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Politique

Être élu sous curatelle: des élus fédéraux réagissent

Les conseillers nationaux Jean Tschopp, Vincent Maitre, Philippe Nantermod et Jean-Luc Addor et la conseillère aux Etats Céline Vara.
De gauche à droite: les conseillers nationaux Jean Tschopp, Vincent Maitre, Philippe Nantermod et Jean-Luc Addor et la conseillère aux Etats Céline Vara.Image: keystone

Un élu sous curatelle? «Ça défie le bon sens»

Une personne placée sous curatelle peut siéger au législatif et à l'exécutif au niveau communal, cantonal et fédéral. Que pensent les élus de ce droit suisse? Réactions.
21.02.2025, 05:3721.02.2025, 05:37
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Ce lundi, watson publiait un article qui explique qu'en Suisse, une personne placée sous trois des quatre types de curatelles existants (d'accompagnement, de représentation/de gestion du patrimoine et de coopération) peut siéger à l'exécutif et au législatif au niveau communal, cantonal et fédéral. En effet, nous avons connaissance d’un cas d'une personne élue au sein du législatif d'une grande ville romande qui serait sous curatelle d'accompagnement.

Rappelons qu'il existe des différences cantonales: dans les cantons de Vaud, Valais et Fribourg, les droits politiques (voter, élire et être élu) sont retirés par les communes suite à une décision de justice lorsqu'une personne est protégée par une curatelle de portée générale avec une incapacité durable de discernement (la quatrième forme de curatelle). A Genève en revanche, une personne a le droit de siéger à l'exécutif ou au législatif au niveau communal et cantonal peu importe le type de curatelle institué.

Que pensent les élus fédéraux de ce droit suisse? Réactions.

Les quatre types de curatelles:
1) Curatelle d’accompagnement: instituée avec le consentement de la personne protégée, lorsque celle-ci doit être assistée pour accomplir certains actes, tels que des démarches administratives.

2) Curatelle de représentation et de gestion du patrimoine: la première est instituée si la personne protégée ne peut pas accomplir certains actes elle-même et a besoin d’être représentée. La seconde permet, notamment, de veiller à la gestion du patrimoine.

3) Curatelle de coopération: certains actes de la personne doivent être soumis au consentement du curateur.

4) Curatelle de portée générale: instituée lorsqu'une personne a particulièrement besoin d'aide, en raison notamment d'une incapacité durable de discernement.

Curatelle et mandat politique

«Certaines curatelles, plus légères que d'autres, ne sont pas forcément incompatibles avec un mandat politique», estime Vincent Maitre, conseiller national (Le Centre/GE) et vice-président du Centre.

«Si la personne est pleinement capable de discernement et de se forger une opinion, elle peut exercer ses droits politiques»
Vincent Maitre, conseiller national (Le Centre/GE).

Un avis partagé par Jean Tschopp (PS/VD). Ce conseiller national est d'ailleurs membre de la commission dépositaire d'une motion qui demande à ce que les droits politiques en matière fédérale soient ouverts à tous les citoyens suisses âgés de 18 ans révolus (soit également ceux sous curatelle de portée générale):

«Plusieurs personnes sous curatelle sont capables d’assumer des fonctions politiques dans un Parlement. Une campagne électorale donne l’occasion d’évaluer les compétences des différents candidats»
Jean Tschopp, conseiller national (PS/VD).

Et de rappeler qu'en Suisse, 130 000 personnes sont sous curatelle de portée générale: «Il est faux de dire que toutes les personnes sous curatelle de portée générale sont incompétentes. Certaines sont en mesure de se forger un avis politique.»

En revanche, nos interlocuteurs du PLR, des Verts et de l'UDC émettent des doutes quant à la capacité d'une personne sous curatelle à remplir ses fonctions politiques. «Je ne pense pas que tous les types de curatelle justifient une éligibilité. En particulier celle de portée générale, instituée lorsqu'il y a une perte durable de la capacité de discernement», déclare Philippe Nantermod, conseiller national (PLR/VS).

De son côté, Céline Vara, conseillère aux Etats (Verts/NE), s'étonne de cette possibilité en Suisse, notamment en ce qui concerne la curatelle de portée générale:

«Si un handicap ne doit pas être une barrière à la participation politique, une incapacité psychique durable à gérer nos propres affaires est à l’évidence discréditant: comment peut-on être apte à gérer une commune, un canton, voire un pays? Il faut faire preuve de bon sens. Voter est une chose, assumer une fonction d’élu en est une autre.»
Céline Vara, conseillère aux Etats (Verts/NE) et ancienne vice-présidente du parti.

Le bon sens: une notion mentionnée à plusieurs reprises par Jean-Luc Addor (UDC/VS). Le conseiller national et ancien vice-président de l'UDC du Valais romand va jusqu'à qualifier ce droit d'«absurdité». Il le considère comme «un vrai problème» et est d'avis qu'une modification de la loi s'impose. «Une mesure de curatelle devrait entraîner l'inéligibilité», affirme-t-il.

Et d'expliquer qu'au sein de l'UDC du Valais romand, des contrôles sont effectués sur les listes électorales: une déclaration sur l'honneur est signée, attestant notamment que le candidat ne fait l'objet d'aucune mesure de curatelle.

«Nous avons reconnu le problème et nous l'avons jugé suffisamment important pour que l'on s'en préoccupe»
Jean-Luc Addor, conseiller national (UDC/VS).

Vie publique ou vie privée?

Plusieurs questions se posent: la mise sous curatelle d'une personnalité politique doit-elle être rendue publique ou rester privée? Les partis doivent-ils faire un premier tri avant de présenter un candidat?

Pour Jean Tschopp (PS/VD), «la loi ne doit pas imposer aux candidats de livrer ou de rendre publique une telle information» – qu'il considère comme «des détails sur un état de santé». «Ces questions peuvent être discutées entre les candidats sous curatelle et la commission électorale de leur parti», précise-t-il.

«Le parti est garant de la fiabilité de ses élus», estime en revanche Céline Vara. Et de poursuivre:

«Les gens élisent sans savoir. Il faut porter cette information à la connaissance du peuple. C’est le principe de transparence»
Céline Vara, conseillère aux Etats (Verts/NE).

«Il faut que cela soit annoncé et connu», pense également Philippe Nantermod. De son côté, Vincent Maitre se montre plus nuancé: s'il reconnaît qu'il en va de la responsabilité du parti de connaître les candidats qu'il propose, il considère que ce travail doit être fait à l'interne et que les partis «n'ont pas à se voir imposer une obligation de publication, car ils violeraient le droit au respect de la vie privée des candidats et élus». Et d'ajouter:

«Il est de la responsabilité des personnes sous curatelle de savoir si elle veulent révéler ou non des informations aussi personnelles, quitte à s’exposer à des critiques.»
Vincent Maitre, conseiller national (Le Centre/GE).

Risques politiques

Un risque que pointe aussi Céline Vara: «Le candidat s'expose à des problèmes si ces informations sortent. Il ne faut pas tendre le bâton pour se faire battre.»

Ses recommandations?

«Que les règles soient claires et transparentes. On pourrait envisager que la présence d’une curatelle est une information à laquelle on peut facilement accéder, comme pour la déclaration d’impôts et, si la personne décide de se présenter, elle assume. Ou alors, nous décidons que les personnes sous curatelle ne peuvent pas se présenter, mais c’est probablement aller trop loin.»
Céline Vara, conseillère aux Etats (Verts/NE).

Elle souligne que dans plusieurs sections cantonales, les candidats à des mandats importants – notamment dans les exécutifs – doivent attester qu’ils paient leurs impôts et qu’ils n’ont pas de casier judiciaire. Cependant, rien n’est demandé concernant la curatelle

Comme mentionné, une motion sera discutée au Conseil national le 17 mars prochain. Elle demande une modification de la Constitution afin que «les droits politiques en matière fédérale soient ouverts à tous les citoyens suisses âgés de 18 ans révolus». Soit également aux personnes qui, en raison d’une incapacité durable de discernement, sont protégées par une curatelle de portée générale.

UDC, PLR et Centre s'y opposent. Céline Vara rappelle que le chemin est encore long avant que la Constitution ne soit modifiée. Jean Tschopp est en revanche favorable à un tel scénario.

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