La présidente de la Confédération Viola Amherd devrait envoyer les invitations à la conférence de paix sur l'Ukraine aux présidents du monde entier dans les jours qui viennent. Celle-ci aura lieu les 15 et 16 juin au Bürgenstock, sur un sommet avec vue sur le lac des Quatre-Cantons.
Certains détails importants sont en train d'être fignolés. L'invitation sera signée uniquement de la Suisse et pas au nom de l'Ukraine, par exemple. C'est aussi une manière de rassembler un maximum de participants autour de la table. Car Viola Amherd et Ignazio Cassis, ministre des Affaires étrangères, ont souligné à plusieurs reprises que la conférence ne sera réussie que si les chefs d'Etat de pays qui ne sont pas alignés sur la position occidentale en Ukraine y participent.
Lorsque le sommet a été convenu en janvier à Berne, il était surtout question de la Chine, de l'Inde, de l'Afrique du Sud, du Brésil et de l'Arabie saoudite. Le but étant que le plus grand nombre possible de pays du Sud global s'y joigne. Or, rares sont les présidents de pays proches de la Russie qui se rendraient en Suisse si le nom de Volodymyr Zelensky figure sur l'invitation.
Les efforts déployés pour attirer des pays non occidentaux se reflètent également dans le programme de la conférence, qui a récemment été révélé. Les débats au Bürgenstock devraient être centrés autour de trois thèmes:
Il apparaît toutefois, à la lecture de ces trois points, que les sujets particulièrement brûlants ne seront probablement pas abordés au Bürgenstock — ou seulement en coulisses. Parmi elles: des garanties sur la sécurité, la création d'un tribunal de guerre ou le retrait des troupes russes ne sont pas à l'ordre du jour. On ne parle même pas d'un possible traité de paix.
Dans une interview accordée lundi, Volodymyr Zelensky a laissé entendre que le sommet en Suisse aboutira à un résultat dans «au moins trois domaines». Il s'agirait des trois points mentionnés précédemment, et évoqués par le secrétaire d'Etat suisse Alexandre Fasel dans une interview accordée à la NZZ am Sonntag.
Kiev a donc manifestement renoncé à son exigence de suivre un plan en dix points pour la paix en Ukraine. Celui-ci prévoyait le retrait complet de la Russie et le paiement de réparations.
On peut y voir une concession à la stratégie de Viola Amherd et d'Ignazio Cassis. Ces derniers affirment le sommet au Bürgenstock a pour but de lancer un processus de pacification, mais pas de négocier la paix à proprement parler.
D'autres initiatives en faveur de ce processus devraient entourer les discussions du sommet, pour autant qu'elles soient conformes à la Charte de l'ONU et au droit international. Depuis le début de la guerre, toute une série de propositions a été faite par plusieurs Etats africains, la Chine et la Turquie.
La dissension entre les attentes de l'Ukraine et ce que la Suisse peut proposer lors de ce sommet se reflète également dans sa désignation officielle. En anglais, il s'agit du «Summit on Peace in Ukraine» (Sommet pour la paix en Ukraine), qui est aussi la formulation utilisée par Zelensky. En Suisse, il est plus modestement question de «Conférence de haut niveau pour la paix en Ukraine».
Il s'agit désormais de voir comment les pays réagiront aux invitations envoyées par Viola Amherd, en fonction du programme du sommet. Les pays occidentaux, en particulier ceux de l'UE et de l'Otan, devraient selon toute vraisemblance être représentés sur les bords du lac des Quatre-Cantons. Le président américain Joe Biden se rendra-t-il directement en Suisse après le sommet du G7 en Italie? Cela se décidera peut-être à la dernière minute.
La participation de la Chine, partenaire importante de Vladimir Poutine, est particulièrement importante. Si celle-ci a bien des chances d'être présente, le signal diplomatique envoyé se fera via l'importance de son émissaire. La présence de son ministre des Affaires étrangères représenterait un fort succès. Le cas échéant, l'Empire du Milieu devrait envoyer un délégué.
Dans tous les cas, il n'est pas certain que le nombre de 140 pays participants évoqué en janvier soit atteint. Zelensky parle même plutôt de «d'un peu plus de 80 pays».
Sans surprise, la Russie a commencé à faire du lobbying contre la conférence. Car un échec diplomatique au Bürgenstock serait un succès pour Moscou. Dans ce contexte, le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov a récemment directement visé la Suisse:
«Il est très étrange que la Suisse ait ouvert en grand ses portes de manière si hospitalière, dans l'espoir qu'elle puisse continuer à jouir de sa réputation de médiatrice», a-t-il déclaré. Ce qui est clair, c'est que la Russie a officiellement fait part de son désintérêt depuis longtemps et ne sera pas présente.
Le gouvernement ukrainien travaille déjà à l'organisation d'un sommet de suivi, qui devrait avoir lieu en dehors de l'Europe. Il n'est pas encore possible de dire si ce sommet aura lieu cette année et s'il impliquera Moscou.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci