Suisse
Viol

«Les viols sont punis de manière trop légère en Suisse»

«Les viols sont punis de manière trop légère en Suisse»

Même dans les cas les plus graves, les agresseurs sont généralement condamnés à quatre ans de prison. L'experte en droit pénal Anna Coninx explique ce qui doit changer.
Cet article est également disponible en allemand. Vers l'article
05.12.2021, 11:4906.12.2021, 12:07
Andreas Maurer / ch media
Plus de «Suisse»

Une femme de 33 ans rentre chez elle après une nuit de fête. Elle se fait raccompagner par deux hommes. Alors qu'elle s'apprête à leur dire au revoir devant sa porte, dans l'Elsässerstrasse à Bâle, les hommes l'attrapent. C'est le début du chaos. Le plus jeune la viole. Le plus âgé tente également de le faire, mais il n'y parvient pas tant la femme se défend. Il la force cependant à le satisfaire oralement.

Ces dernières semaines, les jugements concernant les viols ont régulièrement fait la une des journaux.
Ces dernières semaines, les jugements concernant les viols ont régulièrement fait la une des journaux. Shutterstock

Selon la Cour d'appel de Bâle, c'est ainsi que les faits se sont déroulés. L'homme le plus âgé est condamné à une peine de trois ans de prison, dont la moitié avec sursis. Il devra donc passer 18 mois en prison.

Cet été, la justification verbale du jugement a provoqué un scandale. La juge qui présidait l'audience a justifié de manière étrange une réduction de la peine. Selon elle, la victime a «joué avec le feu».

Entre-temps, le tribunal a publié la justification écrite. Elle fait plus de 70 pages et ne contient plus les formulations qui ont déclenché ce scandale.

Pourquoi les tribunaux ne sont-ils pas plus sévères ?

Anna Coninx est professeure assistante de droit pénal à l'Université de Lucerne. Elle a étudié ce verdict, qu'elle qualifie de «minutieux et compréhensible». Elle émet pourtant des critiques:

«Le véritable problème, qui ressort de manière exemplaire dans ce cas, me semble être que les viols sont en principe très légèrement punis en Suisse»

La cour d'appel de Bâle compare son jugement à d'autres cas. Il est fait mention de ce que l'on appelle un «viol à la chaîne». Trois hommes ont enlevé une femme, l'ont frappée, l'ont étranglée et l'ont forcée à prendre de la drogue. Ensuite, un des hommes l'a emmenée dans sa chambre. Les autres l'attendaient dans la cuisine. Tous les trois l'ont violée, l'un après l'autre.

Anna Coninx est professeure assistante de droit pénal à l'Université de Lucerne
Anna Coninx est professeure assistante de droit pénal à l'Université de Lucerne pd

Pour cet acte, le tribunal pénal de Bâle a estimé qu'une peine d'emprisonnement de quatre ans était justifiée.

La Cour d'appel veut dire par cette comparaison que le cas du viol à la chaîne est plus grave que celui de l'Elsässerstrasse. Une peine plus légère est donc appropriée pour ce cas.

Pour Coninx, la comparaison montre autre chose: la jurisprudence dans les jugements cités est très clémente. Selon Coninx, le cas d'un viol brutal à la chaîne, où le tribunal parle d'une «faute importante» doit être puni plus sévèrement que par quatre ans de prison. «Nous devons réfléchir très fondamentalement à notre système pénal», déclare-t-elle.

En cas de viol, la peine d'emprisonnement peut aller jusqu'à 10 ans selon la loi. Un maximum de 15 ans est possible si plusieurs auteurs sont impliqués. «Pourquoi ne pas mieux exploiter le cadre pénal dans ces cas? Nous devrions en discuter», estime-t-elle.

Des peines de courte durée

La statistique des condamnations pénales montre combien de temps les violeurs doivent aller en prison. La médiane des peines d'emprisonnement ferme est de 4,5 ans. C'est la valeur qui se situe au centre de tous les jugements. Ce chiffre ne tient pas compte des peines avec sursis et des peines avec sursis partiel, qui ne doivent pas être purgées dans un premier temps ou seulement en partie. Celles-ci durent au maximum deux ou trois ans. La plupart des jugements se situent donc dans la partie inférieure de la fourchette des sanctions possibles.

Par le passé, les peines étaient encore plus légères. Avec le temps, les tribunaux sont devenus plus sévères. Ils ont réagi à l'évolution de la société. Auparavant, un viol était plutôt considéré comme une simple infraction mineure.

La loi est également devenue plus stricte. Depuis 1992, le viol conjugal est punissable. Toutefois, ce n'est que depuis 2004 qu'il s'agit d'un délit poursuivi d'office. Les autorités de poursuite pénale doivent donc agir d'elles-mêmes lorsqu'elles ont des soupçons.

«Il faut un débat sur les peines appropriées»

Le changement social se poursuit. La révision du droit pénal en matière sexuelle est actuellement en cours.

Le problème des peines légères ne peut toutefois pas être résolu de cette manière, affirme Coninx. «Pour cela, il ne faut pas une nouvelle adaptation de la loi, mais un débat sur les peines appropriées». Malheureusement, ce débat n'est pas assez mené.

«Ce qui me dérange tout particulièrement, c'est que nous n'avons aucun scrupule à enfermer des délinquants pendant des années en internement et en mesure stationnaire en raison d'une dangerosité non prouvable, mais que nous ne parlons presque plus de peine juste», dit-elle. Les peines pourraient être mieux justifiées. Elles seraient également mieux acceptées par les personnes concernées.

Traduit de l'allemand par Nicolas Varin

Sonia Grimm, engagée contre la violence sur scène et en politique
Video: watson
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Le Conseil des Etats va statuer sur des zones sans loups
Récemment, une cinquantaine de loups ont été abattus dans le cadre des tirs préventifs de régulation des meutes dans les cantons du Valais, des Grisons, du Tessin et de St-Gall.

Les cantons devraient être autorisés à créer des zones «zéro loups». Le National a accepté mercredi par 95 voix contre 83 et 7 abstentions une motion du Centre en ce sens, contre l'avis du Conseil fédéral, de la gauche et du PVL. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

L’article