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Les influenceurs seraient «inefficaces» pour vendre des voyages

Les influenceurs seraient «inefficaces» pour vendre des voyages

Les influenceurs seraient «inefficaces» pour vendre des voyages
Ce genre de cliché léché vous donne envie d'aller aux Maldives? Si l'on en croit l'expert Pietro Beritelli, probablement pas.
Comment choisissons-nous notre prochain destination? Les photos des influenceurs sur Instagram jouent-elles un rôle dans notre prise de décision? Selon le professeur Pietro Beritelli, pas vraiment. Voici pourquoi de nombreux hôtels et organisations touristiques utilisent malgré tout cette méthode.
01.08.2024, 19:01
Ann-Kathrin Amstutz / ch media
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D'alléchants clichés de piscines turquoise, des chambres d'hôtel luxueuses ou des vues à couper le souffle: vous êtes peut-être familier de ces posts sur les réseaux sociaux, créés pour susciter l'envie de voyager et stimuler les réservations. Il semblerait pourtant que la publicité des influenceurs ne tienne pas vraiment ses promesses pour les hôtels et les organisations touristiques. C'est le postulat de Pietro Beritelli, professeur d'économie d'entreprise spécialisé dans le tourisme à l'université de Saint-Gall (HSG).

Bien que la tendance à faire de la publicité via les médias sociaux prenne de l'ampleur, les experts doutent de son impact. On écrit «beaucoup sur le marketing d'influence, même dans la presse spécialisée», explique Pietro Beritelli, ce qui confère au phénomène une «pertinence apparente». Pourtant, ses recherches ont montré que:

«Le marketing d'influence pour attirer les clients est inefficace»

Mais alors, comment choisit-on notre destination?

Le professeur de la HSG s'intéresse depuis de nombreuses années à la meilleure manière de commercialiser les destinations de vacances et siège notamment au conseil d'administration de plusieurs organisations touristiques. Pendant longtemps, lui aussi a «cru que l'on pouvait attirer les clients grâce à la promotion de l'image». Jusqu'à ce qu'il se rende compte que cette explication n'était pas toujours cohérente.

Pietro Beritelli s'est donc posé la question suivante: quels sont les facteurs déclencheurs qui nous poussent à faire une réservation? Pourquoi nous rendons-nous à cet endroit précis, et pas à un autre pendant les vacances d'été, malgré tous les choix qui s'offrent à nous?

Des questions qu'il a d'abord posées à ses étudiants. Les réponses ont fusé: «Je pars à Londres pour rendre visite à une amie». «Il y avait une offre de dernière minute avantageuse, donc nous avons choisi les Maldives». Ou encore: «Nous allons en Crète, parce que nous nous y sommes tellement plu la dernière fois». D'où le constat de l'expert en tourisme:

«Pas une seule fois les mots clés 'influenceurs' ou 'promotion de l'image des pays et des régions' n'ont été prononcés»

Le contexte social est important

Cette conclusion, qui a surpris Pietro Beritelli lui-même, s'est confirmée à plusieurs reprises dans son travail de recherche. Pendant la période de la pandémie, il a mené 256 entretiens, d'une durée d'environ 30 minutes chacun.

Son observation? «Les voyages sont très fortement intégrés dans un contexte social», explique l'enseignant. Il est rare que les gens prennent une décision de voyage pour eux-mêmes. Le partenaire, la famille ou les amis ont souvent leur mot à dire. «Il n'y a donc pas beaucoup d'options quant à la date et à la destination du voyage».

Contrairement à une situation de concurrence classique, dans laquelle on énumère toutes les possibilités, on les compare et on choisit ensuite «la meilleure», il s'agit plutôt de trouver un compromis qui soit le plus cohérent possible pour tous les participants au voyage et tienne compte des circonstances. Pour résumer:

«La décision qui en résulte est tellement individuelle qu'il est difficile de l'intégrer dans un concept marketing»

Pietro Beritelli ne partage pas l'avis de ceux qui pensent que, si une annonce publicitaire ne déclenche peut-être pas directement une réservation, elle permet au moins de faire connaître une destination. Les images d'attractions suscitent, certes, «des espoirs et des envies», mais elles n'ont pas d'effet immédiat sur les gens au point qu'ils effectuent directement une réservation.

Des études ont déjà prouvé que la simple connaissance d'une destination ne suffit pas pour s'y rendre réellement. «C'est beaucoup trop abstrait», tranche le chercheur.

Beaucoup de gens dressent une «bucketlist» avec toutes les destinations qu'ils aimeraient visiter un jour. «Mais ils n'y vont pas forcément, car il y a toujours un imprévu», ajoute Pietro Beritelli. L'intention d'acheter ou de voyager ne garantit pas que l'on se rendra effectivement à la destination en question.

Et les influenceurs, alors?

Le professeur de la HSG s'est également penché sur la publicité d'influence. Elle entre dans la catégorie de ce que l'on appelle le «celebrity endorsement» ou la «recommandation par des célébrités». Son effet est depuis des décennies un «sujet controversé» dans la recherche marketing, en raison de «l'absence de résultats ou, au mieux, de résultats contradictoires».

Alors que les recommandations personnelles de nos connaissances peuvent effectivement influencer notre choix de destination de vacances, les recommandations publicitaires de célébrités ou de blogueurs n'ont d'effet que «dans des cas isolés». Il s'agit généralement d'attractions que l'on peut visiter en une journée.

On veut faire comme les autres

Dans ce cas, pourquoi les organisations touristiques et les hôtels dépensent-ils des sommes parfois importantes, si cela n'en vaut pas la peine financièrement? Pietro Beritelli observe ici un effet d'imitation prononcé:

«Puisque les autres le font, il faut qu'on le fasse aussi»

Il s'agit parfois aussi d'une forme d'autopromotion en tant que pays ou région - de la même manière que tous les pays rivalisent aux Expo nationales pour savoir qui a le plus grand et le plus beau stand. Pour la population, cela joue aussi une fonction identitaire.

Cette prise de conscience est peut-être «dévastatrice» pour les organismes qui ont tout misé dans cette stratégie, mais Pietro Beritelli le voit aussi comme un «coup de pouce». L'argent qui aurait été dépensé dans des campagnes coûteuses ou dans la publicité d'influence peut désormais être utilisé à bien meilleur escient - par exemple, dans de nouveaux sentiers de randonnée et pistes cyclables.

Pietro Beritelli ne recommande toutefois pas de renoncer complètement à la publicité d'image. Combinée à un déclencheur (comme une offre de rabais spéciale), la publicité peut se révéler efficace. Il conseille donc aux entreprises touristiques telles que les hôtels ou les remontées mécaniques de toujours associer la promotion de l'image à la promotion des ventes. Et, surtout, de toujours demander à leurs clients:

«Comment en êtes-vous arrivé à réserver chez nous?»

Ainsi, chaque établissement pourrait évaluer lui-même, dans un calcul coûts/bénéfices, s'il souhaite ou non consacrer des ressources à la publicité d'influence.

On a visité «les Balkans» à Paléo
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