Dès les premières secondes, la salle explose. Pas d’introduction en douceur, pas de montée progressive: l’ambiance est brûlante d’emblée. Quand Saint Levant entre sur scène, porté par les cris de «Free Palestine» hurlés par une foule chauffée à blanc, on comprend que ce concert ne sera pas comme les autres.
L’énergie est là, brute, joyeuse, intense. Le Casino de Montreux se transforme en une fête populaire où l'on chante, on danse, on milite dans une atmosphère de communion vibrante.
Très vite, avec ses musiciens tout aussi déchaînés que lui, on se retrouve embarqués dans une nuit moite, un peu irréelle, mi-rave façon 1001 nuits, mi-cousinade géante. Le décor est planté: une scène peu surélevée, dans une configuration éphémère du festival en raison des travaux du 2M2C, offrant une proximité presque troublante avec le public, comme si tout le monde était invité au même mariage. Celui de la fête et de la lutte. Celui de la musique et de l’engagement. Et Saint Levant, lui, en maître de cérémonie. En équilibre constant entre séduction et conviction.
Dans une ambiance de plus en plus survoltée, il enchaîne ses tubes, comme Very Few Friends, Galbi ou 1001 Nights. Et prend la parole pour parler de Gaza. Le ton se fait grave. Il évoque le silence du monde, l’injustice. Et sa mère, aussi qui lui a dit:
La foule se tait. Pas un murmure, juste un respect habité d’une tristesse commune. Puis des applaudissements. Et la fête qui repart de plus belle.
Saint Levant reprend son rôle d’ambianceur avec une aisance désarmante. Il sort son saxophone, drague la foule, qui le lui rend bien, fait onduler les corps avec un remix de Hips Don’t Lie de Shakira et galvanise la salle jusqu’à la faire trembler.
Littéralement. Le sol vibre sous les pieds d’un public électrisé. Sur scène, ses musiciens dansent comme si c’était la dernière fois. Même une chaise en plastique finit en l’air.
A voir Saint Levant en live, on comprend vite qu’il ne s’agit pas simplement de dérouler un set. C’est une performance totale, une expérience sensorielle, un moment de vie. Il donne tout: sa voix, son corps, ses idées, son énergie. Il danse, il saute, il transpire, il vibre avec la foule.
Et cette générosité est contagieuse. Même sans être fan à la base, on se laisse happer. Ce n’est pas un concert, c’est une immersion. Une heure suspendue entre fête, sueur, engagement et sensualité. Avec lui, il n’y a plus de frontière entre la scène et les gens. On a beau ne pas connaître toutes les paroles par cœur, il faudrait être fait de marbre pour ne pas se laisser emporter.
Ce qui frappe aussi, c’est l’unité du public. Ce n’est pas juste le premier rang qui se déhanche c’est toute la salle de la Scène du Casino qui s’abandonne à la danse, sans retenue, sans pose. Une vague collective, instinctive, presque tribale. Rarement on a vu une foule aussi homogène dans le lâcher-prise. Comme si, le temps d’un concert, tout le monde parlait la même langue: celle du corps en mouvement et de ce moment suspendu, partagé, puissant.
Derrière la scène, des drapeaux palestiniens flottent. Devant, des bras levés, des cris de joie, des yeux brillants. On regarde la montre, mince, le temps passe trop vite. A 22h58, alors que le concert touche gentiment à sa fin, Wazira, l’une de ses meilleures chansons, résonne comme un hymne à la sensualité, à la liberté.
Saint Levant conclut par un petit tour dans foule, porté par l’euphorie collective et les «Free Palestine». Puis s'en va, et revient, drapeau palestinien brandi au poing:
On le croit sur parole. Et à vrai dire, on aurait tenu. Parce que plus qu’un concert, ce mercredi soir au Montreux Jazz, c’est une célébration qu’on a vécue. De la musique, de la résistance, et d’une humanité partagée.