Chaque année, un chiffre fait trembler le monde politique, le secteur de la santé et les assurés: la croissance moyenne des primes pour l'année à venir. L'automne dernier, Alain Berset avait annoncé que les primes augmenteraient de 6,6% en 2023. Cela représente une augmentation mensuelle de 24,50 francs par rapport à la prime moyenne de 372,70 francs.
Les perspectives pour 2024 sont au moins aussi pessimistes que l'année dernière. Les coûts de la santé ont augmenté de manière inattendue au premier semestre. La nervosité est devenue si grande que la Fédération romande des consommateurs a demandé un gel des primes.
Le porte-monnaie de nombreuses personnes se vide trop rapidement en raison de l'inflation, de la hausse des prix de l'électricité et de l'essence ainsi que de l'augmentation des loyers. Une hausse élevée des primes ne serait pas supportable.
La hausse prévisible des primes suscite également un certain malaise à l'Office fédéral de la santé publique. Le sous-directeur de l'OFSP, Thomas Christen, est donc intervenu personnellement auprès des assureurs maladie. Fin juillet, le responsable du domaine de l'assurance maladie et accident s'est adressé par e-mail à toutes les entreprises du secteur.
Selon les recherches de CH Media, les assureurs-maladie ont sous-estimé la croissance des coûts au cours des deux dernières années. Cette situation pourrait déclencher chez les assureurs le réflexe de surestimer la croissance des primes 2024. Il est question d'un coussin d'un à deux points de pourcentage que les assureurs souhaiteraient ajouter aux primes.
L'OFSP ne veut pas confirmer cette information. Interrogé, il écrit que Thomas Christen a informé les assureurs maladie de «certaines observations en rapport avec la saisie des primes». Il a même contacté certains CEO par téléphone.
Selon l'OFSP, le responsable a rappelé les «directives réglementaires et a par exemple attiré l'attention des assureurs sur le fait qu'il était essentiel, malgré les incertitudes existantes, de faire une estimation des coûts aussi bonne que possible». Concrètement?
Dans le secteur, cette intervention n'est pas bien accueillie. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, il est incontestable que les coûts ont fortement augmenté au cours des deux premiers trimestres de cette année, de manière inattendue. Comme les primes doivent couvrir les coûts, l'OFSP a lui aussi communiqué depuis longtemps qu'il fallait s'attendre à une hausse des primes à l'automne.
Certains assureurs estiment que le fait de les accuser d'avoir calculé les primes de manière trop généreuse est une «insinuation malveillante». Une personne impliquée dans la discussion du côté des assureurs déclare:
Deuxièmement, la colère se manifeste également suite à un épisode qui remonte à deux ans: à l'époque, le Conseil fédéral et l'OFSP avaient poussé les caisses maladie à réduire leurs réserves pour faire baisser les primes. Ils y sont parvenus, mais les réserves ont massivement diminué. Les mauvais résultats des placements en ont été la cause. Thomas Christen l'a déjà souligné en mai lors d'une conférence de presse: «Le coussin a disparu». La hausse des coûts se répercutera donc directement sur les primes en 2024.
De plus, le changement de comportement des assurés pèse sur la facture. En 2023, les primes n'ont pas augmenté de 6,6% comme annoncé, mais plutôt de 5%. De nombreux assurés ont opté pour une caisse maladie moins chère, ont augmenté leur franchise ou ont choisi un modèle d'assurance plus avantageux. En conséquence, les caisses maladie se sont parfois retrouvées avec un déficit qu'elles doivent désormais combler. Ce facteur sera également pris en compte dans le calcul des primes.
En bref, les assureurs-maladie s'irritent de «l'intervention de l'Etat», car il s'agit d'une ingérence à la limite de la légalité. Une chose est sûr: dans la perspective des élections, la question des primes est plus importante que jamais d'un point de vue politique. A cela s'ajoute le retrait imminent de Berset. Comme le disent les mauvaises langues, le Fribourgeois ne voudra pas terminer son mandat par un fiasco concernant les primes maladie.
L'intervention n'est cependant pas interdite. L'OFSP écrit:
De très nombreux contacts auraient eu lieu entre les assureurs et l'OFSP à différents niveaux entre début août et mi-septembre. Lorenz Hess, conseiller national du Centre et président du conseil d'administration de Visana, trouve même «important» que «l'OFSP observe attentivement un processus aussi délicat que l'adaptation des primes et qu'il signale si les calculs ne sont pas corrects».
Traduit et adapté par Nicolas Varin