La plupart des fois, elles sont invisibles, inodores et n'ont pas de goût. Ce qui ne facilite pas les choses lorsqu'il s'agit de les détecter ou de les éliminer. D'autant plus que la cuisson, le séchage ou la congélation n'ont aucun impact sur leur prolifération. On parle des «mycotoxines», des substances produites naturellement par certains champignons pouvant contaminer la nourriture. Et qui, comme leur nom l'indique, sont tout sauf inoffensives.
Ces produits sont «très toxiques», explique en effet l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Il ajoute:
Elles peuvent notamment provoquer des troubles gastro-intestinaux et des lésions du foie ou des reins. Les systèmes nerveux, immunitaire ou hormonal peuvent également être affectés. En consommer régulièrement sur une longue période, même en petites quantités, risque d'entraîner des lésions chroniques. L'OSAV rappelle finalement que des «effets cancérigènes et des effets néfastes sur l’embryon et le patrimoine génétique ont aussi été observés».
Le principal vecteur de contamination pour l’homme est l'alimentation. «Les mycotoxines touchent principalement les graines oléagineuses, les céréales et les produits céréaliers, les épices et certains fruits secs», explique l'OSAV. Elles peuvent infecter les récoltes directement dans les champs ou lorsque celles-ci sont stockées.
Les animaux qui ingèrent du fourrage contaminé peuvent également transmettre ces toxines, qu'on retrouve ensuite dans leur lait, leurs œufs ou leur viande.
Le problème n'est pas nouveau, mais risque d'empirer. C'est ce qu'affirme l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) dans un rapport publié en mars dernier. La hausse des températures entraînée par le réchauffement climatique devrait favoriser la croissance des champignons responsables des mycotoxines.
Résultat: un plus grand risque de contamination des récoltes et, par conséquent, une plus grande exposition des populations à ces substances, prédit l'AEE. Sans oublier qu'une intoxication accrue des cultures entraînera une baisse des rendements, avec les pertes économiques qui en découlent.
Les changements atmosphériques vont aussi jouer un rôle. L'augmentation des précipitations et l'érosion des sols pourraient permettre à ces toxines de s'infiltrer dans les réseaux d'eau potable, via les rivières et les eaux souterraines. L'AEE note finalement que les phénomènes météorologiques extrêmes rendent les céréales plus vulnérables aux infections fongiques et à la contamination par les mycotoxines.
Selon de vieilles estimations formulées par les Nations unies, environ 25% de la production mondiale de denrées alimentaires est contaminée par les mycotoxines. L'AEE pense toutefois que ce pourcentage pourrait être beaucoup plus élevé aujourd'hui.
Et en Suisse? Le dernier rapport national sur le sujet, datant de 2021, indique que seuls 2,8% des échantillons analysés contenaient des teneurs en mycotoxines dépassant les valeurs maximales autorisées. Celles-ci servent comme directives à l'industrie alimentaire, qui doit les respecter. Les autorités cantonales se chargent des inspections et contrôlent les produits sur le marché. «La population suisse est ainsi protégée au mieux contre les mycotoxines», commente l'OSAV.
«Notre service effectue sporadiquement des recherches de mycotoxines dans les denrées alimentaires sous forme de campagnes d'analyses», illustre Xavier Guillaume, chimiste cantonal fribourgeois. Il ajoute:
«Nous procédons régulièrement à des prélèvements officiels et à des analyses dans les commerces du canton», lui fait écho son homologue jurassien, Thierry Bourquard. «Depuis 2017, un seul échantillon non conforme a été décelé».
Les produits non conformes sont retirés du marché et peuvent également faire l'objet de mises en garde publiques, rappelle Xavier Guillaume. A la fin de l'année dernière, un chocolat de Dubaï vendu en Suisse a par exemple été rappelé en raison d'une teneur trop élevée en mycotoxines.