C'est un revers clair et net: la Suisse a refusé l'initiative contre l'élevage intensif à plus de 62%. Le canton de Bâle-Ville est le seul à faire exception, en ayant accepté l'initiative à 55%. Plusieurs villes suisses l'ont acceptée.
Du côté des initiants, la défaite est amère, mais on est bien conscient de l'ampleur de la bataille qui s'annonçait. Julia Huguenin, coordinatrice pour la Suisse romande de l'initiative, déclare:
Pour la coordinatrice, les sécheresses et le manque d'eau vont se multiplier les étés prochains: la question climatique n'est pas près de disparaître et la thématique de l'élevage devrait revenir sur le devant de la scène.
La campagne n'a, pourtant, pas manqué de tonus: de nombreuses vidéos ont tourné sur les réseaux sociaux, dont plusieurs «leaks» d'images tournées au sein d'élevages suisses.
La population n'est-elle donc pas sensible à la question du bien-être animal? Pour Julia Huguenin, la réponse se trouve ailleurs:
Face aux initiants et à la gauche, la droite, le Parlement et le gouvernement ont fait bloc et avancé en rangs resserrés. Les arguments des opposants, centrés fermement autour du prix de la nourriture, de la qualité de l'élevage suisse et du respect du monde paysan, ont tenu bon. Très bon, même.
Pour le conseiller national Pierre-André Page (UDC/FR), lui-même agriculteur, une telle victoire est une surprise:
Pour le Fribourgeois, ce vote clair prouve que la population soutient l'agriculture suisse et est «proche de la nature». L'agriculteur relève que le peuple ne voulait pas non plus des importations de produits en hausse qui auraient pu se produire en cas d'acceptation.
Le refus de cette initiative s'inscrit aussi dans le sillage des initiatives contre les produits phytosanitaires de juin 2021.
Une manière pour le peuple de persister et signer sur les questions agricoles. Et l'agriculteur de dénoncer une gauche qui ignore les réalités du monde paysan:
Quid des vidéos qui ont fuité et montraient des animaux entassés dans des élevages, notamment celle d'une porcherie? Pierre-André Page l'admet volontiers:
Pour l'agriculteur, il est clair que «le but des initiants était l'arrêt de la consommation de viande». Il lance une petite pique:
Alors, c'est un «viandard», Pierre-André Page? Pas vraiment, car il indique lui-même produire de l'épeautre:
Pour l'agriculteur, si changement il doit y avoir, celui-ci arrivera donc par le bas et la modification des habitudes des consommateurs:
Et si le monde paysan doit changer, ce sera par ce biais-là, indique-t-il.
Pour les partis qui ont soutenu le projet, la défaite était prévisible, mais on tient à relativiser. Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale (Verts/GE) et membre de la commission agriculture-alimentation de la Fédération romande des consommateurs, indique que cette initiative a avant tout «donné une direction»:
Alors, pour sauver la planète, faut-il purement et simplement arrêter de manger de la viande? La conseillère botte quelque peu en touche, mais réfute: «Je ne suis pas pour une interdiction, mais je remarque une prise de conscience. Il faudrait en tout cas diminuer notre consommation.» Et de compléter:
De plus, le fait que l'initiative ait porté sur plusieurs types d'élevages — bovins, porcins et de volaille — n'a pas aidé la population à se faire un avis bien informé. «Vu que l'initiative portait sur l'élevage de manière globale, c'était plus compliqué», admet la conseillère nationale.
Selon la Verte, la campagne a laissé une grande marge d'interprétation sur les chiffres et laissé entendre qu'il s'agissait d'une action contre le monde paysan, ce qu'elle réfute:
Isabelle Pasquier-Eichenberger revient tout de même sur le terrain environnemental, évoquant le dernier rapport du Giec sur le climat.
L'échec des dernières votations liées au monde agricole dénote d'un paradoxe, selon elle. Car si la gauche s'est alignée sur ces initiatives, celles-ci ne sont pas nées de partis, mais bien de particuliers. Et pour autant, il s'agit d'échecs flagrants dans les urnes.