Deux entreprises traditionnelles ont fait sensation lundi. Le détaillant suisse Migros a annoncé des investissements de 2,5 milliards de francs d'ici 2030 pour moderniser les supermarchés, ouvrir 140 nouveaux magasins et baisser les prix de 1000 produits. En revanche, le groupe allemand Volkswagen s'engage dans une toute autre direction.
A Wolfsburg, un vaste programme d’économies menace avec des fermetures d’usines et la suppression de dizaines de milliers d’emplois. Comparer Migros et VW peut sembler ardu, mais des similitudes existent. Les deux se sont longtemps reposés sur leurs lauriers, manquant de percevoir les signes du temps. Aujourd’hui, ils sont sous pression pour agir.
VW s'est rendu (trop) dépendant des affaires avec la Chine et est maintenant pressé par les constructeurs locaux, notamment dans le domaine de l'électromobilité. Migros, de son côté, est sous la pression des géants allemands du commerce de détail Aldi et Lidl, qui peuvent imposer des prix bas aux producteurs, ne serait-ce qu'en raison de leur énorme pouvoir.
En comparaison, Migros est un petit poisson. Pour ne pas perdre davantage de parts de marché, la direction du groupe passe à l'offensive et revient en quelque sorte «aux fondamentaux», c'est-à-dire à la stratégie du légendaire fondateur Gottlieb Duttweiler. Il avait commencé, il y a presque exactement 100 ans (2025 est l'année du jubilé), à bousculer le commerce de détail suisse cartellisé en pratiquant des prix d'appel.
Avec ses véhicules de vente itinérants, Duttweiler était en quelque sorte le précurseur d'Aldi et de Lidl. Mais au fil des décennies, sa création est devenue elle-même un «establishment». Il y a une trentaine d'années, Migros a créé M-Budget, une ligne à bas prix qui a fait l'objet d'un véritable culte. Il y avait même des soirées M-Budget. Mais c'était il y a longtemps, l'éclat s'est à présent estompé.
Migros veut maintenant rattraper son retard en proposant des prix «discount». Mais M-Budget doit rester, a-t-on entendu lors de la conférence de presse de lundi. Ce n'est pas le seul aspect contradictoire. Lorsqu'on lui a demandé ce que la nouvelle stratégie à bas prix signifiait pour sa propre filiale discount Denner, le chef du groupe Mario Irminger a réagi de manière négative.
Les experts de la branche ont souligné que la réduction de 1000 produits ne représente qu'une petite partie de l'assortiment Migros qui compte environ 30 000 produits. Mais une réduction à l'instar de la concurrence allemande n'est pas à l'ordre du jour. En revanche, la part des marques propres devrait passer de 78 à plus de 80%.
C'est aussi un retour aux fondamentaux de Duttweiler. Le fondateur du groupe a dû fabriquer ses propres produits parce que les fabricants de marques l'ont boycotté. Pour ces derniers, le coup s'est retourné contre eux. C'est ainsi que la marque Frey de Migros a été pendant un certain temps le plus grand producteur de chocolat de Suisse. Mais au cours des dernières décennies, on trouvait de plus en plus d'articles de marque dans les rayons de Migros.
Mais le retour aux marques propres n'est pas non plus sans contradictions. La direction veut apparemment maintenir la vente de Mibelle, qui produit des cosmétiques et des articles d'hygiène, bien qu'elle fasse partie des plus grands fabricants d'Europe. A l'avenir, le dentifrice Candida et le liquide vaisselle Handy ne seraient donc plus que partiellement des «marques propres».
La structure inefficace, selon les critiques, avec les dix coopératives régionales n'est pas non plus touchée. Au printemps, un premier pas a été franchi avec la création d'une société anonyme commune de supermarchés, qui était inévitable compte tenu de la puissance des concurrents (outre Aldi et Lidl, Coop) sur le marché face aux producteurs.
Il n'est pourtant pas question d'un nouvel assainissement des structures comme chez Coop. Les «barons régionaux» défendent jalousement leur territoire. Cela vaut même pour Migros Ticino, la plus petite des coopératives, qui souffre du tourisme d'achat vers l'Italie. Malgré tout, elle veut rester indépendante, comme l'a déclaré le responsable régional Mattia Keller à la NZZ am Sonntag.
Ce n'est que pour la logistique que Migros Ticino veut s'associer à la coopérative de Lucerne. Selon Mattia Keller, on ne peut qualifier cela de grand projet ou de «projet phare» que dans une perspective Migros particulière. Il est difficile de savoir comment on peut rivaliser avec la force de frappe de la concurrence, notamment allemande.
En revanche, la vente des magasins spécialisés devrait se poursuivre. Des acheteurs ont été trouvés pour Bike World, Melectronics et Sport X. Pour Micasa, Do it + Garden et Hotelplan, cela devrait être fait d'ici 2025, tout comme pour la vente de Mibelle. «Back to basics» ici aussi, bien que certaines de ces entreprises datent de Gottlieb Duttweiler.
Migros reste un chantier permanent. De l'extérieur, on ne peut s'empêcher de penser que la direction n'a pas trouvé la place du géant orange dans le monde du shopping (en ligne) d'aujourd'hui. C'est pour cette raison que l'on tente une sorte de fuite en revenant à ses débuts il y a 100 ans, avec des chances de succès incertaines.
La question décisive est de savoir si les consommateurs suivront.
La NZZ explique:
Dans le classement annuel de réputation de l'entreprise d'études de marché GFK, Migros est passée cette année de la première à la troisième place. Elle est «toujours l'entreprise à laquelle les Suisses peuvent s'identifier le plus fortement», selon le rapport. Mais elle a «perdu du terrain, notamment en ce qui concerne l'estime sociale et morale».
Cela signifie que Migros est de plus en plus considérée comme une entreprise ordinaire, orientée uniquement vers le profit. L'orientation sociale et culturelle s'estompe, et avec elle une partie considérable de l'«ADN» de Migros. Ainsi, le seuil d'inhibition pour faire ses achats chez Aldi ou Lidl diminue. Les turbulences sous le M orange ne vont pas diminuer.
Traduit et adapté par Noëline Flippe