Ça pique. Le projet de réforme de la LPP a été rejeté à près de 67%. C'est une défaite notamment pour nombre d'élus du Centre et du PLR, qui militaient en sa faveur, mais aussi pour le Conseil fédéral, qui y était favorable.
Cette réforme compliquée n'aura pas convaincu le peuple. Opposés à la réforme pour des raisons différentes, le patronat et les syndicats auront pourtant, de facto, fait une campagne commune.
Brenda Duruz-McEvoy, responsable des Instituts de prévoyance au sein du Centre patronal, estime que «l’opposition bourgeoise au texte est visible», au vu du rejet massif, qui ne peut s’expliquer uniquement par une adhésion des votants de gauche.
Elle estime par ailleurs que la victoire de la réforme aurait «ouvert une brèche dans le deuxième pilier, centré sur l’épargne».
Pour le Centre patronal, le problème des retraites ne se situe pas au niveau du deuxième pilier. «La majorité des caisses fait de toute façon déjà mieux que les normes minimales qui leur sont imposées», estime Brenda Duruz-McEvoy, qui estime plutôt que le problème des rentes va se manifester sur la question de l’AVS et du financement de la treizième rente, acceptée par le peuple en mars dernier.
Aurait-elle un message à faire passer à l’Union syndicale suisse, les meilleurs ennemis du patronat en cette journée de victoire commune? «Je les félicite de leur engagement en termes de partenariat social et en faveur de la LPP. Mais je les appelle aussi à accepter la présence des experts LPP, qui sont neutres, dans les prochains compromis à réaliser. Sinon, on ne pourra pas forger une solution soutenue par tous les milieux.»
Patronat et syndicats, unis dans la victoire? Benoît Gaillard de l'Union syndicale suisse, se veut bon joueur, mais aussi diplomate:
Il précise: «Le référendum et la récolte de signatures sont venus des syndicats avec l'appui du Parti socialiste. Les refus patronaux ont sans doute joué un rôle, mais les gens ont surtout pensé à leur retraite et à leur rente.» Et de citer John F. Kennedy au passage:
«L'essentiel, c'est que deux personnes sur trois en Suisse aujourd'hui disent non aux baisses de rente», reprend Benoît Gaillard. Pour lui, ce refus «forme un tableau» clair et net de l'opinion du peuple en matière de retraites en 2024, après le non à l'initiative des Jeunes libéraux-radicaux pour augmenter l'âge de la retraite à 66 ans, et l'acceptation de la 13ᵉ rente AVS.
«Tous les observateurs de la campagne ont mis le doigt sur le problème: le mauvais rapport entre les cotisations supplémentaires à verser d'une part, et l'effet sur les retraites de l'autre, avec des rentes ou des hausses ridicules», estime le syndicaliste.
Il n'empêche, une partie des votants de droite n'a-t-elle pas suivi l'avis des organisations patronales? «Certains, comme Gastrosuisse, ont mis l'accent sur les prix.»
Quid des prochains compromis qui s'annoncent avec les milieux patronaux? «Nous sommes toujours prêts à faire des bons compromis, sur la LPP comme sur le financement de la 13ᵉ rente. Mais il y a un nombre de lignes rouges à ne pas franchir. La plus importante: il n'y aura pas de baisse de rentes. Le Conseil fédéral était du même avis. On ne peut pas dire à quelqu'un qui fait ses calculs de retraite à 55 ans qu'on va lui enlever 12% de rente.» Et de dénoncer le «détricotage du Parlement» dans cette réforme, qui est selon lui la genèse de son échec. La suite?