120 chiens euthanasiés en Suisse: «La situation a échappé à tout contrôle»
Le choc est encore vif après la découverte, à Ramiswil (SO), d’une ferme où vivaient dans des conditions misérables 120 chiens, 42 chevaux et deux chèvres. Tous les chiens ont été euthanasiés. Gieri Bolliger, avocat et directeur de la Fondation pour l’animal dans le droit, s’interroge sur la manière dont les autorités ont géré la situation.
Comment peut-on en arriver à négliger ses animaux à ce point?
Gieri Bolliger: Les raisons sont très variées. Parfois, les propriétaires n’ont ni le temps ni les moyens nécessaires. D’autres fois, ils se désintéressent tout simplement des besoins de leurs animaux. Or chaque propriétaire a le devoir, au regard de la loi sur la protection des animaux, de les nourrir, soigner et entretenir de manière adéquate et conforme à leur espèce.
Mais comment la situation peut-elle dégénérer à ce point?
Il arrive que les gens soient complètement dépassés, surtout quand ils accumulent autant d’animaux. Dans le cas de Ramiswil:
La propriétaire devait bien se rendre compte de la situation. Pourquoi n’a-t-elle pas agi?
Difficile à dire sans connaître tous les détails. Mais une chose est claire: elle a manqué à ses responsabilités pendant très longtemps, jusqu’à ce que les animaux soient gravement négligés.
Elle menait pourtant une vie qui semblait stable et exerçait une activité professionnelle.
Cela rend le cas d’autant plus surprenant et difficile à excuser. Dans la plupart des cas d'«animal hoarding», c’est-à-dire d’accumulation pathologique d’animaux, les personnes concernées ont aussi perdu pied dans leur vie sociale ou professionnelle. Elles sont dépassées par l’ensemble de leur existence, et la situation s’aggrave quand les animaux se reproduisent.
Les propriétaires reconnaissent-ils leurs torts une fois les autorités intervenues?
Parfois oui. Il arrive qu’ils soient soulagés que la gravité de la situation soit mise au jour. Certains en avaient conscience, mais n'arrivaient pas à communiquer. D’autres, en revanche, se montrent récalcitrants et réagissent avec agressivité.
Le sujet est sans doute lié à un sentiment de honte: personne ne veut passer pour un tortionnaire d’animaux. Une ligne d’écoute anonyme et accessible pourrait-elle être utile?
Peut-être. Mais dans ce cas précis, je doute que cela aurait changé grand-chose. Le service de protection des animaux aurait volontiers aidé la propriétaire si elle avait demandé de l’aide.
Les autorités ont été critiquées pour leur lenteur à intervenir.
Oui, 120 chiens euthanasiés, ça soulève forcément des questions. Comment se fait-il que les chevaux et les chèvres aient pu être replacés, mais pas un seul chien? Il est difficile de croire que chacun d’eux était tellement malade qu’il était impossible de les sauver. D’autant plus qu’aucun animal mort n'a été trouvé sur place.
Y aurait-il eu assez de place dans les refuges suisses pour accueillir tous ces chiens?
Certes, les places se font rares. Mais les autorités ont-elles vraiment contacté toutes les structures possibles? Il existe de nombreux refuges et familles d’accueil. Aujourd’hui, des gens nous écrivent, bouleversés, pour dire qu’ils auraient volontiers pris un chien s’ils avaient été informés. Dans les situations d’urgence, la solidarité fonctionne très bien. L’euthanasie doit absolument rester une solution de dernier recours.
Les conditions se sont visiblement détériorées rapidement.
En effet, selon nos informations, le service vétérinaire a déjà effectué un contrôle sur cette ferme en mai.
Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire différemment?
Le problème, c’est qu’il n'y a pas de contrôles réguliers pour les animaux de compagnie, contrairement aux animaux de rente. Chez ces derniers, les inspections vétérinaires sont obligatoires. Les autorités peuvent alors imposer des mesures correctives et vérifier ensuite qu’elles ont été appliquées. Dans la plupart des cas, la situation s’améliore, au moins selon les exigences légales.
Pour les animaux de compagnie, les autorités interviennent donc beaucoup plus tard?
Exactement. Il faut d’abord qu’un signalement soit fait par la population. Si celui-ci est suffisamment détaillé, le service vétérinaire doit enquêter. Dans le cas de Ramiswil, des alertes ont déjà été émises; mais malgré cela, la situation a dégénéré.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder
