Pourquoi le gouffre de Helm, lieu très important dans la saga de Tolkien, s'appelle-t-il ainsi? C'est la question à laquelle s'attèle le dernier spin-off du Seigneur des Anneaux, nommé La Guerre des Rohirrim.
On pourrait s'arrêter là, tant l'intrigue du film est circonscrite, mais on va tout de même vous dire si celui-ci vaut le détour en salle, ou non.
En premier lieu, l'on octroie un bon point pour le côté novateur: La Guerre des Rohirrim mélange à l’écran l’animation 2D et des images en prise de vue réelle, signées du réalisateur japonais Kenji Kamiyama. L'on doit à ce dernier des œuvres à succès telles que Ghost in the Shell: Stand Alone Complex, Blade Runner: Black Lotus, ou encore Hirune hime, rêves éveillés.
La guerre des Rohirrim se déroule 183 ans avant les événements du Seigneur des Anneaux: Les Deux Tours et raconte l'histoire de Helm Poing-de-Marteau, un roi légendaire du Rohan, qui est mentionné dans les appendices de l'œuvre gigantesque de J.R.R Tolkien. On suit les exploits de Helm, lequel doit défendre son peuple contre une armée de Dunéens qui ne souhaite que sa destruction. C'est surtout la fille de Helm, Héra, qui devra faire preuve de ruse et de stratégie en se battant contre Wulf, un seigneur vengeur et cruel.
D'aucuns ont été étonnés que la jeune femme prenne un rôle aussi central dans la guerre des Rohirrim. Il faut dire que l'oeuvre originale mentionne la jeune fille, sans la nommer, ni lui donner véritablement corps. Une opportunité saisie par la production, qui, grâce à cette création originale, donne une profondeur à l'intrigue: Héra, à travers une demande de mariage rejetée, donne une dimension plus personnelle à la bataille. Celle-ci est également la figure protectrice et unificatrice du Rohan, et porte sur ses épaules une belle charge symbolique.
Si l'on s'attache très vite à cette fille de roi courageuse, intelligente et téméraire, les fans de Tolkien finiront par bâiller devant une trajectoire et une personnalité bien trop calquées sur celles d'Eowyn, la fille du roi Théoden.
Rappelez-vous: Eowyn apparaît dans Les deux Tours, et ses exploits sur la bataille des champs du Pelennor lui vaudront le surnom de «Dame au Bras-de-l'Ecu» («Lady of the Shield-arm»). Sans trop vous spoiler (enfin....si!), La guerre des Rohirrim finit sur une bataille féroce entre Héra et Wulf, et la «chorégraphie» n'est pas sans nous faire penser au combat épique d'Eowyn contre le Roi-Sorcier.
Héra, tout comme Eowyn, finit par exploser son bouclier. Référence en mode métaphore filée, ou paresse créative de la part de la production?
Pour nous, la dernière option semble la plus probable. Les deux figures féminines, des «vierges guerrières», ont pour mission de convaincre leur père de leur valeur sur le champ de bataille. Sans compter que les frères et le cousin de Héra nous font furieusement penser au personnage de Eomer.
Le roi Helm finit sur une embardée héroïque et téméraire, tout comme le roi Théoden. Et l'on trouve à nouveau le fameux profil du membre de la famille répudié, qui vient sauver les fesses de tout le monde à la fin, et sonner le tocsin en dégringolant sur l'ennemi. L'originalité a-t-elle quitté le chat? A force de vouloir plaire aux fans en jouant sur les références et les parallèles, les productions finissent par faire de leurs spin-offs une parodie de leur poule aux blockbusters d'or.
Entendre résonner la voix de Miranda Otto, qui incarne Eowyn dans la trilogie originale, pour en faire la narratrice, n'est pas pour nous déplaire. Mais cela ne suffit pas à redorer le blason du récit.
On aurait aussi voulu (oui, c'est bientôt Noël, on a le droit de faire une liste de voeux très exigeante) des batailles aussi épiques que celles du Retour du Roi. Plus de 20 ans après, qui aurait pu penser que voir des Mûmakils (des espèces d'éléphants gonflés à l'EPO) débouler en furie sur une forteresse nous procurerait autant de frissons qu'assister à un meeting géré par des Ents?
De là à dire que le dernier bonbon cinématographique roulé dans les sécrétions littéraires de la Terre du Milieu ne vaut pas une lampée, il y a un buffet de mauvaise foi.
A titre personnel, je n'ai pas vu le temps passer (même si je suis arrivée dix quinze minutes en retard). Déjà, l'esthétique de La guerre des Rohirrim est irréprochable. C'est beau, et la 2D rajoute cette touche d'émotion laissée vacante par un script peu vibrant. Il faut dire que le projet porté par New Line et Warner Bros. a profité des compétences de vrais guerriers en animation, soit la société multimédia nippone Sola.
La bande-son, qui revisite et rehausse celle de la saga originale, fait mieux que Gladiateur II, qui manquait tristement d'une colonne vertébrale sonore aussi solide que celle de son aînée.
La proposition de Kamiyama est à mi-chemin entre un biotop nippon et occidental. En prenant le meilleur des deux mondes, elle convoque une nostalgie qui permet une véritable immersion synesthésique.
Même si le résultat final est amendable - tout comme l'était la deuxième saison des Anneaux de Pouvoir - le plaisir de la chevauchée en Terre du Milieu est garanti. Sans compter qu'une chronique axée sur les Hommes ne se boude pas.
On conseille donc aux fans de la première heure de courir en salle pour cette ultime gourmandise tolkienesque de l'année, et aux prudes amateurs de s'en tenir en ce mois de décembre à The substance...ou à la dernière douceur de Noël avec Lindsay Lohan.