Suisse
Santé

La Suisse s’enfonce dans une pénurie de médicaments essentiels

L’OFSP accusé de sacrifier l’approvisionnement aux économies.
La Suisse paie le prix de ses médicaments trop bon marché.Image: montage watson

Comment la Suisse en arrive à une pénurie «dramatique» de médicaments

Un antibiotique sur sept a disparu du marché suisse ces cinq dernières années. Une nouvelle étude dénonce la pression croissante sur les prix. Le secteur réclame un changement profond.
24.11.2025, 05:3124.11.2025, 05:31
Anna Wanner / ch media

L’avertissement de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) n’a rien de rassurant: «Actuellement, l’approvisionnement en médicaments ne peut pas être garanti dans tous les cas», écrivait l’autorité fin octobre. La liste des produits en rupture continue de s’allonger et plus de 700 conditionnements sont indisponibles. Les manques touchent des antalgiques puissants, des vaccins, de l’insuline ou encore des antibiotiques. A elle seule, cette liste montre l’ampleur du problème.

La pénurie de médicaments essentiels n’est pas propre à la Suisse. Le phénomène gagne du terrain partout dans le monde. Malgré cela, le Conseil fédéral étudie de nouvelles mesures pour empêcher la disparition des traitements bon marché, indispensables aux soins de base.

Les autorités ont réagi, mais tardivement. C’est ce que révèle une nouvelle étude du cabinet New Angle, mandaté par le groupe pharmaceutique Viatris. L’analyse couvre seize pays européens, dont la Suisse.

Des antibiotiques 10% moins chers

La dégradation de l’approvisionnement en Europe s’explique par plusieurs facteurs:

  • Concentration des fabricants.
  • Délocalisation massive de la production vers l’Asie.
  • Hausse des coûts industriels.

Mais ce sont surtout les baisses de prix systématiques qui alimentent cette spirale.

Les antibiotiques en sont le symbole. Entre 2020 et 2024, le prix moyen des dix antibiotiques les plus importants a reculé de 10,4 %, selon l’étude — alors même que l’inflation et les coûts de production augmentaient. Les auteurs notent:

«Cette dynamique est alimentée par des systèmes nationaux de fixation des prix qui ne permettent pas aux fabricants de les ajuster, même en cas de hausse marquée des coûts.»

Résultat: les entreprises quittent des marchés devenus peu attractifs.

C’est exactement ce qui se produit en Suisse, explique Ernst Niemack, directeur de l’association pharmaceutique Vips, qui réunit une centaine d’entreprises. «L’évolution est dramatique», estime-t-il. «Les prix ont tellement été comprimés que de nombreux médicaments ne sont plus disponibles pour les patientes et patients. »

Ernst Niemack, directeur de l’association pharmaceutique Vips.
Ernst Niemack.Image: dr

A court terme, Niemack ne voit aucune amélioration possible. «Lorsqu’un fabricant se retire du marché suisse, il s’en va. Pour toujours.» De nouvelles offres de prix n’y changeraient rien: il faudrait redemander une autorisation à Swissmedic. Pour des médicaments comme les antibiotiques datant des années 1980, la procédure exige de nouvelles études, note Niemack et «cela ne vaut pas la peine.» Les effets se font déjà sentir, poursuit-il:

«Dans les soins de base, nous avons touché le fond»

Antibiotiques, antalgiques, vaccins et médicaments pédiatriques sont vendus à des prix si bas qu’ils ne sont plus livrés en Suisse. L’étude montre que 17% des antibiotiques ont disparu du marché suisse au cours des quatre dernières années.

Un milliard de francs économisés en coûts de médicaments

Les critiques visent l’OFSP, qui réévalue tous les trois ans l’efficacité, l’adéquation et l’économicité de l’ensemble des médicaments — et réduit ensuite leurs prix. Au fil des années, plus d’un milliard de francs a ainsi été économisé, dont 65 millions supplémentaires prévus pour 2025.

Mais affirmer que l’Office baisse aveuglément les prix malgré les problèmes d’approvisionnement serait inexact. Lors de la dernière révision pour 2025, il a renoncé à abaisser les tarifs de 55 médicaments, jugés essentiels pour l’approvisionnement. Cela inclut un antibiotique majeur, un sirop de co-amoxicilline.

Ce n’est pas un cas isolé, précise l’OFSP. Au cours des trois dernières années, la majorité des exceptions ont concerné les antibiotiques. Pour les sirops d’amoxicilline (qui servent à traiter les infections bactériennes), l’autorité a même renoncé, l’an dernier, à un examen des prix et accordé une hausse tarifaire, à la demande des quatre titulaires d’autorisation.

La Confédération face à une impasse

Les autorités s’efforcent bel et bien de maintenir les médicaments sur le marché. Depuis 2017, l’OFSP a renoncé à 200 baisses de prix, rappelle l’Office. Il a aussi contacté des fabricants souhaitant retirer leur autorisation, afin d’éviter leur départ.

Ernst Niemack reconnaît l’évolution:

«L’OFSP a bougé ces deux dernières années, il a admis la gravité du problème»

Mais il critique une ligne trop rigide, car la plupart des demandes d’augmentation sont refusées.

Un certain soulagement pourrait venir d’une mesure incluse dans le deuxième paquet de maîtrise des coûts: pour les médicaments critiques, la révision des prix pourra être suspendue et des hausses pourront être autorisées.

Mais ce ne sera pas la solution miracle à la «crise d’approvisionnement», estime le directeur de Vips. «L’OFSP reste focalisé sur les bas prix. Nous voyons déjà que seules des niches pourront profiter de la nouvelle règle.» Le secteur s’attend donc à une aggravation. Les entreprises pharmaceutiques réclament, depuis longtemps, une refonte du système de fixation des prix et, avec les médecins et pharmaciens, veulent lancer une initiative pour donner plus de compétences à la Confédération en matière d’approvisionnement.

Reste une impasse fondamentale: impossible d’augmenter les prix sans faire bondir les primes d’assurance-maladie. Et affaiblir la sécurité d’approvisionnement n’est évidemment pas une option.

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