Voici ce qui rend votre café amer
Parmi les moteurs de l'économie mondiale, il y a le pétrole et le café, pourrait-on penser. La caféine, quant à elle, constitue le carburant du capitalisme, boostant les performances des ouvriers et des employés. Cette boisson fait bien souvent partie du quotidien. On estime que 30 à 40% de la population mondiale en consomme tous les jours. En Suisse, selon les chiffres de 2021, cela représente 1069 tasses par habitant et par an. Pas étonnant que le café crème national représente un tiers de toutes les commandes des restaurants helvétiques.
La Suisse joue par ailleurs un rôle primordial: 70 à 80% des flux mondiaux de matière première passent par notre pays. Et quand bien même on ne peut pas cultiver ici les précieux grains, ce petit pays demeure le premier exportateur de café torréfié: la valeur des exportations atteint près de 3,5 milliards de francs par an. Sur les quelque 125 millions de personnes dans le monde dont les revenus dépendent du café, quelques-unes vivent également en Suisse.
La grande majorité habitent en revanche dans les régions de culture. Il s'agit pour beaucoup de petits agriculteurs – qui produisent 80% du café mondial –, soumis aux caprices du marché. Seuls 7% environ du prix de vente final finissent dans leurs poches. Leurs récoltes dépendent en outre fortement des conditions météorologiques et le changement climatique leur cause de plus en plus de difficultés. Les plantations entraînent souvent la déforestation de la forêt tropicale, détruisant ainsi l'habitat d'espèces animales et végétales menacées. Voici qui soulève donc inévitablement la question de l'équité et de la durabilité.
Zones de culture et de production du café
Le caféier est une plante délicate qui ne pousse que dans certaines conditions climatiques: il apprécie l'alternance d'humidité et de sécheresse, sans températures extrêmes, mais avec suffisamment de précipitations. On le trouve par conséquent dans la «ceinture du café», autour de l'équateur, dans les pays du Sud.
En 2023, ces pays ont produit environ 11,1 millions de tonnes de café vert, dont la part du lion, soit 30,8% de la récolte, revenait au Brésil. Autres producteurs principaux: le Vietnam (17,7%) et l'Indonésie (6,8%). Près de la moitié de tous les grains (41%) sont produits en Amérique du Sud, un bon quart (27%) en Asie du Sud-Est. L'Afrique (17%) et l'Amérique centrale (10%) se partagent la quasi-totalité du reste.
Pour la récolte 2025/26, le Foreign Agriculture Service prévoit une production record de 178,68 millions de sacs de 60 kg, soit 2,5% de plus que l'année précédente. Pour l'année en cours, le chiffre d'affaires devrait atteindre 11,77 milliards de dollars, les Etats-Unis constituant le plus grand marché individuel avec un volume prévisionnel de 2,88 milliards de dollars, devant l'Allemagne, la France, l'Italie et la Belgique.
Optez pour Fairtrade!
En choisissant le café labellisé Fairtrade, vous contribuez entre autres au respect du prix minimum et des primes Fairtrade. Cela offre une plus grande stabilité financière aux petits agriculteurs du monde entier. Traquez donc Fairtrade la prochaine fois que vous ferez les courses!
Plus d'infos sur le café équitable
Equité
Le secteur se caractérise par des déséquilibres considérables: entre grandes entreprises et petits agriculteurs, entre le commerce et les producteurs. Une poignées de firmes contrôlent à elles seules 85% du marché, disposant ainsi d'un pouvoir énorme. Comme elles achètent en très grandes quantités, elles peuvent largement fixer les prix, tandis que les petits agriculteurs n'ont aucune marge de manœuvre, car leur existence dépend de la vente de leur production. Ils ne reçoivent donc qu'une infime partie du prix de vente final. Au moins 5,5 millions de caféiculteurs vivent ainsi sous le seuil de pauvreté de 3,20 dollars par jour.
De plus, comme d'autres matières premières, le café est un objet de spéculation très prisé en bourse en raison de sa forte volatilité. Celle-ci s'explique par des fluctuations de récoltes et de la demande ainsi que par des situations d'instabilité politique. Le volume de ces transactions spéculatives - sous forme de ce qu'on appelle des contrats à terme sur matières premières - dépasse jusqu'à dix fois la valeur réelle du café. Il n'est donc pas rare que les prix varient de 50% ou plus en peu de temps. Ces mouvements ont généralement un impact à moyen terme seulement sur le prix final payé par les consommateurs.
Pour éviter que cela ne pénalise les petits agriculteurs, des labels tels que Fairtrade ont été introduits. L'objectif: garantir des prix minimums pour le café vert. D'autres mesures ont été proposées, la promotion du commerce direct en contournant la bourse et la réglementation légale des chaînes d'approvisionnement notamment. A cela s'ajoutent les efforts visant à faire respecter les normes internationales du droit du travail, car le travail des enfants, par exemple, joue souvent un rôle peu glorieux dans la production.
Un pas vers l'équité, même si cela ne permet pas d'éliminer la répartition fondamentalement inégale du pouvoir. Malgré sa part de marché croissante, notamment en Suisse, le commerce équitable ne peut à lui seul empêcher que la majeure partie de la valeur ajoutée reste dans les pays consommateurs.
Durabilité
On associe souvent la culture du café à des dommages environnementaux et elle subit le changement climatique de plein fouet. La production consomme beaucoup d'eau, environ 250 litres par tasse selon les données du Water Footprint Network. La majeure partie de cette eau provient cependant de sources naturelles, telles que la pluie. L'utilisation de pesticides, qui polluent les sols et les nappes phréatiques, est plus problématique. Rien qu'au Brésil, environ 38 000 tonnes de pesticides sont utilisées chaque année pour cette culture.
A cela s'ajoute le fait que l'on plante régulièrement sur des terres issues de la déforestation de la forêt tropicale. Or, ces sols ne sont exploitables que pendant quelques années, après quoi ils s'épuisent et ne peuvent plus être reboisés. En outre, la déforestation libère le CO₂ stocké et détruit l'habitat de la faune et de la flore, et ce précisément dans des zones appelées «hot spots» de biodiversité. Les monocultures aggravent encore l'extinction des espèces; elles rendent également les écosystèmes plus vulnérables aux parasites et aux agents pathogènes.
A partir de fin 2025, la culture sur des sols issus de la déforestation ne sera toutefois plus autorisée. Du moins pour le café exporté vers l'Europe.
Les défis liés au réchauffement climatique prennent, quant à eux, de l'ampleur. La hausse des températures, les sécheresses et les fortes pluies entraînent déjà des pertes de récoltes. Car les caféiers, très sensibles, ont besoin d'un climat tropical stable. Les experts craignent que plus de la moitié des surfaces cultivées actuelles ne disparaissent d'ici 2050.
Il est donc important de produire de manière durable. Plusieurs possibilités existent pour limiter l'impact sur l'environnement. L'utilisation de résidus végétaux compostés comme engrais permet par exemple de diminuer le recours aux engrais chimiques. L'aménagement de plantations en pente ou en terrasses permet, lui, de réduire l'ensoleillement des plantes. Cela permet également la création de réservoirs pour l'eau de pluie.
On peut également réguler l'ensoleillement grâce à une méthode encore couramment répandue il y a 100 ans dans la culture du café. Elle a pourtant été reléguée depuis au second plan en raison de la technicisation croissante des cultures: l'utilisation d'arbres d'ombrage protège non seulement les caféiers du soleil, mais améliore également le rendement. Les bananiers, les pamplemoussiers ou les avocatiers apportent de l'ombre. L'eucalyptus, l'ananas ou la papaye aussi. Tous améliorent également le microclimat de la plantation, augmentent l'humidité du sol et empêchent l'érosion par le vent et la pluie. De plus, ils protègent les caféiers du gel nocturne et favorisent la biodiversité.
Les consommateurs devraient se soucier davantage de la durabilité de leur café: la réduction prévue des surfaces cultivées devrait entraîner à long terme des pénuries et une forte hausse des prix.
Seul un café sur cinq issu du commerce équitable
Le café Fairtrade existe depuis plus de 30 ans en Suisse. Mais à ce jour, seuls 18% des cafés vendus en sont issus. Aidez-nous à changer les choses! En préférant le café Fairtrade, vous soutenez plus de 775 000 caféiculteurs et caféicultrices ainsi que leurs familles autour de la planète.
Plus d'infos sur le café équitable
Adaptation en français par Valentine Zenker