La neutralité suisse ne doit pas être définie de manière plus stricte. Le Conseil fédéral rejette l'initiative sur la neutralité, sans proposer de contre-projet. Il a transmis mercredi son message en ce sens au Parlement.
L'initiative «Sauvegarder la neutralité suisse» exige que la Suisse n'adhère à aucune alliance militaire ou de défense. La collaboration avec de telles organisations doit être limitée au cas où la Confédération serait attaquée.
Le texte, lancé par Pro Suisse et des membres de l'UDC, demande aussi que la Suisse ne participe pas aux guerres étrangères et ne prenne pas de sanctions économiques ou diplomatiques contre un Etat belligérant, sous réserve de ses obligations envers l'ONU. Berne doit enfin faire usage de son statut neutre dans le cadre des bons offices.
Une utilisation flexible de la neutralité a fait ses preuves, estime le gouvernement dans un communiqué. Abandonner cette approche limiterait la marge de manoeuvre du Conseil fédéral pour réagir aux défis de politique étrangère.
Le Conseil fédéral est convaincu de l’importance de la neutralité pour la Suisse. Faisant partie de l'identité helvétique, elle est un instrument important de la politique étrangère, la politique de sécurité et la politique économique de la Suisse, a avancé le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis devant les médias à Berne.
Sur beaucoup de points, l'initiative n'apporte aucun changement, a relevé le conseiller fédéral, citant l'interdiction d'adhérer à des alliances militaires ou de défense, ou l'encouragement des bons offices. Mais sur d'autres, le texte entraîne un «changement de cap clair». La neutralité deviendrait un concept rigide inscrit dans la Constitution fédérale, qui ne permettrait aucune latitude. Elle ne serait plus un instrument mais deviendrait un but en soi.
Le ministre n'a pas estimé nécessaire de proposer de contre-projet. Selon lui, la neutralité suisse est toujours reconnue à l'international, même dans le contexte de la guerre en Ukraine et des discussions autour de la réexportation d'armes.
Le peuple votera probablement sur le texte, à moins que le comité retire son initiative après les débats au Parlement. Ce sera la première fois qu'Ignazio Cassis sera confronté à un vote populaire. Il s'est dit «serein» et se réjouit de mener ce débat auprès de la population.
Si l'initiative devait être acceptée, Berne ne pourrait plus reprendre les sanctions visant des Etats belligérants qui sont décrétées en dehors du cadre de l’ONU. Or les sanctions sont aujourd’hui un levier important pour réagir aux violations du droit international, selon le gouvernement. Ces mesures visent à maintenir un ordre international pacifique et équitable.
De plus, la possibilité de participer à des projets de coopération dans le domaine de la politique de sécurité et de défense serait fortement limitée. Cela affaiblirait la capacité de défense de la Suisse.
Les initiants fustigent la reprise des sanctions de l'UE contre la Russie, parlant du «sacrifice irréfléchi d'une neutralité crédible». Ils dénoncent un manque d'orientation et un chaos en la matière. Ils s'opposent aussi au rapprochement «fallacieux» avec l'Otan.
L'Action pour une Suisse indépendante et neutre (Asin), ancêtre de Pro Suisse, avait déjà lancé une initiative sur la neutralité en 2011. Le texte voulait notamment limiter les missions de l'armée à l'étranger à l'aide en cas de catastrophe. L'organisation n'avait toutefois pas réussi à récolter suffisamment de signatures.
(sda/ats)