«Des vers dans les repas au centre d’asile de Vallorbe? C’est récurrent»
«Les vers dans la nourriture? Ça n’est pas la première fois!» Les requérants sont presque surpris de l’agitation suscitée par les récents déballages sur la nourriture qui leur est servie. Comme l’a révélé Blick, l’hygiène n’est pas toujours au menu au centre fédéral d’asile de Vallorbe (VD). L’article de nos confrères faisait suite à une publication de «Droit de rester» sur Facebook. Sur la photo partagée lundi par l’association, qui milite pour les droits des migrants et requérants, une fourchette, où grains de riz et vers de farine se confondent.
Un post partagé plus d'une centaine de fois. «Les vers, c’est récurrent», nous lâchent, las, les requérants. Contacté par watson, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) ne peut ni confirmer ni infirmer. «Nous n’avons pas d’informations avérées en ce sens, mais nous ne pouvons pas l’exclure», explique l'institution, qui poursuit ses investigations.
Des enfants «qui ne mangent plus»
Ce sont des familles, mais aussi des personnes seules, venues de Turquie, d'Afghanistan, d'Irak et du Burundi, qui nous racontent leurs conditions de vie, ici, à Vallorbe.
Des requérants qui ont peur, mais qui veulent parler.
L'un des pères poursuit en nous expliquant qu'ils n'ont pas le droit d'apporter de la nourriture au centre «pour des raisons d'hygiène», leur a-t-on expliqué là-bas. «Si on essaie d'amener quelque chose de l'extérieur, ils nous le prennent.» Un autre précise que seules les bouteilles d'eau et les cigarettes sont acceptées. De son côté, le SEM assure que certaines choses de l’extérieur sont autorisées dans les chambres.
Les familles, elles, persistent. Elles disent ne plus savoir quoi faire pour que leurs enfants s'alimentent. «Les plus jeunes n'arrivent pas à avaler la nourriture du centre. Elle a un goût... comme si elle n'avait pas été stockée au frigo et était restée dehors pendant des jours».
Denise Graf, qui a travaillé comme coordinatrice réfugiés pour Amnesty international pendant 19 ans, nous sert d'interprète. Elle confirme les dires des requérants.
Un «manque de soin pour les enfants»
Un autre père s'invite dans la discussion, il nous raconte qu'il est compliqué pour eux de faire examiner les enfants par un médecin, car «c'est l'infirmière du centre qui décide, et elle dit souvent que c'est pas grave. Le centre n'accepte pas qu'on les emmène à l'hôpital». Une affirmation réfutée par le SEM.
Et d'ajouter qu'à leur arrivée au centre, l’équipe infirmière programme un rendez-vous à la permanence pédiatrique de l’hôpital d’Yverdon pour tous les enfants de moins de seize ans. «Tous les enfants sont donc vus par un pédiatre, sauf si le départ au canton pour des raisons de procédure intervient avant ce rendez-vous. Dans ce cas-là, il a lieu dans le canton d’attribution. Par ailleurs, de la nourriture adaptée aux enfants est mise à disposition des requérants par l’équipe d’encadrement.»
Selon un père concerné, si les enfants sont bien envoyés parfois à l'hôpital, le retour au centre ne se passe pas forcément bien.
Des règles «presque pires que dans les prisons»
Un autre requérant se mêle à notre échange. Il nous dit être ici avec sa famille depuis 25 jours. Cet homme raconte lui aussi que les agents de sécurité entrent dans les chambres. «Il y a une forte pression sur nous, la sécurité organise régulièrement des fouilles sur nous et dans nos chambres. Ils entrent sans frapper et fouillent...»
Le SEM assume ses fouilles régulières, réalisées, selon l'institution, pour assurer la sécurité de tous les résidents du centre et en présence d’ORS (réd: son prestataire d’encadrement). Et d'assurer encore que les agents frappent à la porte avant d’entrer, et que les requérants ont la possibilité de fermer à clé leur chambre de l’intérieur, en précisant toutefois que les agents ont un pass pour entrer en cas de besoin, par exemple pour une intervention urgente.
Le père de l'enfant emmené à l'hôpital assure de son côté que toutes les communautés ne sont pas traitées de la même manière. «Certains introduisent bel et bien des choses interdites et parfois dangereuses dans le centre, et nous, on nous traite mal pour une pomme dans une chambre, qui pourtant venait de la cantine!» Il est appuyé par un autre requérant: «Nous, on a fait plusieurs centres avant de venir ici, et Vallorbe, c'est vraiment le pire».
L'espoir que ce soit «moins pire pour les suivants»
Pourquoi ne pas avoir fait remonter l'incident des vers dans l'assiette à un répondant du SEM, leur demande-t-on, après qu'on leur a répondu "C'est des protéines", lundi, au centre? «On ne savait plus quoi faire. On leur signale les vers, et on nous répond ça... En fait, on avait plus le courage.» Du courage, ils veulent en faire preuve au travers de leurs témoignages. «Nous, on sait qu'on va partir», nous dit l'un des pères.
Denise Graf, notre interprète active dans le domaine de l'asile depuis près de 40 ans, soupire. «On a souvent eu des retours négatifs par rapport à Vallorbe.» La retraitée d'Amnesty international nous indique que l'organisation est intervenue à plusieurs reprises, sans réelles améliorations, mais qu'elle garde espoir.
Les requérants s'agitent, parlent entre eux. Denise Graf traduit, elle nous explique qu'ils doivent impérativement retourner au centre pour 17h30 au plus tard. Avant de nous quitter, ils nous redemandent de ne pas divulguer leurs noms. «Nous avons peur, mais c'est important que les gens sachent ce qu'il se passe ici.»