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L'Unil a mandaté des agents privés aux méthodes problématiques

L'université de Lausanne a engagé une société de sécurité privée
Des étudiants de l'Unil disent avoir été pris en photos par des inconnus qui se sont avérés être des agents de sécurité d'une société privéeImage: watson

L'Unil a mandaté des agents privés aux méthodes «problématiques»

Des étudiants de l'Unil racontent avoir été pris en photos par des agents de sécurité privés durant la grève du 4 décembre dernier dans le bâtiment Geopolis. L'université de Lausanne s'explique.
15.12.2025, 05:3315.12.2025, 05:33

Jeudi 4 décembre, alors que watson effectuait un reportage sur la grève des étudiants et des employés de l’Unil, nous avons été alertés par plusieurs étudiants qui nous ont raconté avoir été pris en photo par deux inconnus.

«C'est Bigflo et Oli», lançait un étudiant en désignant du regard deux hommes se tenant côte à côte à l’entrée du bâtiment Géopolis et ressemblant, effectivement, aux deux chanteurs français.

Les étudiants ont appris que ces deux hommes en civil travaillaient pour une société de sécurité privée mandatée par l’Université de Lausanne. Plus tôt dans la journée, watson avait remarqué leur comportement étrange, notamment leur manière de scruter les personnes entrant dans le bâtiment, leur manque d’activité, ainsi que leurs vêtements (les bottes vous trahissent toujours, messieurs).

«Ils nous tournaient autour, nous observaient, et nous nous demandions ce qu’ils faisaient là»
Jonathan*, étudiant

Durant la matinée, les étudiants présents au piquet de grève se sont donc rapidement méfiés:

«Nous avons l’habitude de la sécurité de l’Unil, des personnes en uniforme que nous reconnaissons, avec lesquelles nous engageons la discussion sans problème, mais ces deux hommes avaient un air suspect.»
Jonathan*, étudiant

Jonathan*, étudiant en SSP, nous explique qu’aux alentours de 8 heures du matin, lors de l’arrivée des premiers étudiants de l’Unil, les deux hommes ont fait entrer le public par différents accès du bâtiment. «Dans le cadre de la grève, nous avons bloqué les accès au bâtiment. Ils faisaient entrer du monde par une porte dérobée et nous avons tenté de les en empêcher. Ils ont alors commencé à nous prendre en photo devant les barricades», explique-t-il. S’ensuit une «discussion animée» entre les étudiants et les deux inconnus.

«On leur a dit qu’ils n’avaient pas le droit de nous prendre en photo sans notre accord, et on leur a demandé d’effacer les images sur lesquelles nous figurions»
Jonathan* étudiant Unil

Les étudiants demandent alors aux deux hommes de s’identifier. Ceux-ci finissent par déclarer qu’ils travaillent pour une entreprise de sécurité privée mandatée par l’Unil. «On a exigé qu’ils suppriment toutes les photos où nous étions reconnaissables», explique Jonathan. «L’un d’eux a accepté d’effacer les photos, mais l’autre non. Nous avons alors commencé à les filmer; ils se sont énervés et ont menacé d’appeler la police.»

Selon le récit de Jonathan, c'est alors que se présentent deux agents d'Unisep, la sécurité de l'Université de Lausanne.

«On demande aux agents d'UNISEP qui sont ces types et ils nous répondent qu'ils ne le savent pas et qu'ils vont vérifier leurs dires»
Jonathan

Toujours selon Jonathan*, les deux agents d’UNISEP ont alors pris à part les deux hommes, puis sont revenus discuter avec les étudiants, expliquant qu’ils travaillaient effectivement pour une entreprise de sécurité privée et qu’ils étaient mandatés par l’Université de Lausanne.

«Les agents nous ont aussi dit qu’on n’avait pas le droit de regarder les photos sur leur téléphone, expliquant que certaines images étaient probablement privées. UNISEP nous a indiqué qu’elle se chargerait de les faire effacer.»
Jonathan*, étudiant

«Ne pas accentuer les tensions»

Contactée, l’Université de Lausanne nous confirme qu’elle a mandaté une société de sécurité privée. L'Unil explique que, parce que l’objectif de la grève annoncé était «le blocage du bâtiment» et que «cette action se trouvait en contradiction avec les exigences de sécurité du lieu», elle devait «garantir la praticabilité des voies d'évacuation ainsi que l'accessibilité aux étudiant.e.s ou collaborateurs qui désiraient s’y rendre». En résumé, les deux agents privés avaient pour mission principale la sécurité des lieux.

«Dans le souci de concilier la liberté de manifester et la sécurité, notre service de sécurité, UNISEP, a fait appel à des renforts appartenant à une société privée qui est sous contrat depuis plusieurs années. Mais le dispositif est resté en tout temps sous la responsabilité de nos collaborateurs.»
Université de Lausanne

A la question de leur présence en civil et non en uniforme, l'Unil répond:

«Les collaborateurs et collaboratrices de cette société privée intervenaient en civil afin de ne pas accentuer les tensions»
Université de Lausanne

Quant aux photographies prises par les agents de sécurité privée, l’Unil ne nie pas leur existence, mais explique que les images prises sur place avaient pour «seul but de documenter l’état du site». watson a demandé si l'une des missions des agents était de photographier des étudiants, l'Unil ne répond pas directement à la question, mais précise:

«Cette démarche répond aux procédures internes habituelles de suivi lors d’événements particuliers. L’Unil n’a pas le droit d’utiliser des images pour identifier des personnes ni de les conserver.»

La théorie et la pratique

Face à l’incompréhension des étudiants, nous avons souhaité comprendre quels étaient les enjeux de ce type d’intervention et, surtout, dans quel cadre légal s’inscrivent ces actions. Romain Riether, avocat, nous explique tout d’abord que, de manière générale, il n’y a pas d’obligation pour ces hommes de s’identifier auprès des étudiants.

Toutefois, il ajoute qu’il est légitime «que l’on s’interroge sur leur identité et que cela crée une certaine réticence». Concernant les photographies prises durant la grève, la réponse de l'avocat est sans équivoque.

«Effectivement, ces personnes n'ont pas le droit de prendre des photos de tiers. Il y a une atteinte à la personnalité»
Romain Riether, avocat

Alors que l’Unil explique que les photos prises sur place avaient pour seul but de documenter l’état du site et non d’identifier des personnes, maître Riether relève que «dans ce cadre, les étudiants sont totalement fondés à demander la suppression des photographies les concernant». Selon l’avocat, le sentiment qui émane de la réponse de l’Unil est que les hommes de l’entreprise de sécurité privée, en prenant des photos des étudiants, «ont outrepassé le mandat qui leur était donné». Pour l’avocat genevois, «c’est la manière de procéder de ces agents qui est problématique».

Romain Riether s’interroge par ailleurs quant à la réponse de l’Université de Lausanne. Il explique que si le but initial de ces hommes était de «garantir la praticabilité des voies d’évacuation», il n’est pas opportun qu’ils soient en civil et non identifiables. «Si les gens sont reconnaissables en uniforme ou autre, cela permet de justifier la tâche qu’ils accomplissent; par exemple, en cas d’évacuation d’urgence, on comprendra plus facilement leur rôle.»

Présent le jeudi 4 décembre, watson a croisé, de nombreuses fois, les deux hommes dans le bâtiment Geopolis. En début de soirée, nous leur avons demandé s'ils travaillaient à l'université, car nous souhaitions connaître l'heure de fermeture du bâtiment. Les deux hommes acquiescent, mais reconnaissent ne pas avoir ce type d'information.

Cette anecdote fait réagir maître Riether, qui y voit l'illustration d'un fossé entre la mission sécuritaire que devaient effectuer ces personnes selon l'Unil et leur méconnaissance du bâtiment:

«Si ces personnes sont là pour aider sur l’aspect sécuritaire, mais sont incapables de connaître les horaires du bâtiment, comme vous le décrivez, cela interroge; en tout cas, la question de la clarté de leur mission se pose.»
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source: clcpc
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