La Suisse tient son plan pour atteindre la neutralité carbone dès 2050. Deux ans après le rejet de la loi sur le CO₂, le peuple a dit «oui» dimanche à la loi sur la protection du climat à 59,1%. Pour rappel, le texte soumis au vote pour la loi CO₂, en 2021 fonctionnait selon un principe simple: «les comportements respectueux du climat se révèlent payants. Les personnes qui génèrent peu de CO2 en tirent un avantage financier, alors que celles qui en génèrent beaucoup paient davantage», expliquait alors la Confédération.
Qu'est-ce qui a changé en deux ans? C'est la question que l'on a posée au politologue Urs Bieri codirecteur de l'institut de recherche gfs.bern. Il décrypte avec nous ce résultat.
59% de oui pour la loi sur la protection du climat. C'est très net. Etes-vous surpris?
Urs Bieri: Non, cela correspond relativement bien aux attentes. Le taux d'approbation n'a cessé de diminuer au cours des derniers mois pour finalement atteindre 59%.
La différence avec la loi sur le CO₂, qui n'avait été approuvée qu'à 48% il y a deux ans, est frappante. Comment l'expliquez-vous?
La progression du «non» a été pratiquement la même, mais à un niveau différent. Il y a deux ans, les opposants ont démarré avec environ 10% de par rapport à cette fois-ci. Mais la participation au scrutin joue également un grand rôle.
De quelle manière?
Le taux de participation est la grande surprise du week-end. Avec environ 42%, la participation est faible, bien que les projets Covid et de protection du climat aient un potentiel de mobilisation.
Il y a deux ans, lors du vote sur la loi CO₂, le taux de participation était nettement plus élevé (59%)...
Cela confirme que les enjeux agricoles qui ont été soumis au vote en même temps que la loi sur le CO₂ ont été des facteurs déterminants. Il y a deux ans, il y a eu une mobilisation unilatérale importante des régions rurales. Une grande partie de ces personnes a voté contre la loi sur le CO₂. C'est la grande différence avec ce dimanche. Il est intéressant de regarder les cantons dans ce contexte.
Que peut-on observer?
Il y a deux ans, les cantons du Valais et du Jura, à dominante agricole, ont voté non à la loi sur le CO₂ en raison de la surmobilisation. Cette fois-ci, les deux cantons ont clairement été favorables à la loi sur le climat.
Peut-on parler d'un revers pour l'UDC? Le parti s'est fortement engagé en faveur du non à la loi sur la protection du climat.
Les moyens engagés par l'UDC ont été considérables. On voit rarement cela dans la lutte contre un projet des autorités.
Comment jugez-vous le rôle d'Albert Rösti qui, en tant que conseiller fédéral UDC, a dû faire campagne pour le oui?
Il n'aura pas causé beaucoup de dommages dans l'électorat UDC. En même temps, son engagement n'a pas été un élément déterminant pour le oui dans les urnes. Son mandat a été trop court pour cela.
A-t-il réussi à faire la part des choses?
Il a accepté son nouveau rôle et l'a rempli. D'autres élus, dans le même rôle, n'en ont pas fait autant.
Selon les sondages, les Verts devraient subir des pertes importantes lors des élections de cet automne. Après ce oui à la loi sur la protection du climat, les choses vont-elles changer?
Après ce vote, nous savons où se situent les limites d'une protection du climat susceptible de recueillir une majorité. La population rejette les interdictions et les coûts fortement ressentis individuellement. Elle dit oui à l'innovation et aux subventions.
On ne peut donc pas dire que les chances électorales des Verts aient changé après le résultat d'aujourd'hui.
Y a-t-il d'autres enseignements à tirer pour l'automne électoral?
Indirectement, oui. Du point de vue des autorités, nous avons eu une législature très mitigée. Entre 2020 et 2022, les autorités ont essuyé quelques défaites cuisantes, notamment en ce qui concerne la loi sur le CO₂, l'impôt anticipé ou le droit de timbre. Aujourd'hui, la tendance s'inverse de nouveau. Dimanche, les électeurs ont confirmé à trois reprises les orientations des autorités. Ce n'est certainement pas un mauvais signe pour les partis assis au Conseil fédéral.
Le PS a enregistré une nette défaite sur l'impôt minimum de l'OCDE. Comment l'analysez-vous?
La force du oui au projet est aussi remarquable. Le sujet aurait, toutefois, eu le potentiel pour une alliance «contre-nature» contre lui. En effet, des critiques ont été émises par l'UDC en matière de souveraineté fiscale. Mais au final, les socialistes se sont retrouvés seuls à dire non et ont mené une campagne en relative retenue. La base du parti était divisée.
Le PS perd-il ainsi la crédibilité qu'il a acquise ces dernières années sur les questions fiscales?
Non. Avec l'impôt anticipé et le droit de timbre, le PS a deux grands trophées politiques à son actif. Il a ainsi montré qu'il est une puissance de veto lorsqu'il s'agit d'allégements fiscaux.
Encore un mot sur la loi Covid-19. Les opposants vont-ils maintenant disparaître de la scène?
Nous ne pouvons pas l'assurer. Nous avons constaté le même résultat pour les trois projets de loi Covid. Le oui se situait quelque part entre 60 et 62%. Une nette majorité a confirmé la position des autorités. Cependant, pour les 38% qui ont voté non, la question n'est pas close. Beaucoup de ces personnes ont été politisées durablement pendant le Covid-19 et elles veulent maintenant être élues dans les différents parlements. Ces gens veulent continuer d'exercer une influence politique en tant que force corrective. On peut, toutefois, discuter de leur pertinence. Lorsque l'on perd trois fois avec exactement le même sujet, il est clair que la majorité de la population ne soutient pas votre position.
Traduit et adapté de l'Allemand par Nicolas Varin