«Les investigations policières sont maintenant terminées», annonçait la police vaudoise, le 25 mai, en rapport avec le drame de Montreux survenu deux mois plus tôt, le 24 mars. Pour autant, ajoutait-elle, le rapport final de la médecine légale «ne sera pas rendu avant plusieurs mois». Que comprendre?
Dans cette affaire, marquée par la mort par défenestration de quatre membres d’une même famille – un cinquième ayant survécu à la chute –, l’information transmise aux médias aura surtout servi une thèse: celle du «suicide collectif». Elle a été privilégiée très tôt et de bout en bout par la police vaudoise.
Son avantage? Elle simplifie l’élucidation de cet événement tragique. Le suicide, d’une certaine manière, met fin aux poursuites. Notamment à toute question sur la responsabilité des pouvoirs publics dans le suivi peut-être un peu trop distant de cette famille française (trois adultes et deux mineurs de 15 et 8 ans) en grave rupture sociale.
Les investigations policières sont donc terminées. Mais la procédure pénale l’est-elle aussi? Non, «elle reste ouverte, au moins jusqu’à réception du rapport final de médecine légale», répond le ministère public vaudois, sollicité par watson.
Tant que ce rapport n’a pas été rendu (pas avant plusieurs mois), cela peut vouloir dire que des analyses toxicologiques sont toujours en cours. Remettraient-elles en cause, in fine, la thèse du suicide collectif avancée par la police vaudoise? C’est là qu’intervient la définition du suicide, communément décrit comme l’acte désespéré par lequel un individu met librement fin à sa vie. Cela a déjà été posé: peut-on considérer qu’une fillette de 8 ans se suicide, fût-ce de façon collective, avec ses parents?
Selon un fonctionnaire proche de l’enquête, en parlant de «suicide collectif», «la police vaudoise a surtout voulu signifier qu’aucun tiers, qu’aucun individu extérieur à cette famille, n’avait forcé quiconque parmi elle à commettre l'irréparable». Cela n’interdit pas de penser que la contrainte, qu’on l’appelle emprise ou persuasion, a pu s’exercer au sein même de la famille. Le cas échéant, sous quelle forme? La parole seule? Le recours à des substances?
Déterminer les circonstances d’un drame fatal, fût-il qualifié prioritairement de «suicide collectif» par la police, c’est le rôle de la médecine légale. Qui n’a donc toujours pas rendu son rapport final dans l’affaire de Montreux. Pourquoi est-ce si long?
Nous avons joint Claudia Castiglioni, médecin adjointe de l’Unité romande de médecine forensique (URMF), et Marc Augsburger, chef de l’Unité de toxicologie et chimie forensique (UTCF) – l’adjectif forensique renvoie aux méthodes scientifiques utilisées pour éclairer les circonstances d’une affaire judiciaire. Les deux unités, basées à Lausanne, étant impliquées dans l’enquête sur le drame de Montreux, ni Claudia Castiglioni ni Marc Augsburger ne s’expriment, ci-après, sur ce cas précis. Ils expliquent, en revanche, en quoi consiste l’élucidation d’une mort d’un point de vue scientifique.
En premier lieu, il y a l’autopsie, ordonnée par le ministère public. L'affaire de la doctoresse Claudia Castiglioni:
«En d’autres termes, reprend la médecin adjointe de l'URMF, l’autopsie est le début de toutes les investigations qui vont suivre, qui sont complexes et longues. Cela est la vraie raison pour laquelle, dans certains cas, le rapport complet devant résumer toutes les investigations, est rendu seulement plusieurs mois après l’autopsie. Cela peut prendre six à huit mois.»
Les analyses toxicologiques relèvent, elles, de la compétence de la section de recherche dirigée par Marc Augsburger:
Les substances recherchées sont des molécules qui se comptent par millions sur la planète. Les protocoles d’analyses toxicologiques portent potentiellement sur quelques centaines de milliers d’entre elles «seulement».
Pour l’heure et pour en revenir au drame de Montreux, il est impossible de savoir, cette information étant tenue secrète, si les analyses scientifiques effectuées, et peut-être encore menées, ont mis au jour des substances qui auraient pu altérer la conscience d’une ou plusieurs des victimes avant la chute, ou si, à l'inverse, les travaux accomplis, voire toujours en cours, n’ont pour l’instant rien découvert de suspect.