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Votations 2022

Elevage intensif: les résultats de la votation font réagir

Elevage intensif: les résultats de la votation font réagir
Pierre-André Page et Isabelle Pasquier-Eichenberger réagissent aux résultats de la votation sur l'élevage intensif.keystone (montage watson)

«Tout le monde ne veut pas manger que de l'épeautre et du quinoa»

L'initiative contre l'élevage intensif a été refusée par le peuple en bonne et due forme. Même les opposants se disent surpris par l'ampleur du résultat. Chez les partisans, on est toutefois certain que les thématiques agricoles, intrinsèquement liées à l'environnement, vont revenir sur le devant de la scène.
25.09.2022, 19:0326.09.2022, 11:26
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C'est un revers clair et net: la Suisse a refusé l'initiative contre l'élevage intensif à plus de 62%. Le canton de Bâle-Ville est le seul à faire exception, en ayant accepté l'initiative à 55%. Plusieurs villes suisses l'ont acceptée.

Du côté des initiants, la défaite est amère, mais on est bien conscient de l'ampleur de la bataille qui s'annonçait. Julia Huguenin, coordinatrice pour la Suisse romande de l'initiative, déclare:

«Cette campagne, c'était un peu David contre Goliath. Nous avions un rouleau compresseur en face de nous, notamment avec les milieux économiques»
Julia Huguenin, coordinatrice de l'initiative

Une thématique boomerang

Pour la coordinatrice, les sécheresses et le manque d'eau vont se multiplier les étés prochains: la question climatique n'est pas près de disparaître et la thématique de l'élevage devrait revenir sur le devant de la scène.

«De gré ou de force, il faudra réagir. Il ne faut pas se leurrer: ces débats vont encore avoir lieu dans le monde de l'agriculture»
Julia Huguenin, coordinatrice de l'initiative

La campagne n'a, pourtant, pas manqué de tonus: de nombreuses vidéos ont tourné sur les réseaux sociaux, dont plusieurs «leaks» d'images tournées au sein d'élevages suisses.

La population n'est-elle donc pas sensible à la question du bien-être animal? Pour Julia Huguenin, la réponse se trouve ailleurs:

«Beaucoup de personnes ont voté sans avoir vu ces images. D'autres sont dans le déni. Ce sont des réactions humaines, des réactions de protection»
Julia Huguenin, coordinatrice de l'initiative

Les milieux agricoles satisfaits

Face aux initiants et à la gauche, la droite, le Parlement et le gouvernement ont fait bloc et avancé en rangs resserrés. Les arguments des opposants, centrés fermement autour du prix de la nourriture, de la qualité de l'élevage suisse et du respect du monde paysan, ont tenu bon. Très bon, même.

Pierre-Andre Page, SVP-FR, spricht zur Bundespraesidentin, an der Sommersession der Eidgenoessischen Raete, am Dienstag, 13. Juni 2017 im Nationalrat in Bern. (KEYSTONE/Alessandro della Valle)
Pierre-André Page.Image: KEYSTONE

Pour le conseiller national Pierre-André Page (UDC/FR), lui-même agriculteur, une telle victoire est une surprise:

«Je ne m'attendais pas à un résultat aussi massif»
Pierre-André Page, conseiller national (UDC/FR)

Pour le Fribourgeois, ce vote clair prouve que la population soutient l'agriculture suisse et est «proche de la nature». L'agriculteur relève que le peuple ne voulait pas non plus des importations de produits en hausse qui auraient pu se produire en cas d'acceptation.

«Les gens ont compris les enjeux. La population n'a pas voulu de ces initiatives extrêmes liées à la gauche et aux Verts»
Pierre-André Page, conseiller national (UDC/FR)

Le refus de cette initiative s'inscrit aussi dans le sillage des initiatives contre les produits phytosanitaires de juin 2021.

Une manière pour le peuple de persister et signer sur les questions agricoles. Et l'agriculteur de dénoncer une gauche qui ignore les réalités du monde paysan:

«A Berne, avec la vague verte de 2019, de nouveaux parlementaires sont arrivés avec l'impression de connaître l'agriculture. Mais ils ne sont pas au courant de notre façon de travailler. Il faudrait qu'ils se rapprochent des éleveurs.»
Pierre-André Page, conseiller national (UDC/FR)

Epeautre et quinoa

Quid des vidéos qui ont fuité et montraient des animaux entassés dans des élevages, notamment celle d'une porcherie? Pierre-André Page l'admet volontiers:

«C'est vrai, il y a des abus. Mais il ne faut pas en faire une généralité»
Pierre-André Page, conseiller national (UDC/FR)

Pour l'agriculteur, il est clair que «le but des initiants était l'arrêt de la consommation de viande». Il lance une petite pique:

«Tout le monde ne veut pas manger que de l'épeautre et du quinoa...»
Pierre-André Page, conseiller national (UDC/FR)

Alors, c'est un «viandard», Pierre-André Page? Pas vraiment, car il indique lui-même produire de l'épeautre:

«Je produis de l'épeautre depuis quatre ou cinq ans. C'est un produit apprécié par les consommateurs. J'ai un collègue qui a planté du quinoa et cela fonctionne bien, il me dit qu'il y a un marché»
Pierre-André Page, conseiller national (UDC/FR)

Pour l'agriculteur, si changement il doit y avoir, celui-ci arrivera donc par le bas et la modification des habitudes des consommateurs:

«Le monde agricole produit ce que les consommateurs désirent manger»
Pierre-André Page, conseiller national (UDC/FR)

Et si le monde paysan doit changer, ce sera par ce biais-là, indique-t-il.

La consommation de viande en question

Pour les partis qui ont soutenu le projet, la défaite était prévisible, mais on tient à relativiser. Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale (Verts/GE) et membre de la commission agriculture-alimentation de la Fédération romande des consommateurs, indique que cette initiative a avant tout «donné une direction»:

«J'espère qu'elle a provoqué une prise de conscience sur la consommation individuelle de viande»
Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale (Verts/GE)
Isabelle Pasquier-Eichenberger, Nationalraetin GP-GE, spricht waehrend der Medienkonferenz zur Lancierung der Klimafonds-Initiative der Gruenen und SP, am Dienstag, 6. September 2022, in Bern. (KEYSTO ...
Isabelle Pasquier-Eichenberger.Image: KEYSTONE

Alors, pour sauver la planète, faut-il purement et simplement arrêter de manger de la viande? La conseillère botte quelque peu en touche, mais réfute: «Je ne suis pas pour une interdiction, mais je remarque une prise de conscience. Il faudrait en tout cas diminuer notre consommation.» Et de compléter:

«La commission fédérale de la nutrition indique que manger trois fois de la viande par semaine suffit»
Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale (Verts/GE)

Le refus des initiatives agricoles, un paradoxe?

De plus, le fait que l'initiative ait porté sur plusieurs types d'élevages — bovins, porcins et de volaille — n'a pas aidé la population à se faire un avis bien informé. «Vu que l'initiative portait sur l'élevage de manière globale, c'était plus compliqué», admet la conseillère nationale.

Selon la Verte, la campagne a laissé une grande marge d'interprétation sur les chiffres et laissé entendre qu'il s'agissait d'une action contre le monde paysan, ce qu'elle réfute:

«Le monde agricole s'est senti victime de beaucoup d'attaques, mais ce n'était pas le cas»
Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale (Verts/GE)

Isabelle Pasquier-Eichenberger revient tout de même sur le terrain environnemental, évoquant le dernier rapport du Giec sur le climat.

«Ces initiatives sont issues de la société civile. Il y a une préoccupation de la population sur ce qu'elle mange et son impact sur l'environnement»
Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale (Verts/GE)

L'échec des dernières votations liées au monde agricole dénote d'un paradoxe, selon elle. Car si la gauche s'est alignée sur ces initiatives, celles-ci ne sont pas nées de partis, mais bien de particuliers. Et pour autant, il s'agit d'échecs flagrants dans les urnes.

élevages intensifs: nouvelles vidéos de Greenpeace
Video: watson
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