C'est chose connue depuis mardi: les prévisions concernant la situation financière de l'AVS comprennent une inexactitude de taille – jusqu'à 4 milliards de francs – et l'assurance sociale est en meilleure posture que ce que les chiffres avancés jusqu'à présent suggéraient. Il restait trois jours aux partis et aux associations pour déposer un recours contre la votation sur le relèvement de l'âge de la retraite des femmes (AVS 21) de septembre 2022, qui s'est basée sur des chiffres erronés. Les Verts et les Femmes socialistes avaient réagi dans la foulée de l'annonce de mardi en annonçant que le scrutin devait être revoté.
Jeudi, divers acteurs de l'éventail politique de gauche se sont réunis pour discuter de la suite des événements. Il est clair que le temps presse: tout recours contre la votation doit être déposé ce vendredi. Et, particularité du système, seules les personnes privées ont le droit de déposer un recours, donc pas les partis ou les syndicats. Toutefois, les Femmes socialistes et les Verts soutiendront activement les plaignantes – ou plutôt: des représentantes éminentes de leurs partis et organisations – dans leur démarche auprès du Tribunal fédéral.
L'Union syndicale suisse (USS) est également de la partie, comme le confirme son président, le conseiller aux Etats socialiste vaudois Pierre-Yves Maillard:
Plus que les recours juridiques, ce sont les conséquences politiques à tirer de la débâcle de l'Office fédéral des assurances sociales (Ofas) en matière de fin de paiement qui sont au centre des préoccupations de Maillard: «Nous pouvons verser la 13e rente AVS décidée par le peuple en mars pour la première fois en décembre 2025 et non pas en 2026 comme le veut le Conseil fédéral», dit-il. Car on part désormais d'une nouvelle situation de départ:
D'abord parce que l'Ofas a fait des prévisions erronées. Mais aussi en raison de l'évolution de la situation actuelle: en 2023, le résultat de répartition était déjà positif – de 1,2 milliard de francs. «Depuis cette année, les recettes supplémentaires de la TVA alimentent désormais l'œuvre sociale, et plusieurs dizaines de milliers de personnes sont arrivées sur le marché du travail, qui ont toutes également versé des cotisations AVS. Et les salaires augmentent également d'environ 2%». Selon les estimations de Maillard, le résultat de la répartition pour l'année en cours sera «clairement plus élevé que prévu».
Mais il ne peut pas apporter de preuves pour son estimation: «La politique demande absurdement à l'Ofas de faire des prévisions sur dix, voire vingt ans, qui sont toujours à côté de la plaque. Il serait bien plus judicieux d'observer la différence entre les prévisions et la réalité», a déclaré le patron du syndicat.
«Ce que je peux dire avec certitude, c'est qu'il y a assez d'argent pour la 13e rente AVS en décembre 2025». A moyen terme, la rente supplémentaire nécessitera certes un financement supplémentaire, dit-il, comme l'USS l'a toujours dit, mais celui-ci pourrait être financé par une augmentation modérée et progressive des pourcentages salariaux. «En raison de la baisse probable de la cotisation pour l'assurance chômage, les gens ne remarqueront presque rien», déclare le patron du syndicat avec optimisme.
Sur la RTS, Maillard a clairement critiqué les prévisions de l'Ofas. Celui-ci aurait également surestimé les coûts de la rente transitoire pour les travailleurs âgés ainsi que les dépenses pour la perte de gain des parents d'enfants malades – et ce jusqu'à un facteur dix. Il y aurait à l'Ofas des gens «qui ont vraiment pris l'habitude de surestimer les dépenses, ce qui influence fortement les débats politiques», s'est insurgé le syndicaliste à la radio.
Cette déclaration est surprenante, car cela fait des années que l'Ofas est en mains socialistes: son directeur est l'ancien conseiller national PS Stéphane Rossini et le chef du département est l'ancien conseiller fédéral PS Alain Berset. Maillard a une explication originale à cette contradiction: «Il n'y a pas seulement un conflit entre la gauche et la droite, mais aussi entre la politique et l'administration», explique l'ancien conseiller d'Etat vaudois.
Les politiciens de gauche auraient tendance à faire davantage confiance aux experts, «c'est pourquoi nous devons être particulièrement attentifs et, avec toute l'estime que nous avons pour l'administration, la mettre constamment au défi». Il en aurait fait lui-même l'expérience en tant que conseiller d'Etat vaudois.
En marge du Festival du film de Locarno, la conseillère fédérale en charge du dossier, Elisabeth Baume-Schneider, s'est exprimée jeudi sur les prévisions erronées de l'Ofas. Comme CH Media (groupe auquel appartient watson) l'a rendu public, Baume-Schneider n'en a été informée qu'à la mi-juillet – alors que l'office avait déjà commencé à douter de l'exactitude des prévisions financières en mai et qu'il était clair à la mi-juin que le programme de calcul contenait deux formules erronées et que les dépenses avaient été surestimées.
Il appartient à l'enquête administrative de clarifier pourquoi elle n'a été informée des erreurs qu'avec retard, a déclaré Baume-Schneider au Temps. Elle ne pense pas qu'il s'agisse de mauvaise volonté. Elle fait confiance au directeur de l'Ofas, Stéphane Rossini. Mais la conseillère fédérale ne lui délivre pas un certificat de bonne conduite pour autant – elle aimerait savoir exactement comment l'Ofas a géré les informations sur ces erreurs de calcul.
«Je me suis également demandé comment une telle erreur de prévision était possible», a déclaré Baume-Schneider:
C'est pourquoi elle a demandé une enquête administrative. Elle a ajouté qu'elle souhaitait comprendre toutes les dimensions.
Baume-Schneider n'a pas voulu se prononcer sur la question de savoir si une nouvelle votation sur le relèvement de l'âge de la retraite des femmes était réaliste. C'est une question juridique, dit-elle. Mais elle comprend l'incompréhension et la frustration des personnes qui ont voté. «Mais il faut maintenant prendre du recul et analyser tous les éléments. Ce sera la tâche de la justice».
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci