Les recourantes espéraient une décision plus serrée, il n'en était rien. En effet, les cinq juges ayant délibéré au Tribunal fédéral ce jeudi 12 décembre ont décidé de rejeter à l'unanimité les recours contre la votation sur l'AVS 21. «Je pensais que les probabilités étaient plus ouvertes, mais dès le début, la tendance du rejet était claire», raconte Mathilde Mottet, coprésidente des femmes socialistes qui a assisté aux délibérations. Comment les recourantes expliquent-elles cette décision? Réaction de Maître Léna Nussbaumer-Laghzaoui, avocate et co-autrice du recours des Vert-e-s.
On s'attendait à un suspens, il n'en était rien, quelles sont vos premières réactions sur la décision du Tribunal fédéral?
Léna Nussbaumer-Laghzaoui: Nous sommes extrêmement déçues, car je rappelle que les juges ont constaté à l'unanimité qu'il y avait bel et bien une erreur dans le matériel de vote, mais malgré cela, aucun d'entre eux n'en tire une conséquence, soit l'annulation du vote. Dans chaque argumentation, nous avons relevé que les juges allaient de leur version et concluaient sur l'absence de conséquences de cette erreur.
Vous vous attendiez probablement à quelque chose de plus partagé?
Oui. Nous croyions bien évidemment à nos arguments. Pour nous, les conditions de l'annulation étaient remplies. On est surpris qu'il n'y ait eu aucun juge qui soit allé dans ce sens-là.
Le fait que la délibération ait été publique, cela ne devait-il pas montrer que les juges étaient partagés sur la décision finale?
Léna Nussbaumer-Laghzaoui: Certes les juges ont tous constaté l'erreur dans le matériel de vote du conseil fédéral, sans en tirer la conséquence de l'annulation mais il y a une difficulté sur la qualification de l'erreur et un désaccord entre eux sur les fondements juridiques du rejet du recours.
Ensuite, on ne peut ignorer que cette cause est particulièrement importante pour l'ensemble de la population et c'est aussi un argument en faveur de l'ouverture de cette délibération.
Vous avez construit très rapidement le dossier de recours des Vert-e-s avec Maître Camilla Jacquemoud, que ressentez-vous lorsque vos arguments sont rejetés à l'unanimité?
Je ne le prends pas personnellement. Notre impression, c'est que nos arguments ont été entendus et rapportés par les juges, que cela soit le juge rapporteur dans sa description des faits ou le poids qu'il a reconnu à l'utilisation des chiffres du Conseil fédéral dans la campagne.
Malheureusement cela n'a pas suffi, dans le contexte extraordinaire et très strict de cette voie.
Vous n'avez pas l'impression d'avoir raté quelque chose dans la constitution de votre dossier?
Non, pas du tout. Nous n'avons pas eu l'impression d'avoir omis ou «raté» un élément. Les juges en ont décidé autrement.
Les juges ont utilisé l'argument de la sécurité juridique pour ne pas accepter votre recours, comment faut-il comprendre cette décision, que toute votation acceptée ne puisse être annulée?
Ce que je trouve un peu inquiétant c'est qu'un juge a dit vouloir éviter une judiciarisation du débat politique. Selon lui, le débat politique et démocratique doit être laissé dans les mains du peuple. Je suis d'accord sur le principe, mais seulement quand le peuple est correctement informé.
Aujourd'hui, aucun juge ne conteste le fait que les informations étaient erronées et cette décision du Tribunal fédéral m'inquiète. On ne peut qu'espérer que le Conseil fédéral informera mieux la population à l'avenir, mais si ce n'est pas le cas, que fera-t-on?
Y aura-t-il une suite à cette décision?
Politiquement, il faudrait demander aux Vert-e-s. Ils ont probablement un agenda sur la treizième rente. Judiciairement on ne peut plus rien faire, on n'a pas d'instance supérieure dont on pourrait se saisir.