Dans Harry Potter comme dans la vie, il est bon de se rappeler que les mots ont du pouvoir. Certaines phrases créent directement du réel: «Je vous déclare mari et femme», «Je déclare cette séance ouverte». Mais il y a aussi les annonces qui ont potentiellement des effets marquants sur leurs destinataires: ce sont des promesses, des aveux... ou des mea culpa.
Regardons la situation actuelle de la Suisse telle qu'elle est. Sur une échelle de plusieurs décennies, jamais le pays n'aura été autant divisé sur des questions de principes fondamentaux (libertés individuelles) ou institutionnels (puissance de l'Etat central) qu'avec le Covid. La crise sanitaire, on l'a souvent rappelé, s'est accompagnée d'une crise économique, puis politique, et enfin sociale de manière générale.
Or, au-delà des querelles entre les pro-gouvernement et les anti-système, se traitant respectivement de «moutons» et de «complotistes», et outre les cinquante nuances de positionnements des citoyens qui ne se reconnaissent ni dans un camp ni dans l'autre, il y a un plan sur lequel la Confédération n'a pas brillé dans sa gestion de la crise, de l'avis de la plupart des observateurs: la communication. Que l'OFSP daigne enfin s'exprimer sur les maladresses de sa communication, justement, est une bonne nouvelle.
Mais celle-ci, en quelque sorte, arrive un peu tard. Et elle concerne une futile erreur de mathématiques, dans le calcul du nombre de contaminations au Covid. Il y en aurait eu, des occasions plus importantes de reconnaître publiquement des manquements: l'affaire des masques, bien sûr, présentés dans un premier temps comme étant inutiles, puis érigés en mesure phare de la protection contre le virus. Puis, d'autres incohérences ou confusions.
Les enfants, par exemple. Longtemps, les autorités ont dit et répété que les bambins n'étaient pas concernés par le virus, qu'ils ne risquaient rien et qu'ils ne le transmettaient pas à leur entourage. Aujourd'hui, nos chères têtes blondes se retrouvent brutalement propulsées au cœur de la pandémie. Et personne à l'OFSP n'est venu reconnaître ouvertement que, peut-être, ils avaient pu mal évaluer la situation.
Car les explications sont nombreuses. Autant que les griefs à l'encontre des principaux concernés: manque d'anticipation, peur de la réaction des cantons ou de la population, amateurisme... Sans doute la vérité tient-elle en un peu de tout cela. Mais peu importe, au fond. Cette crise, on le sait, est un long fleuve incertain. Cela ne devrait pas empêcher nos experts et autorités de soigner leur discours. Et de nous parler comme à des adultes. S'excuser, reconnaître des ratés fait partie de ce travail. Au moins une fois, une bonne fois.
Une allocution officielle de la Confédération, engageant à la fois le Conseil fédéral et ses services et experts au front contre le Covid, qui permette de reconnaître en une fois toute une série d'erreurs ou de maladresses: «Sur ces éléments, nous n'avons pas été très bons et nous nous en excusons.» Voilà ce qu'il aurait fallu – et donc qu'il faudra – mettre en place en laissant tomber cette fausse modestie «On fait du mieux qu'on peut» si propre à la Suisse que nous n'aimons pas.
Que le pragmatisme soit écarté juste un jour pour lui préférer un peu de spectacle et d'humanité, que diable! C'est à ce prix que les citoyens les plus sceptiques retrouveront, peut-être, confiance dans leurs autorités. En tapant «excuses gestion Covid» dans Google Actualités, en Suisse, on ne tombe que sur Boris Johnson ou Emmanuel Macron. Rien sur Alain Berset. Eclairant, non?