En 1848, avec la création de sa Constitution, la Suisse entre dans l'ère moderne. Cette année-là, la toute première composition du Conseil fédéral comptait quatre juristes, un commerçant, un spécialiste des sciences sociales et un chimiste. Depuis cette époque, il a toujours compté des juristes. Sur les 123 membres qu'il a comptés jusqu'à présent, 72 (58,5 %) avaient étudié le droit.
La Constitution, les lois et les ordonnances étant des émanations du droit, celui-ci a toujours été considéré comme un prérequis idéal pour s'engager en politique. En particulier pour assumer des responsabilités au sein du gouvernement et de l'administration. Mais avec le départ de Viola Amherd, c'est terminé. Lorsqu'il se réunira pour sa séance hebdomadaire mercredi, le Conseil fédéral manquera pour la première fois d'un expert en droit.
Ce nouveau Conseil fédéral est en effet composé d'un viticulteur (Guy Parmelin), d'un médecin (Ignazio Cassis), d'une interprète (Karin Keller-Sutter), d'un ingénieur agronome (Albert Rösti), d'une assistance sociale (Elisabeth Baume-Schneider), d'un spécialiste de l'environnement, mais agriculteur de formation (Beat Jans) et récemment, également d'un historien (Martin Pfister).
La vice-chancelière Rachel Salzmann et le vice-chancelier Andrea Arcidiacono ne sont pas non plus juristes. Rachel Salzmann a étudié l'histoire, la communication et les médias. Andrea Arcidiacono, l'économie d'entreprise. Le chancelier Viktor Rossi, enseignant à l'origine, a tout de même obtenu un diplôme «of advanced studies in law». Si le gouvernement collégial devait s'égarer sur le plan juridique, il pourrait donc corriger un peu le tir.
Mais le Conseil fédéral devra se passer d'avocats, comme l'étaient ces dernières décennies Viola Amherd, Doris Leuthard, Eveline Widmer-Schlumpf, Pascal Couchepin, Moritz Leuenberger, Arnold Koller, Flavio Cotti, Rudolf Friedrich ou Kurt Furgler. Est-ce un problème?
Professeure de droit public et de droit international à l'université de Berne, Judith Wyttenbach déclare:
Chaque semaine, le Conseil fédéral se réunit sans la participation de hauts fonctionnaires. Une exception: de temps en temps, le président de la Banque nationale suisse (BNS) participe aux discussions. Tout le reste est consigné par procès-verbal dans les propositions et les rapports ad hoc.
Si des connaissances juridiques supplémentaires s'avéraient nécessaires, le Conseil fédéral pourrait convoquer le directeur de l'Office fédéral de la justice dans la salle du Conseil fédéral.
Ce qui compense encore le manque d'expertise juridique, c'est le fait que les sept membres du gouvernement peuvent apporter aux débats des perspectives très différentes en termes de connaissances et d'expériences. Voilà qui complète les approches purement politiques des partis et des régions.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, cette diversité s'est progressivement amorcée. Outre les 72 juristes, on trouve neuf économistes, sept agronomes et agriculteurs, cinq enseignants, cinq spécialistes des sciences sociales, quatre commerçants, quatre ingénieurs, trois architectes, deux médecins, deux chimistes, deux historiens dont un également philologue, un théologien, un monteur en chauffage, un comptable, un électrotechnicien, un spécialiste de l'environnement, une interprète et une pianiste (Simonetta Sommaruga).
Mais ce qui est resté tout au long des 177 ans d'existence de la Suisse moderne, c'est que la grande majorité des membres du Conseil fédéral ont fait des études. Près 43 d'entre eux ont été porteurs d'un doctorat, et sept étaient professeurs d'université.
Traduit de l'allemand par Joel Espi et Alexandre Cudré