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Randonneurs habillés en nazis en Suisse: on sait pourquoi

Les symboles nazis ne sont pas officiellement interdits en Suisse, mais cela pourrait bientôt changer.
Les symboles nazis ne sont pas officiellement interdits en Suisse, mais cela pourrait bientôt changer.Image: SRF / Augenzeuge / Imago / Keystone, montage watson

«Randonneurs nazis» en Suisse: qu'est-ce que le Projet Edelweiss?

Vêtus d’uniformes de la Wehrmacht, 25 hommes originaires de divers pays ont récemment arpenté les Alpes suisses. Se disant «apolitiques», ils affirment vouloir simplement rejouer des scènes de l’Histoire.
23.07.2025, 09:1423.07.2025, 09:14
Francesco Benini / CH media

Le week-end dernier, un groupe de 25 randonneurs a été repéré dans le Simmental, dans la région occidentale de l’Oberland bernois. Tous portaient des uniformes de la Wehrmacht allemande. Troublés par cette scène, des promeneurs ont alerté la police.

Des symboles pas interdits en Suisse

La police cantonale bernoise a confirmé une enquête menée par la radio SRF. Elle a indiqué:

«Le groupe contrôlé était composé d’environ 25 hommes issus de plusieurs pays européens, d’outre-mer et de Suisse, vêtus d’uniformes de la Wehrmacht datant des années 1930 et 1940.»

Les autorités ont procédé à un contrôle d’identité et ordonné aux participants d’ôter les vestes arborant des symboles nazis, afin d’éviter toute confrontation avec des tiers. Aucune sanction pénale n’a été prise, les symboles nationaux-socialistes n’étant pour l’heure pas interdits en Suisse.

Les randonneurs en uniformes de la Wehrmacht, en route pour l'Oberland bernois.
Les randonneurs en uniformes de la Wehrmacht, en route pour l'Oberland bernois.Image: SRF / Augenzeuge

Une reconstitution historique

Mais qui sont ces hommes en uniforme nazi qui ont bivouaqué dans les Alpes suisses? L’enquête renvoie à un collectif baptisé Project Edelweiss. Sur son site internet, une randonnée en Suisse est annoncée pour le mois de juillet, et les inscriptions pour y participer étaient ouvertes jusqu’au 1er décembre 2024.

Le site internet en anglais du groupe évoque une activité de «reenactment», soit une reconstitution historique la plus authentique possible. Ce type de reconstitution est notamment populaire aux Etats-Unis, où l’on rejoue des batailles de la guerre de Sécession (1861–1865).

Fondé en 2009, le Project Edelweiss indique vouloir reconstituer «une formation en haute montagne des chasseurs alpins autrichiens et allemands». Ces derniers étaient des unités d’infanterie spécialisées de la Wehrmacht, entraînées pour le combat en terrain montagneux. Plusieurs de ces unités ont été impliquées dans des crimes de guerre et des massacres de civils.

La première division de montagne d’Adolf Hitler était d’ailleurs connue sous le nom de Division Edelweiss, et une opération militaire nazie menée dans le Caucase en 1942 portait également le nom de code Edelweiss. Le groupe précise que les participants doivent être en bonne condition physique et adopter une approche «apolitique». A ce jour, une centaine de personnes issues de 18 pays auraient déjà pris part aux rassemblements.

Des hommes habillés en nazis font une halte dans le Simmental.
Des hommes habillés en nazis font une halte dans le Simmental.Image: SRF / Augenzeuge

Un groupe apolitique

Autrement dit, on randonne en uniforme nazi dans les Alpes, on simule l’entraînement des troupes de montagne du Troisième Reich, tout en se réclamant de la neutralité politique. Une posture qui semble viser à éviter des poursuites judiciaires.

Pour Hans Stutz, observateur reconnu de l’extrême droite en Suisse, l’affaire mérite d’être nuancée. Il explique:

«A mes yeux, il s’agit d’un groupe de passionnés d’histoire qui se déplacent en montagne dans un cadre de reconstitution historique.»

Selon lui, le simple port de l’uniforme de la Wehrmacht ne suffit pas à qualifier les participants de néonazis.

«Le site internet de ce groupe ne contient ni propos politiques, ni déclarations relevant de l’extrême droite»
Hans Stutz

Ce dernier reconnaît toutefois que «pour les randonneurs croisant des hommes habillés ainsi, l’expérience peut évidemment être très dérangeante».

Vers une interdiction des symboles nazis en Suisse

Si la Suisse a été choisie comme terrain pour l'opération, c’est sans doute parce que l’usage de symboles nazis y est encore légal. Certains des uniformes portaient d’ailleurs des croix gammées visibles.

Cette tolérance est cependant en passe d’être abolie. Le Conseil fédéral, bien qu’il se soit montré réticent il y a trois ans à interdire ces symboles dans l’espace public, a été contredit par le Parlement. Le Conseil national et le Conseil des Etats ont tous deux soutenu une modification législative en ce sens.

Un projet de loi a ainsi été présenté, et prévoit l’interdiction des signes, gestes ou salutations nazis, sauf dans un cadre scolaire, scientifique, artistique ou journalistique. En cas d’infraction, une amende de 200 francs est prévue.

A l’origine de cette initiative, la conseillère aux Etats centriste argovienne Marianne Binder. Interrogée sur le cas des randonneurs, elle réagit sans détour:

«Cet incident illustre de manière frappante l’importance d’interdire les symboles nationaux-socialistes»
La lutte pour l'interdiction des symboles nazis est porté par la conseillère aux Etats Marianne Binder (centre).
La lutte pour l'interdiction des symboles nazis est portée par la conseillère aux Etats Marianne Binder (Centre).Image: Keystone

Et d’ajouter que:

«La Suisse ne peut pas tolérer que des gens se promènent dans les Alpes en uniforme nazi. Où allons-nous? Cette loi est un outil essentiel contre le fondamentalisme et l’oubli de l’histoire.»

Traduit de l'allemand par Joel Espi

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