Après vingt ans de chansons autoproduites et quatorze ans de succès planétaire, Ed Sheeran est passé du statut de jeune prodige à celui de référence incontournable. Deux ans après son dernier album, Ed Sheeran revient avec Play, un disque qui commence par surprendre… avant de retomber dans ses formules habituelles.
Play s’ouvre avec audace. Dès la première piste, Ed Sheeran surprend: il se remet au rap. Opening rappelle ses premières mixtapes autoproduites, comme Loose Change (2006) et No.5 Collaborations Project (2010), qui l’ont fait connaître avant sa signature avec une major. Le flow est incisif, rythmé, et donne l’impression que l’album va explorer de nouveaux territoires. C’est une ouverture réussie, pleine d’énergie et de promesses.
Un peu plus loin dans l’album, sur le morceau Sapphire, la collaboration avec Arijit Singh, chanteur indien, se révèle comme l’un des sommets émotionnels de l’album. La douceur vocale de Singh se mêle parfaitement à celle de Sheeran, tandis que l’arrangement, plus ample et presque cinématographique, ajoute une intensité qui capte immédiatement l’attention. C’est une ballade bien construite qui touche au cœur et montre qu’Ed Sheeran peut encore surprendre lorsqu’il sort de son registre habituel.
Plus tard, dans Azizam, Sheeran marque une incursion rare dans la pop persane. La voix légendaire de Googoosh apporte une profondeur et une élégance inattendues et la rencontre des deux univers fonctionne par moments: Sheeran ose s’éloigner de son confort acoustique habituel, explorant des textures et des mélodies inédites pour lui.
Au milieu de l’album, Don’t Look Down apporte un changement de texture bienvenu. Fred Again, Dj britannique, insuffle une production électronique et house discrète mais efficace, donnant enfin un souffle neuf. La chanson prouve que Sheeran peut s’intégrer dans un univers plus contemporain sans se perdre.
Toutefois, après l’ouverture rap de Opening et les collaborations internationales, l’audace se dissipe vite. Old Phone replonge dans des thèmes déjà largement traités par Sheeran: la nostalgie, les souvenirs, le passage du temps. La mélodie est jolie, mais rappelle trop Photograph ou The A Team pour vraiment marquer.
À mesure que l’album avance, les morceaux se ressemblent: guitare acoustique, refrains larges, arrangements doux. Même les collaborations, pourtant prometteuses, finissent par être absorbées dans la formule Sheeran. Azizam et Sapphire, malgré leur richesse culturelle, n’échappent pas complètement à cette homogénéité. Manque de relief dans la deuxième moitié. Hormis Don’t Look Down, qui crée une respiration grâce à un tempo plus soutenu et tranche avec les refrains doux, le reste de l’album s’étire sur des ballades très proches dans le ton.
Les émotions sincères sont là, mais elles se noient dans une répétition de schémas familiers: le morceau For Always est dédié à ses filles et exprime son engagement éternel envers elles:
Cette chanson s'inscrit dans une série de morceaux personnels de l'album, où Sheeran aborde des thèmes tels que la paternité et la guérison.
Bien que For Always soit sincère et touchant, la chanson demeure dans une structure musicale conventionnelle, sans grande innovation stylistique. On attend une rupture, un moment de tension dramatique ou une surprise mélodique: elle ne vient jamais.
Play est un album solide, avec des moments émouvants, de belles mélodies, une maîtrise technique certaine, mais il laisse sur une impression mitigée: celle d’un Ed Sheeran qui sait ce qu’il fait, peut-être même trop bien, au point de donner peu de place à l’inattendu. Pour les fans, il y aura de la joie, de la tendresse, des chansons à retenir. Mais pour ceux qui attendaient qu’il secoue ses formules, qu’il brise ses propres attentes, Play risque de paraître un peu trop sûr, voire répétitif.