«Le problème, ce ne sont pas nos salaires»: On a suivi la grève à l'Unil
Jeudi 10h, une dizaine d'étudiants bloquent l'entrée du bâtiment Géopolis de l'Unil. Le mot d'ordre: ne laisser entrer personne dans l'édifice, mais proposer l'accès aux étudiants grévistes. Devant le bâtiment, certains étudiants et professeurs tentent de négocier l'accès aux locaux sans succès. «De toute façon, il y a très peu de cours aujourd'hui, car les professeurs et autres personnels de l'Unil se sont organisés en conséquence», lance une étudiante gréviste.
Les personnes qui tentent de rentrer dans le bâtiment sont redirigées à la cafétéria. Les étudiants bloqués à l'entrée ne bronchent pas.
La plupart des étudiants qui tentent d'entrer dans le bâtiment sont résignés, bien que certains disent soutenir le mouvement, ils se questionnent sur la méthode. Pour justifier la démarche, une étudiante gréviste nous explique qu'ils ont manifesté en distribuant des tracts, sans entraver les accès aux bâtiments, mais «qu'ils étaient totalement ignorés», elle poursuit:
Mathilde, assistante universitaire et salariée de l'Unil, partage cette idée: «Le seul levier que l'on a pour manifester à l'Unil ce sont les cours. Soit on refuse de les donner, soit on n'y participe pas. Que signifie une journée de blocage face à ce qui nous attend avec ces coupes budgétaires?»
«Pas pour nos salaires»
Les grévistes en sont persuadés, les coupes budgétaires sont «une attaque directe contre l'enseignement public». Alors qu'Estelle, employée administrative, tient à nous préciser que c'est la première fois qu'elle participe à une grève, Mathilde, assistante-doctorante, est mobilisée depuis trois semaines.
Pour illustrer ses arguments, Mathilde explique ce que gagnent les assistants universitaires:
La doctorante explique que «non seulement on ne fait pas assistant à l'Unil pour le salaire», mais que leur statut est aussi précaire, «l'assistanat universitaire ne fonctionne qu'en CDD, rien ne nous garantit le renouvellement de nos contrats.» Elle rappelle:
Des enseignants privilégiés?
Du côté des enseignants, on partage cette inquiétude. «Nous sommes conscients que ces mesures impacteront nos conditions de recherche, provoqueront des gels de postes d'assistants et d'enseignants, par conséquent, l'offre des cours diminuera», expliquent deux professeures grévistes à la faculté des sciences sociales et politiques.
Marc Perrenoud, maître d'enseignement et de recherche en sciences sociales, s'insurge lui aussi contre ce qu'il appelle «une attaque directe envers les conditions d'enseignement». Selon lui, les conséquences de ces coupes sont multiples, que cela soit le non-remplacement des professeurs partant à la retraite, la diminution de l'encadrement des étudiants et les non-engagements d'assistants universitaires.
Le maître d'enseignement précise que de nombreux cours sont déjà dédoublés face à l'afflux d'étudiants:
Mais les enseignants universitaires sont-ils vraiment à plaindre? A cette question volontairement provocatrice, Marc Perrenoud n'hésite pas à nous répondre: «En tant qu'enseignant, je ne milite pas pour mon salaire, je le fais pour mes étudiants et pour préserver la grande qualité de notre enseignement public».
Il poursuit: «Les coupes budgétaires sont des décisions éminemment politiques, le canton de Vaud est déficitaire depuis deux ans seulement et il a des réserves de plusieurs milliards. Comment expliquer cette attaque envers les services publics? C'est insensé.»
