La Poste suisse, reconnaissable à son emblématique jaune, agite depuis quelques années le débat public. De plus en plus de critiques soupçonnent l’entreprise publique d’utiliser les recettes issues de son monopole sur le courrier pour financer des activités déficitaires sans lien avec son cœur de métier. Ce que La Poste réfute catégoriquement.
Le Contrôle fédéral des finances livre aujourd’hui ses premières conclusions sur cette question politiquement explosive. Des conclusions qui ne satisfont ni les détracteurs de La Poste, ni l’entreprise elle-même. Car les experts sont formels: il est impossible d’apporter une réponse définitive. Et ce flou ne vient pas de La Poste, mais d’une législation insuffisamment précise.
En d'autres termes, la Poste a certes pu prouver qu'elle «respecte l'interdiction des subventions croisées» conformément à la loi et a ainsi passé avec succès l'examen du Contrôle fédéral des finances. Mais elle n'est pas pour autant tirée d'affaire. En effet, les contrôleurs demandent maintenant aux instances compétentes, et en particulier au département du ministre de la Poste Albert Rösti, d'améliorer les règles du jeu en matière de surveillance dans ce domaine. Car, à l'heure actuelle, «le risque d'une utilisation non conforme au but» du bénéfice du monopole des lettres «ne peut pas être totalement exclu», indique le rapport qui vient d'être publié.
Aujourd'hui, la Confédération regarde en premier lieu les coûts et les prestations, explique l'auditrice du Contrôle fédéral de finances, Prisca Freiburghaus.
C'est pourquoi, selon le rapport du CDF, la surveillance devrait à l'avenir se concentrer davantage sur «la manière dont les moyens financiers des sociétés du groupe postal sont générés ou utilisés». Il suggère en outre d'adapter les bases légales de manière à simplifier les «preuves de respect de l'interdiction des subventions croisées» et de les baser sur des instruments financiers et de gestion d'entreprise courants. En d'autres termes, le Contrôle des finances exige des règles du jeu plus strictes.
La Poste suisse, en revanche, n'apprécie pas du tout cette situation: «Avec une interprétation plus stricte de l'interdiction des subventions croisées», la Poste risque de «restreindre de manière injustifiée sa liberté d'entreprise», affirme-t-elle dans une prise de position sur le rapport d'examen. La définition actuelle de l'interdiction de subventionnement croisé s'appuie «sur les usages internationaux», est scientifiquement fondée et incontestée dans la pratique réglementaire, soutient-elle.
Et pour la Poste, le plus important est qu'elle respecte formellement les critères actuellement en vigueur, comme l'admet le rapport d'audit des contrôleurs fédéraux. Comme elle est dans le rouge dans certaines de ses activités en dehors du service postal universel – en particulier dans certaines activités numériques controversées –, elle ne peut pas s'en tirer avec une preuve globale.
C'est pourquoi elle doit présenter à l'autorité de surveillance Postcom non seulement des preuves individuelles, mais aussi, depuis 2019, un compte hypothétique concernant les activités liées au monopole des lettres.
Les recettes provenant du monopole des lettres jusqu'à 50 grammes sont comparées aux dépenses qui en découlent, c'est-à-dire aux coûts proportionnels des bureaux de poste, des centres de tri et des facteurs pour ces mêmes lettres de monopole. Sans surprise, il en résulte un déficit. En 2023, la perte s'élève à 297 millions de francs. La Poste remplit ainsi sa preuve de respect de l'interdiction des subventions croisées:
En revanche, si on intègre le bénéfice, La Poste a réalisé en 2023 un bénéfice de 134 millions de francs avec son monopole sur les lettres; au bout du compte – par exemple après déduction du réseau postal déficitaire – il reste un plus de 70 millions de francs pour les prestations relevant du service universel. Et Prisca Freiburghaus, l'experte du Contrôle fédéral des finances, pointe ceci:
Autant la Poste que ses opposants devraient se sentir confortés dans leurs hypothèses par le rapport du CDF. La dispute sur la question de savoir ce que La Poste a le droit de faire ou non entre ainsi dans une nouvelle phase.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci