Vous jetez probablement 600 francs à la poubelle chaque année
Pain, carottes, fromage, bananes ou même viande; chaque jour en Suisse, des aliments finissent à la poubelle au lieu d'être consommés. Ce qui pousse dans les champs, est acheté en magasin et préparé en cuisine ne parvient trop souvent pas dans l'assiette et est gaspillé. Ce sont principalement les ménages qui génèrent ces déchets alimentaires.
En 2022, le Conseil fédéral a lancé la lutte contre le gaspillage alimentaire et adopté un plan d'action ambitieux. L'objectif: réduire de moitié les déchets alimentaires d'ici 2030, sur l'ensemble de la chaîne de valeur, de l'agriculture aux ménages. Pour ce faire, la Confédération a conclu un accord intersectoriel avec des entreprises et des associations.
Un bilan décevant après trois ans
Les premières analyses d'un rapport de l'Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) montrent que la Suisse accuse un retard par rapport aux objectifs.
Les chercheurs ont étudié la période de 2017 à 2024 et constatent que la réduction n'atteint que 5%. Selon le plan, elle devrait être d'environ 25% d'ici la fin de cette année.
Des premiers progrès visibles
Mais il y a aussi des points positifs: le commerce de détail a réussi à réduire son gaspillage alimentaire d'environ 20% ces dernières années. Des enseignes comme Coop misent sur la valorisation plutôt que le gaspillage. Les produits périmés, mais encore consommables, sont donnés à des associations caritatives, le pain rassis est transformé en alimentation animale ou utilisé dans des installations de biogaz.
Les détaillants tentent également de vendre les produits proches de leur date de péremption grâce à des promotions et des réductions.
Certaines entreprises du secteur de la restauration ont même réussi à réduire leurs pertes de 50%. L'association professionnelle Gastro Suisse, en collaboration avec la Confédération, a lancé un outil de mesure. En identifiant les principales sources de pertes, les établissements peuvent agir de manière ciblée, réduisant non seulement le gaspillage alimentaire, mais réalisant également des économies.
Les ménages sont les plus gros pollueurs
Chaque année, environ 2,8 millions de tonnes de nourriture sont jetées. Cela correspond à une colonne de
280 000 camions de 10 tonnes chacun, s'étendant de Zurich jusqu'à Téhéran.
Les consommateurs jettent nettement plus de nourriture que l'agriculture, le commerce de détail et la restauration. Cela pèse non seulement sur le portefeuille, mais aussi sur l'environnement.
Chaque année, des aliments d'une valeur d'environ 600 francs par personne finissent à la poubelle. En moyenne, cela représente 310 kilogrammes de nourriture par personne. Les produits laitiers sont les plus jetés, suivis des légumes et du pain. Environ un quart des émissions de gaz à effet de serre liées à l'alimentation proviennent du gaspillage alimentaire.
De graves conséquences pour l'environnement
La viande et les produits laitiers non consommés entraînent les plus grands impacts écologiques. Particulièrement problématique: ils finissent souvent en déchets à la fin de la chaîne de valeur. Lorsqu'un yaourt est jeté, les ressources mobilisées pour sa production et sa distribution ont déjà été gaspillées.
La quantité de nourriture gaspillée par une personne en un an a un impact environnemental équivalent à celui de son alimentation pendant environ 110 jours.
Il est admis qu'il vaut mieux prévenir que valoriser. Même le compostage ou les installations de biogaz ne compensent que très partiellement les ressources mobilisées pour la production.
La collaboration, clé du succès
Le rapport souligne également que seule une collaboration accrue entre tous les acteurs permettra de réduire davantage le gaspillage alimentaire. Malgré le suivi et la collecte de données variées, il reste difficile de savoir combien d'aliments sont gaspillés dans certains secteurs. Dans l'agriculture, par exemple, les données font défaut.
La Confédération analyse les premières conclusions et devrait décider en 2026 des mesures supplémentaires à mettre en œuvre. Sensibiliser davantage les ménages à cette problématique semble indispensable.
Sans règles claires, pas de succès
Le rapport intermédiaire montre que des efforts plus soutenus sont nécessaires, faute de quoi l'objectif de réduction sera difficile à atteindre. Jusqu'à présent, les accords volontaires n'ont eu d'effet que sur les entreprises déjà engagées. Un cadre légal semble donc indispensable pour garantir le respect des objectifs.
Le gaspillage alimentaire n'est pas seulement un problème éthique et écologique, mais représente également un gaspillage de ressources économiques. L'étude de la ZHAW souligne que les structures pour réduire le gaspillage existent, mais devraient être mieux exploitées. Plus d'entreprises devraient s'engager et les ménages être davantage sensibilisés. C’est la seule manière pour la Suisse d'atteindre son objectif de réduction du gaspillage alimentaire.
Traduit et adapté par Noëline Flippe