Il n'est que six heures du matin lorsque la sonnette retentit. Dix-sept agents, dont certains visiblement armés, se tiennent sur le pas-de-porte pour rapatrier de force une famille de neuf personnes. Les parents subissent une fouille corporelle, tout comme l'un des enfants âgé de 12 ans. Sous les yeux de leurs bambins, les parents sont menottés. Comme la fille de 15 ans refuse de se lever de son lit, elle l'est également.
Le Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) s'est penchée sur cette intervention dans son dernier rapport sur les renvois forcés. Ceux-ci interviennent chaque fois que des demandeurs d'asile déboutés refusent de rentrer dans leur pays d'origine. Et aux yeux de la commission, il ne s'agit pas d'un évènement isolé.
Dans un autre cas, une femme a demandé à plusieurs reprises à la police de lui retirer les menottes pour s'occuper de son garçon de deux ans. En vain. Elle a dû l'allaiter menottée et n'a pu être libérée que pour changer son fils.
La commission estime que ces mesures de contrainte sont «potentiellement traumatisantes» pour les enfants et, dans certaines circonstances, «mettent en danger leur intérêt supérieur». Elle considère également les mesures de contrainte à l'encontre des femmes enceintes et allaitantes comme «dégradantes et inhumaines». L'année dernière, la CNPT a examiné 49 rapatriements forcés par avion. Ils concernaient 45 familles et 105 enfants.
La commission atteste par ailleurs que les autorités d'exécution font preuve dans l'ensemble de professionnalisme et de respect envers les individus. Elle relève des «efforts visibles pour veiller au bien-être des enfants, en particulier ceux en bas âge». Malgré cela, elle craint que l'intérêt de l'enfant soit mis de côté dans ce contexte.
Plusieurs points sont, selon elle, critiquables: le fait de menotter les parents en présence de leurs enfants, les renvois échelonnés ainsi que la séparation des familles pendant les renvois forcés. Ceux de nuit et le recours à des enfants pour des traductions entre leurs parents et les autorités sont également problématiques. Pour la commission, les agents d'escorte de la police doivent être mieux formés au contact avec les familles et les mineurs.
La Confédération et les cantons cherchent à nuancer cette analyse. Le nombre de renvois que la commission considère comme problématiques est «relativement bas», écrit le comité d'experts Retour et exécution des renvois dans une prise de position. Sur mandat du département de la Justice et de la Conférence des directeurs cantonaux de la justice, ce comité analyse les développements dans ce domaine et coordonne les instruments d'exécution.
Certaines critiques porteraient sur des procédures pourtant expressément prévues par la loi. Le comité d'experts rappelle en outre que les renvois forcés font office d'ultime recours. Les personnes auraient auparavant eu la possibilité de «partir volontairement et – lorsque la loi le permet – avec une aide au retour».
(Adaptation française: Valentine Zenker)