Alors que The Phoenician Scheme, le nouveau Wes Anderson, est sorti en salles le 28 mai, les réseaux sociaux débordent de pastiches. Mais comment capter vraiment son style? Mode d'emploi pour recréer la magie andersonienne? Sans se tromper de recette.
Les films de Wes Anderson tiennent souvent à une seule image saisissante. Ce goût pour le visuel s'est affirmé dès La Famille Tenenbaum (2001), lorsque Margot (Gwyneth Paltrow) descend du bus – une scène devenue emblématique. Depuis, cette esthétique singulière a conquis de nombreux fans, qui traquent le «style Anderson» dans les moindres recoins de leur quotidien.
La page Instagram Accidentally Wes Anderson, créée en 2017, a connu un succès fulgurant en publiant des photographies de lieux réels qui, par hasard, correspondent à l'univers visuel d'un film de Wes Anderson.
Par exemple, un métro milanais semble tout droit sorti de son imaginaire, avec son agencement symétrique, ses murs bleu pastel et ses barres jaune éclatant. Sur les réseaux sociaux, des internautes «romantisent» leur quotidien à la manière des films de Wes Anderson. Tout a commencé avec Ava Williams, qui a publié une vidéo d'un trajet en train sur TikTok, avec cette légende : «T'as intérêt à pas faire genre t'es dans un film de Wes Anderson quand j'arrive.»
Avec la sortie récente de The Phoenician Scheme, les réseaux sociaux vont sans doute être inondés de nouvelles tentatives d'imitation. Mais tous ces pastiches ne sont pas forcément réussis.
Le style Wes Anderson que tentent de reproduire ces internautes est une esthétique insaisissable, qui ne prend forme que par une combinaison spécifique d'éléments.
Penser l'esthétique d'Anderson comme une combinaison d'éléments revient à l'envisager comme une recette.
Quand on fait un gâteau, il ne suffit pas d'avoir la liste des ingrédients : il faut aussi les bonnes proportions. De nombreux chercheurs en cinéma ont identifié les principales caractéristiques (les ingrédients) du style andersonien. On y retrouve :
Mais pour imiter Wes Anderson, il faut combiner ces ingrédients dans les bonnes proportions.
Cette combinaison stylistique typique émerge dans son troisième long métrage, La Famille Tenenbaum (2001). Ce film se distingue par son usage constant de plans-tableaux, où les personnages sont disposés de manière formelle, sur le même plan, face au spectateur. Ces images sont immédiatement reconnaissables par leur composition frappante et leur effet dramatique.
Prenons la séquence où Anderson nous présente sa «galerie de personnages (22 ans plus tard)» (comme l'indique le carton-titre). Tous les personnages sont montrés face à un miroir. Ici, la caméra prend la place du miroir, ce qui les amène à regarder directement l'objectif.
Ces images-tableaux sont renforcées par une caméra fixe et un cadrage centré (les personnages sont positionnés au centre de l'image), ce qui accentue la symétrie et l'immobilité.
Anderson varie les combinaisons de ces plans-tableaux. Le film s'ouvre sur un plan-tableau symétrique et statique d'un livre de bibliothèque, filmé en plongée (vue du dessus), la caméra étant perpendiculaire au comptoir. Ce premier plan combine donc pas moins de cinq éléments : angle frontal, plan-tableau, cadrage centré, vue en plongée et caméra fixe.
L'originalité du style andersonien ne réside pas dans chacun de ces éléments pris isolément, mais dans leur combinaison spécifique.
Autre exemple emblématique: Margot (Gwyneth Paltrow) retrouve Richie (Luke Wilson) après son voyage en mer.
Elle descend du bus et marche vers la caméra – donc vers Richie, qui se trouve derrière l'objectif. Ce plan combine une nouvelle fois angle frontal, plan-tableau et cadrage centré. Mais il s'y ajoute cette fois une caméra en mouvement (qui recule pour suivre Margot) et un ralenti, le tout accompagné de la chanson These Days interprétée par Nico.
L'usage systématique des plans-tableaux dans La Famille Tenenbaum (et dans les films suivants) se conjugue avec d'autres éléments stylistiques pour créer une esthétique cohérente.
Les traits que le réalisateur combine dans ses films ne sont pas arbitraires. Tous remplissent une même fonction: attirer l'attention sur la forme, et instaurer une distance entre les spectateurs et les personnages.
Wes Anderson rejette les techniques narratives classiques (celles dites «invisibles») au profit d'un cinéma réflexif, où le regard du spectateur est guidé vers une observation clinique et distante de personnages excentriques évoluant dans des univers tout aussi singuliers.
Alors, si vous souhaitez transformer un moment de votre quotidien en scène andersonienne, pensez d'abord à l'histoire que vous voulez raconter, et combinez avec soin les huit ingrédients qui font toute la magie d'un véritable plan signé Wes Anderson.
Cet article a été publié initialement sur The Conversation. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original