Il y a dix jours, on a eu droit à une nouvelle bande-annonce du film Superman, avec un extrait de quelques minutes. Celle-ci a généré quelque 10 millions de vues.
Il y a trois mois, une fausse «bande-annonce numéro 2» était déjà sortie sur YouTube, et avait généré près d'un million de vues. La description semblait authentique et, dans l'ensemble, tout indiquait qu'il s'agit d'une vidéo officielle.
Même le logo de la Warner y figurait. Ce n'est qu'en s'y penchant de plus près que l'on voit qu'il s'agit en réalité d'une vidéo de fans réalisée par Screen Trailers, et qu'il s'agit d'un montage mêlant séquences existantes et vidéos générées par l'intelligence artificielle.
De telles bandes-annonces générées avec l'aide de l'IA apparaissent régulièrement sur la toile, Screen Trailers en a produit elle-même plusieurs. Et si on se fie aux commentaires, de nombreux fans semblent tomber dans le panneau. De telles vidéos génèrent des millions de clics, et peuvent engranger beaucoup d'argent.
Mais pourquoi les studios de cinéma tolèrent-ils de telles violations de leur propriété intellectuelle? Un récent article de Deadline fait la lumière sur la fraude à l'IA. YouTube pourrait partager les recettes publicitaires de telles vidéos avec les studios de cinéma.
Au lieu de réclamer des droits d'auteurs sur ces promotions contrefaites, les sociétés de production d'Hollywood ont demandé à YouTube de s'assurer que les recettes publicitaires leur revenaient.
Des e-mails obtenus par Deadline révèlent que Warner Bros. Discovery (WBD) a demandé la monétisation de bandes-annonces de la société Screen Culture pour Superman House of the Dragon. Cela signifie que WBD, au lieu de bloquer les vidéos en vertu des droits d'auteur, demande à YouTube de percevoir les recettes publicitaires générées par les vues.
De la même manière, Sony Pictures a réclamé des revenus provenant de fausses bandes-annonces pour Spider-Man et Kraven The Hunter, tandis que Paramount a fait de même pour une fausse vidéo de Gladiator II.
Les studios de cinéma sont donc prêts à toucher de l'argent pour des contenus qui exploitent leur propriété intellectuelle et leur talent. Et cela à une époque où Hollywood connaît une véritable crise existentielle quant à la manière de traiter l'IA.
Les faux trailers ne sont pas nouveaux. Auparavant, ils n'étaient pas constitués de vidéos générées par l'IA, mais de matériel vidéo monté. L'un des premiers exemples à être devenu viral était une suite imaginaire à Titanic, dans laquelle Jack Dawson, interprété par Leonardo DiCaprio, était retrouvé dans un bloc de glace sous l'océan, et ramené à la vie dans le New York d'aujourd'hui. La bande-annonce avait été vue 53 millions de fois, avant d'être bloquée par la 20th Century Fox.
Deadline s'est entretenu avec deux importants créateurs de ces fausses vidéos. Ceux-ci sont convaincus qu'elles ne nuisent à personne, et qu'elles contribuent à la commercialisation des films, raison pour laquelle les studios ne font pas valoir de droits d'auteur pour la plupart de ces vidéos. Il n'est pas clair s'ils savent que les studios de cinéma empochent de l'argent pour cela.
Le SAG-AFTRA, le syndicat des créatifs de l'industrie cinématographique aux Etats-Unis, voit les choses différemment:
Le syndicat évoque les conséquences du comportement des studios:
Ce sont donc les acteurs, les auteurs, les comédiens de doublage qui en font les frais.
Dans ces bandes-annonces faites à l'aide de l'IA, on remarque également que les personnages féminins sont souvent sexualisés. Une fausse bande-annonce pour le film d'animation Vice-versa 3 mise en ligne par Screen Rant montre par exemple Riley Andersen avec de gros seins et un décolleté suggestif. Dans le premier film de Disney, Riley n'a que 11 ans, dans la suite, elle devient une adolescente. La série de films Vice-versa s'adresse en premier lieu aux enfants et aux familles.
Comme nous l'avons mentionné, les fausses bandes-annonces sur YouTube ne sont pas un phénomène nouveau, mais elles sont de plus en plus nombreuses et sophistiquées. Parallèlement, les bandes-annonces sont devenues un élément de plus en plus important de la machine marketing des films, les studios se vantant d'avoir atteint des records de visionnage dans l'espoir que cela se répercute sur les ventes de billets de cinéma.
Mais tant qu'un nombre important de fans regarderont de fausses bandes-annonces et tomberont dans le panneau, ou accepteront le tout avec un haussement d'épaules, les comptes non officiels continueront à générer des millions de clics avec leurs bandes-annonces, grâce à l'intelligence artificielle. (cmu)
Traduit de l'allemand par Joel Espi