L'UDC empoigne une «arme de paysans»
Ce petit accessoire tout mignon pourrait devenir très tendance chez une partie des Suisses dans les prochains mois. Dimanche soir au 19h30 de Jennifer Covo, le président de l’UDC, le Schwyzois Marcel Dettling, un paysan père de trois enfants, arborait un pin’s en forme de hallebarde à la boutonnière. Le parti nationaliste veut faire de l’arme fétiche des confédérés contre les Habsbourg le symbole de l’opposition aux Bilatérales III.
Même destinée que la casquette?
En approuvant le paquet d’accords avec l’Union européenne, le reste des formations politiques fait le plus beau des cadeaux aux héritiers de Christoph Blocher: les voilà seuls à mener la mère des batailles face aux armées de Bruxelles.
La hallebarde aux couleurs du drapeau suisse sera-t-elle à l’UDC ce que la casquette rouge de Donald Trump est au camp MAGA? Le coordinateur romand du parti conservateur, Kevin Grangier, n’avait pas vu les choses sous cet angle, mais il ne dirait pas non, répond-il à watson. La hallebarde est ce bijou de la couronne helvétique sorti du musée pour les besoins de la cause.
«L'ancêtre du couteau suisse»
Kevin Grangier:
Les «juges étrangers» de 1291
Pour l’UDC, accepter les Bilatérales III reviendrait à confier les clés du pont levis aux «juges étrangers», en l’occurrence ceux de la Cour européenne de justice. Kevin Grangier tient à le rappeler:
«Une arme de paysans, redoutable»
Sur un plan militaire, «la hallebarde fut en usage sur les champs de bataille du 11e siècle, lorsqu’elle apparut sous sa forme la plus sommaire, au 16e siècle», rapporte le colonel Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.
Autre certitude:
Courage et modestie
Pour être redoutable, «la hallebarde n’en était pas moins, à ses débuts, une arme rustique de paysans, facile à faire, dès lors qu’on savait fabriquer un marteau, une pioche ou une fourche», explique Alexandre Vautravers. Vers la fin, elle devint une arme d’apparat. Elle équipe toujours les gardes suisses du Vatican.
L’historien de la politique suisse Olivier Meuwly ne dit pas autre chose qu’Alexandre Vautravers, lorsqu’il présente la hallebarde «à la fois comme le symbole de la détermination des confédérés à se battre pour leur indépendance et comme le symbole de la modestie suisse».
Bref, la hallebarde incarnerait ce génie helvétique cultivé entre autres par l’UDC.
Le nom d'un média aux relents antisémites
Soit, mais en faisant son emblème contre les Bilatérales III, le parti blochérien prend-il un risque politique? La Hallebarde est le nom d’un «média satirique» aux relents antisémites et racistes.
«A l’époque, ajoute Olivier Meuwly, le PAI, le Parti des paysans, artisans et indépendants, qui allait devenir l’UDC, condamnait d’ailleurs l’exploitation politique de l’image de la hallebarde par ces groupes frontistes.»
Pour l’historien de la politique suisse, «la hallebarde n’a plus aujourd’hui de connotation guerrière, elle est devenue un symbole». «Mais à force de jouer avec de tels symboles, difficile de ne pas apparaître, si l’on n’y prend garde, comme un parti extrémiste», estime Olivier Meuwly.
«Une attitude pas démocratique»
Kevin Grangier, l’homme de la liaison idéologique entre l’UDC alémanique et romande, ne pense pas que le recours au symbole de la hallebarde puisse «se retourner» contre son parti.
La hallebarde est d’abord un symbole militaire. Elle figura longtemps sur l’emblème de l’état-major de l’armée et du service d’information du Département de la défense, rappelle le colonel Alexandre Vautravers. Avec son pin’s rouge marqué de la croix suisse, l’UDC entend lui donner un coup de jeune.
