S'il y a bien un monstre du cinéma qui a su marquer l'inconscient collectif, c'est bien le Xénomorphe de la saga Alien, apparu pour la première fois sur les écrans en 1979, sous la caméra de Ridley Scott.
Issu de l'imaginaire biomécanique du plasticien suisse Hans Ruedi Giger, le Xénomorphe est devenu le monstre le plus terrifiant du cinéma, deux ans après le requin de Steven Spielberg. Alien, le huitième passager s'inscrit dans l'histoire comme le premier film de «science-fiction horrifique» avec une femme pour héroïne, en la personne d'Ellen Ripley, incarnée par Sigourney Weaver, devenue depuis une figure féministe emblématique.
Alien: Romulus se passe peu après les événements funestes d’Alien, le huitième passager. Au XXIIe siècle, l'univers est aux mains de la compagnie minière Weyland-Yutani qui terraforme et colonise des planètes pour leurs ressources. Des colonies dans lesquelles vivent des ouvriers précaires, esclaves de cette corporatocratie qui emploie également des êtres synthétiques.
Rain (Cailee Spaeny), une jeune orpheline, vit sur une planète minière avec un androïde défaillant devenu sa seule famille. Rêvant de quitter sa planète, celle-ci va s'associer avec une bande d'amis ayant découvert une station spatiale abandonnée qui pourrait leur permettre de rejoindre une planète libre et d'y vivre une nouvelle vie. Mais c'est sans savoir ce que cache la station Romulus…
Avec sa bande de jeunes condamnée à l'esclavage dans un monde pollué, à la recherche d'un paradis où le soleil est visible et où subsiste un espoir d'émancipation face au capitalisme mortifère de la compagnie Weyland-Yutani, difficile de ne pas y voir histoire de génération sacrifiée faisant écho à la notre, en ces périodes troublées.
Alien Romulus s'inscrit comme le septième film de la saga Alien. Depuis l'œuvre fondatrice de Ridley Scott, quatre films ont suivi, en tout point différents, faisant d'Alien une saga «de cinéastes» avec les pattes de James Cameron (Aliens, 1984), David Fincher (Alien3 , 1992) et Jean-Pierre Jeunet (Alien: Résurrection, 1997), avec toujours au centre, le personnage de Sigourney Weaver.
Plus d'une décennie de sommeil cryogénique plus tard, le père se réapproprie sa créature. Ridley Scott sort Prometheus en 2012 et Alien: Covenant en 2016 dans une logique de prequel afin d'expliquer les origines de la créature que l'on a pu voir dans son film de 1979. Pensés comme une trilogie, seuls ces deux films verront le jour, boudés par un public peu convaincu par les choix narratifs de l'auteur.
Depuis, Disney a racheté le studio 20th Century Fox et compte bien remettre la créature sur le devant de la scène, avec une série télévisée à venir en 2025 et ce nouveau volet intitulé: Alien Romulus. Ridley Scott reste producteur et c'est un cinéaste uruguayen qui reprend les reines de la saga: Fede Álvarez.
Un réalisateur méconnu du grand public, mais pas des cinéphiles amateurs d'horreur, puisque celui-ci s'est fait connaître grâce au remake d'Evil Dead (2013) et du très remarqué Don't Breath (2016). Un choix plutôt malin, étant donné que la saga Alien est avant tout une saga horrifique.
Fede Álvarez avait donc une lourde responsabilité, celle de redorer le blason du Xénomorphe auprès des fans exigeants et proposer de la nouveauté sans trahir le lourd héritage des 45 ans qui sépare Romulus du 8e passager.
Un exercice réussi haut la main par le réalisateur uruguayen, notamment grâce à une direction artistique empruntée directement au film de 1979, avec son rétrofuturisme à base d'écran cathodique et de graphisme minimaliste.
Comme un peintre qui rendrait hommage à ses maîtres, le film a également la brillante idée d'emprunter à chacun des opus de la saga, et ce, de façon toujours subtile, inscrivant Romulus dans la parfaite continuité des longs métrages précédents. Ce nouvel Alien est à la fois un chapitre indépendant de la saga tout en étant une sorte de suite indirecte au premier film.
Et comme chacun des volets, celui-ci insuffle son propre univers, tout en proposant de la nouveauté sur le plan scénaristique, bien qu'il le fasse avec un peu trop de parcimonie. En effet, les qualités de cet Alien: Romulus sont aussi ses défauts, puisque la ligne entre hommage et sentiments de déjà-vu se fait ressentir malheureusement un peu trop souvent.
Avec son Don't Breath en 2016, Fede Álvarez avait créé l'événement avec un huis clos angoissant sur de jeunes braqueurs se retrouvant pris pour cible par le propriétaire du lieu qu'ils tentaient de cambrioler. Un pitch finalement pas si éloigné d'Alien Romulus, dans lequel on retrouve les mêmes fulgurances.
Lorsque les monstres sont de sortie, le film ne laisse plus aucun répit à ses spectateurs et déploie tous les mécanismes d'effroi anthologique à la saga pour instaurer la peur. Ce n'est pas seulement le Xénomorphe qui terrifie, mais chaque étape de sa transformation. Les Facehuggers (vous savez, ces espèces de crustacés qui cherchent à tout prix à vous rouler une pelle pour vous inséminer un petit alien dans l'œsophage) sont à l'honneur dans ce volet, aussi redoutables que la créature elle-même. Une peur qui monte crescendo et de manière exponentielle au fur et mesure de l'évolution du monstre, offrant au passage des scènes inédites.
Après l'échec en double de Prometheus et Alien: Covenant et leur promesse d'explorer la genèse de la saga, Alien: Romulus a fait le choix d'être beaucoup plus cryptique, distillant au compte-gouttes les quelques éléments narratifs faisant avancer la diégèse. Alien: Romulus ne cherche pas à raconter, il cherche à terrifier, et il le fait avec un talent certain. Avec sa beauté folle et sa tension ininterrompue, Romulus fait revenir ce monstre sacré du cinéma de la plus belle de manières. Dans la salle de ciné, tout le monde vous entend crier.
Alien: Romulus est sorti sur les écrans romands le 14 août 2024. Durée: 1h59.