive et qu'il n'était pas atteint de troubles psychiques. Pour les tribunaux, cela ne signifie pas que le risque qu'il s'en prenne à la vie de son ex-compagne est écarté – d'autant plus qu'elle n'habite qu'à moins d'un kilomètre de chez lui. L'experte ne dresse pas un portrait rassurant de l'homme: il considérerait la vengeance comme légitime, il aurait une personnalité narcissique et ses compétences sociales seraient limitées.

Oui, on peut engager des gens pour tuer

Engager des tueurs par un simple clic de souris dans les profondeurs du darknet, un jeu d'enfant? En Suisse, de tels cas sont jusqu'à présent rares. En mai dernier, le tribunal de district d'Uster a condamné un Suisse de 60 ans à cinq ans de prison pour tentative d'instigation au meurtre de sa femme. Il avait transféré 33 000 dollars en crypto-monnaie bitcoins sur le compte des présumés tueurs à gages.

Il détestait sa femme et considérait ses exigences financières dans la procédure de divorce comme excessives, selon la NZZ. Des journalistes de la BBC ont mené une enquête pour retrouver la trace du Suisse. Personne n'est passé à l'acte, en fait l'offre sur le site du darknet «internet killers» était une arnaque avec pour seul but de faire de l'argent.

Des prix à six chiffres en Suisse

Il n'existe pas de statistiques sur la fréquence des meurtres commandés via le darknet et devant être exécutés en Suisse. Marc Ruef s'y connaît en matière de cybercriminalité. Son entreprise Scip collabore avec différentes organisations nationales et internationales, notamment les autorités de poursuite pénale américaines. Des policiers et policières suisses suivent des formations continues sur le thème de la cybercriminalité auprès de Ruef.

Ruef part du principe que la plupart des tueurs à gages qui se vantent sur le darknet sont des escrocs, comme il le dit à CH Media. Il est tout à fait possible que l'homme qui se trouve actuellement en détention provisoire ait lui aussi eu affaire à un faux tueur. Un indice en ce sens est le prix.

«Nous avons relevé les prix publics et vérifiés des professionnels du meurtre à gages dans le monde entier. En Suisse, les prix se situent plutôt dans les six chiffres»
Marc Ruef auprès du magazine en ligne Republik

Lors d'une émission documentaire de la SRF, il a même été question de 400 000 francs.

Souvent, les commanditaires d'un meurtre sont trouvés à l'aide de collaboration internationale. Au printemps dernier, les services secrets intérieurs britanniques ont retrouvé la trace d'un Autrichien de 53 ans qui cherchait un meurtrier sur le darknet pour assassiner son ex-compagne. Il avait donné aux tueurs à gages présumés tous les détails à son sujet: nom, photos et adresse. Interpol Manchester a donné le tuyau décisif aux autorités autrichiennes en mars.

En novembre, l'homme a été condamné à 15 ans de prison. Une âpre bataille pour la garde de leur fils faisait rage entre lui et son ex. 130 enquêteurs du Royaume-Uni et d'Autriche ont participé à la résolution de l'affaire («Operation Darknet»). En octobre dernier, le ministre autrichien de l'Intérieur Gerhard Karner a rendu hommage, à Vienne, à 40 enquêteurs pour leur engagement.

En Allemagne aussi, quelques meurtres commandités sur le darknet ont fait la une des journaux ces dernières années. Un schéma se retrouve dans la plupart des cas: les commanditaires sont motivés par des relations brisées, de la jalousie et de la haine.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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