On trouve de tout sous la Coupole fédérale, à Berne. Parmi les membres du Conseil national et des Etats, certaines «locomotives» sont particulièrement actives et font bouger les lignes. D'autres, moins.
Le «Burson influence index Suisse», en bon français «l'index suisse d'influence», réalisé pour la deuxième fois par l'agence de communication Burson, donne une idée plus précise de qui fait réellement bouger les choses à Berne. Ce ranking est divisé en deux catégories: influence parlementaire et publique.
Voici la liste des parlementaires les plus influents à Berne, selon le Burson influence index 2024:
Parmi ces élus, nombre d'entre eux font presque partie des meubles à Berne et sont au Parlement depuis plus de dix ou vingt ans. Le CEO de Burson Suisse, Greg Curchod, reconnaît que le fait qu'une nouvelle législature vienne de commencer permet aux «anciens» de se tailler la part du lion.
Le Top 20 des parlementaires les plus influents publiquement est:
Il faut le dire, le classement de Burson fait la part belle aux Suisses alémaniques. Des élus romands se distinguent toutefois dans le top 50. Pour le classement de l'influence parlementaire, tout d'abord:
On notera, en tête de liste, beaucoup de membre de haut rang du Parti socialiste. «On peut voir que les thématiques où des parlementaires socialistes romands étaient engagés, à l’image de Roger Nordmann, leur permettent de se hisser assez haut dans le classement», estime Greg Curchod.
Et les parlementaires les plus influents publiquement:
Comment ces deux classements sont-il réalisés? Il s'agit d'une analyse de données effectuée sur des critères fixes puis passée à la moulinette d'un calcul. Ces critères permettent de gagner des points qui sont ensuite compilés. Les données ont été récoltées entre le 1er décembre 2023 et 30 septembre 2024.
Il est à noter que le travail au sein des commissions, confidentiel, n'a pas été pris en compte dans le calcul. Concernant l'influence parlementaire, on y trouve par exemple:
Pour l'influence publique, on y trouve par exemple:
Cette même méthodologie a initialement été utilisée pour analyser le travail parlementaire des élus européens à Bruxelles et des députés du Bundestag allemand.
Sans surprise, on retrouve comme parlementaires les plus influents de nombreux «poids lourds». Ces «locomotives» connaissent parfaitement les rouages du système et font presque partie des meubles. A l'image de Carlo Sommaruga, qui dispose d'une longue expérience à Berne, étant entré au Conseil national en 2003 et aux Etats en 2019. Le premier intéressé est d'ailleurs amusé par sa place en haut du classement, mais se veut sceptique:
A ce sujet, on aura pu noter l'absence d'un autre membre phare de la politique suisse: Pierre-Yves Maillard. Le Vaudois à la tête de l'Union syndicale suisse, sur tous les fronts en 2024, ne pointe qu'à la... 92e place. Un rang assez étonnant pour celui qui fait trembler jusqu'au Conseil fédéral. Contacté, Pierre-Yves Maillard précise d'emblée:
Pierre-Yves Maillard l'avoue volontiers, il préfère, s'il le faut, passer par des chemins de traverse politique. Car le travail parlementaire se termine parfois en cul-de-sac pour la minorité de la gauche syndicale à Berne.
Grâce à ces victoires dans les urnes, «le travail parlementaire devrait être plus aisé face à la droite l’an prochain», admet-il volontiers.
Une impasse parlementaire, c'est donc l'occasion de sortir du bois pour entamer la guérilla référendaire pour le Vaudois, fin stratège. Sauf que l'indice de Burson ne prend pas en compte le travail des comités référendaires, de l'ordre de la politique fédérale — mais pas parlementaire. Une spécificité qui fait aussi tout le sel du système helvétique.
Quant à la place dans l'opinion publique, elle est logiquement influencée par la démographie: la Suisse alémanique est forte de 6,5 millions de personnes contre 2,1 pour la Romandie, avec autant de titres de presse locaux et nationaux où, logiquement, les parlementaires alémaniques sont questionnés. Le président du Centre Gerhard Pfister, objet de toutes les attentions chez nos confrères alémaniques — et tout de même visible en Romandie — termine à la première place.
Pierre-Yves Maillard, à la 9e place, est évidemment de ceux-ci. Après lui, c'est Philippe Nantermod, bien connu des débats publics en Suisse romande et très actif sur le réseau X, qui ne se retrouve «que» à la 38ᵉ place. A l'inverse, en trouve en 4ᵉ place Andreas Glarner, un UDC argovien connu pour ses controverses à répétition, mais quasi inconnu du grand public romand.
Les évènements politiques ont aussi une influence directe sur le classement. Ainsi, l'élection du successeur d'Alain Berset aura mis sur le devant de la scène plusieurs élus socialistes, comme Jon Pult, candidat malheureux, ou le franc-tireur Daniel Jositsch. Gerhard Andrey, qui a tenté de renverser le siège d'Ignazio Cassis, en a aussi «profité» pour augmenter sa visibilité.
Le classement des partis est, lui aussi, intéressant à analyser. Le Centre et le PLR arrivent, par exemple, à faire mieux que l'UDC et le PS avec des «troupes» plus réduites.
L'efficacité moyenne des parlementaires UDC notamment, même si elle a connu une progression depuis l'édition 2023 du classement, interroge.
Au niveau de l'influence publique, on assiste aussi à des paradoxes: le Centre est le parti le plus influent au Parlement, mais le moins publiquement — à l'exception de l'omniprésent Gerhard Pfister. Ce sont les partis de gauche qui s'en sortent le mieux: le Parti socialiste, suivi des Verts.
On trouve tout en haut de la liste un petit canton très influent: Zoug. La présence de certains cantons romands «en bas de classement» interroge. A l'instar de Vaud et de Genève, à la 18e et 22e place, sur 26 cantons.
La solution se trouve dans la méthode: l'efficacité parlementaire est évaluée au pro-rata de sa population. Autrement dit, de petits cantons qui envoient à Berne du personnel politique en petite quantité mais très qualifié sont considérés comme plus influents. Ce qui est le cas de Zoug, puissant canton de 130 000 habitants.
Quid des autres cantons romands? Le Valais mène la course, suivi par le Jura et Fribourg. L'effet d'influence du Centre joue-t-il en faveur des cantons romands catholiques?
Basé sur des critères objectifs et quantifiés à l'échelle nationale, ce classement qui permet de jeter un autre coup d'œil sur nos élus à Berne souffre aussi quelque peu du Röstigraben. Faudrait-il créer une version romande, notamment sur l'index de l'influence publique?
Sur le front des votations, par exemple, la question se pose. Certaines d'entre elles voient des arguments très différents se développer d'un côté à l'autre de la Sarine. A l'image des scrutins sur les retraites ou les assurances-maladie, sur lesquels on voit parfois des cas d'écoles de Röstigraben.
Collaboration: Doris Kleck.