Interlaken, devant l'hôtel Victoria. Deux hommes lèvent leurs téléphones portables en l'air. Aussi anodin que cela puisse paraître de l'extérieur, il s'agit d'une première européenne. Ces deux individus sont des ingénieurs de Starlink, qui viennent tout juste de s'envoyer un SMS par satellite ce mardi. L'opérateur mobile Salt, partenaire de l'entreprise du milliardaire Elon Musk, place beaucoup d'espoirs dans cette innovation.
Contrairement aux SMS classiques, qui transitent par des antennes relais terrestres, ces messages font un détour par l'espace. Les appareils ne sont pas connectés à un réseau mobile au sol, mais communiquent directement avec l'un des plus de 650 satellites Starlink. Ceux-ci renvoient ensuite les SMS reçus vers une station Starlink située sur Terre. Une telle station devrait bientôt voir le jour en Suisse, plus précisément à Loèche dans le canton du Valais.
La technologie dite «direct to cell» de Starlink utilise les fréquences habituelles du réseau mobile. Aucun équipement spécial n'est nécessaire pour accéder à ce service. La seule condition est que le téléphone soit compatible 4G, ce qui concerne presque tous les smartphones en Suisse. Même l'iPhone 5 est déjà compatible avec la technologie Starlink.
Salt est le premier opérateur mobile en Europe à tester l'envoi de SMS via Starlink. Cela a été rendu possible grâce à une licence d'essai temporaire délivrée pour quelques jours par l'Office fédéral de la communication (Ofcom).
Grâce à Starlink, il est désormais possible d'envoyer des SMS. Le mois prochain, l'entreprise américaine prévoit également de lancer la transmission de petites quantités de données, par exemple pour WhatsApp. Par la suite, les appels devraient aussi devenir possibles.
Starlink ne remplacera pas les réseaux mobiles, ont insisté, à plusieurs reprises, mardi, le directeur de Salt, Max Nunziata, ainsi que les ingénieurs de Starlink. En effet, les capacités sont limitées.
Starlink vise plutôt à permettre la communication dans les zones dépourvues de couverture mobile, comme certaines régions montagneuses isolées. Les utilisateurs doivent se trouver en plein air, mais la technologie fonctionne même par temps nuageux ou mauvais.
Cette technologie pourrait également être utilisée en cas de catastrophe, lorsque le réseau mobile est hors service. Dans un communiqué, Salt évoque les intempéries survenues au printemps dans le canton du Valais, qui ont parfois rendu le réseau mobile indisponible. Max Nunziata affirme que Starlink renforce la résilience de son réseau et reste accessible même en cas de coupure de courant:
Cependant, le chemin vers une utilisation commerciale reste semé d'embûches. Aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Australie ou au Japon, Starlink est déjà utilisé par certains opérateurs mobiles. En Suisse, cela prendra encore du temps, notamment parce que l'utilisation des fréquences doit être coordonnée avec les pays voisins.
Starlink sera activé uniquement pour la zone géographique de l'opérateur mobile en question, mais pour couvrir l'ensemble de la Suisse, il sera impossible d'éviter que certaines zones proches de la frontière, comme à Bâle, Genève ou Lugano, soient également couvertes à l'étranger.
Pour réguler cette utilisation, des accords doivent être conclus lors de rencontres de l'Union internationale des télécommunications (UIT). La prochaine à ce sujet n'aura lieu qu'en 2027. Avant cela, l'Ofcom pourrait théoriquement permettre l'utilisation de Starlink, à condition qu'elle soit limitée à l'intérieur du pays. Par exemple, Starlink pourrait ne couvrir que l'Oberland bernois. Toutefois, il reste à voir si la Confédération accepterait cela.
Starlink devrait être accessible à tous les clients de Salt. Max Nunziata ne donne pas encore de détails sur les tarifs. L'utilisation de cette technologie pourrait être incluse dans certains abonnements, mais il est également possible que des forfaits spécifiques, à l'image des options d'itinérance, soient proposés en supplément. A l'avenir, les utilisateurs de Salt pourront également profiter de Starlink dans tous les pays où un opérateur mobile utilise cette technologie.
Les clients de Swisscom et Sunrise bénéficieront également de Starlink. En cas d'urgence en montagne, lorsqu'aucun réseau mobile n'est disponible, ils pourront aussi communiquer avec les services de secours via les satellites Starlink.
Cette règle est la même que dans le réseau mobile classique, où tous les réseaux disponibles peuvent être utilisés gratuitement pour les appels d'urgence. Comme pour les appels d'urgence via le réseau mobile, des informations de localisation sont également transmises par satellite, et les contacts avec les services de secours peuvent être prioritaires. Il n'existe pas de clause d'exclusivité: Swisscom et Sunrise peuvent également collaborer avec ce service s'ils le souhaitent.
Traduit et adapté par Noëline Flippe