Le week-end dernier, un groupe de 25 randonneurs a été repéré dans le Simmental, dans la région occidentale de l’Oberland bernois. Tous portaient des uniformes de la Wehrmacht allemande. Troublés par cette scène, des promeneurs ont alerté la police.
La police cantonale bernoise a confirmé une enquête menée par la radio SRF. Elle a indiqué:
Les autorités ont procédé à un contrôle d’identité et ordonné aux participants d’ôter les vestes arborant des symboles nazis, afin d’éviter toute confrontation avec des tiers. Aucune sanction pénale n’a été prise, les symboles nationaux-socialistes n’étant pour l’heure pas interdits en Suisse.
Mais qui sont ces hommes en uniforme nazi qui ont bivouaqué dans les Alpes suisses? L’enquête renvoie à un collectif baptisé Project Edelweiss. Sur son site internet, une randonnée en Suisse est annoncée pour le mois de juillet, et les inscriptions pour y participer étaient ouvertes jusqu’au 1er décembre 2024.
Le site internet en anglais du groupe évoque une activité de «reenactment», soit une reconstitution historique la plus authentique possible. Ce type de reconstitution est notamment populaire aux Etats-Unis, où l’on rejoue des batailles de la guerre de Sécession (1861–1865).
Fondé en 2009, le Project Edelweiss indique vouloir reconstituer «une formation en haute montagne des chasseurs alpins autrichiens et allemands». Ces derniers étaient des unités d’infanterie spécialisées de la Wehrmacht, entraînées pour le combat en terrain montagneux. Plusieurs de ces unités ont été impliquées dans des crimes de guerre et des massacres de civils.
La première division de montagne d’Adolf Hitler était d’ailleurs connue sous le nom de Division Edelweiss, et une opération militaire nazie menée dans le Caucase en 1942 portait également le nom de code Edelweiss. Le groupe précise que les participants doivent être en bonne condition physique et adopter une approche «apolitique». A ce jour, une centaine de personnes issues de 18 pays auraient déjà pris part aux rassemblements.
Autrement dit, on randonne en uniforme nazi dans les Alpes, on simule l’entraînement des troupes de montagne du Troisième Reich, tout en se réclamant de la neutralité politique. Une posture qui semble viser à éviter des poursuites judiciaires.
Pour Hans Stutz, observateur reconnu de l’extrême droite en Suisse, l’affaire mérite d’être nuancée. Il explique:
Selon lui, le simple port de l’uniforme de la Wehrmacht ne suffit pas à qualifier les participants de néonazis.
Ce dernier reconnaît toutefois que «pour les randonneurs croisant des hommes habillés ainsi, l’expérience peut évidemment être très dérangeante».
Si la Suisse a été choisie comme terrain pour l'opération, c’est sans doute parce que l’usage de symboles nazis y est encore légal. Certains des uniformes portaient d’ailleurs des croix gammées visibles.
Cette tolérance est cependant en passe d’être abolie. Le Conseil fédéral, bien qu’il se soit montré réticent il y a trois ans à interdire ces symboles dans l’espace public, a été contredit par le Parlement. Le Conseil national et le Conseil des Etats ont tous deux soutenu une modification législative en ce sens.
Un projet de loi a ainsi été présenté, et prévoit l’interdiction des signes, gestes ou salutations nazis, sauf dans un cadre scolaire, scientifique, artistique ou journalistique. En cas d’infraction, une amende de 200 francs est prévue.
A l’origine de cette initiative, la conseillère aux Etats centriste argovienne Marianne Binder. Interrogée sur le cas des randonneurs, elle réagit sans détour:
Et d’ajouter que:
Traduit de l'allemand par Joel Espi